Bloodline Symphony - Actualité manga
Dossier manga - Bloodline Symphony

La cadence du récit


Bloodline Symphony, comme nous l'avons soulevé, est un récit initialement prévu sur trois tomes. Mais lors de la parution du premier opus, voilà que le couple d'auteur attend un heureux événement. Avoir un enfant étant un travail de tous les jours, la création du manga se retrouve impactée, et c'est d'un commun accord avec les éditions H2T que l’œuvre est écourtée d'un opus. Un choix dans lequel une certaine crise sanitaire a possiblement eu un rôle, tant la première vague fut déstabilisante et nous contraignant à des organisations particulières.

Le premier tome a donc été créé avec une vision différente du second puisqu'au terme de celui-ci, il restait initialement deux volets à Pablo Rey et Noelia Sequeida pour conclure leur histoire. Le choix d'amputer l'œuvre d'un tome fait, il était nécessaire de procéder à un redécoupage du scénario, de manière à narrer l'histoire comme il se devait et amener la fin voulue pour ne pas laisser le lecteur en plan. Avoir conscience de l'histoire du façonnement de Bloodline Symphony, c'est mieux comprendre son deuxième tome dont la cadence est fortement accélérée. Là où le premier volume prenait son temps pour amener l'univers et les premiers pas d'Amélia en tant que vampire, la deuxième tome n'est jamais avare en événements, développements et péripéties, si bien qu'il nécessite une certaine concentration de notre part pour saisir les situations et leurs transitions. On pourrait dire que la lecture devient exigeante, sans pour autant atteindre un trop grosse complexité, de manière à ce que l'œuvre reste un titre qui peut être mis entre toutes les mains (mais pas dans celles de trop jeunes lecteurs non plus, celui-ci n'étant pas le lectorat cible).

Après avoir parcouru ce fameux deuxième volet, force est de constater que l'exercice de compilation des données scénaristiques a été fait avec succès. Si on ressent une forte accélération du rythme, une lecture attentive permet de comprendre que les principaux développements sont là, que les explications glissées renforcent la trame narrative, et que tout se met en place pour aboutir au climax fort, intense, et qui méritera qu'on le relise pour saisir toute sa dimension. On se questionnera alors sur la conclusion douce amère qui survient assez vite, froide et mélancolique, bouclant bien le parcours des personnages mais nous laissant sur une incertitude vis à vis d'Amélia. Cette intention contribue à l'ambiance de cette fin et à sa symbolique, celle d'une solitude éternelle, mais on peut légitimement se demander si ces dernières planches auraient eu la même allure ou le même exact développement si le format en trois tomes avait été conservé. Cette réponse, seuls les auteurs peuvent l'avoir, mais leur façon de faire finale n'empiète certainement pas sur la qualité narrative de Bloodline Symphony.



Esthétique sombre, élégante et sensuelle


Si l'écriture de Pablo Rey est fortement équilibrée, Bloodline Symphony brille aussi par le cachet graphique de Noelia Sequeida, dessinatrice de l’œuvre. Dès les premières planches, la patte de la mangaka argentine fait mouche. Son univers est à la fois ravissant et brillant de noirceur, notamment par des personnages qui ne sourient que peu. Leurs allures de poupée, comme c'est le cas pour Amélia, s'oppose à l'environnement obscure du récit qui prend de l'ampleur au fil des pages. Une véritable dichotomie visuelle entre l'aspect chétif du personnage principal et l'enrobage gothique qui ne lui laissera aucun échappatoire, ce qui aboutir à un ensemble qui forgera toute l'identité esthétique du manga jusqu'à son dénouement : Son macabre sensuel.

Aussi, les vampires nous sont présentés sous un jour ravissant, renforçant leur charisme, sans pour autant renier leurs auras de prédateurs. Et plus que ravissant, « glamour » est un adjectif qui leur conviendrait tout aussi bien, de par la place qu'occupe la nudité dans la série. Bien souvent, les personnages sont présents en tenues d'Eve, tandis que le casting est essentiellement féminin. Élancées mais présentées avec des formes réalistes, les silhouettes n'ont pourtant pas pour vocation d'émoustiller le lecteur, mais plutôt de créer une atmosphère globale bien particulière. La nudité n'excite pas, mais elle envoute le lecteur qui voie dans ces êtres la fascination de créatures majestueuses, là où la dimension bit-lit apporte une forme d'érotisme basé sur les échanges charnels où les échanges de fluide sont ceux du sang circulant d'une veine à un gosier. Visuellement, la dessinatrice opère un dosage tout à fait méticuleux et ne franchit jamais de barrière interdite, par exemple en présentant une jeune Amélia passant à l'acte. La concernant, ce ne sera que de l'ordre du sous-entendu, tout en sachant qu'une relation intime entre vampire n'a pas tout à fait le même sens qu'un tel rapport côté humain, ou du moins pas la même représentation.

Cet art vient donc se fondre dans une atmosphère, macabre et élégante, et la sublime. La conception de l'univers et la patte visuelle de Bloodline Symphony vont donc de pair. Elles résonnent et se mélangent pour apporter à l'œuvre son ambiance à la fois lourde et attrayante, qui contribue à nous porter et à nous fasciner jusqu'à la dernière page. Il faut toutefois souligner que le climax du manga, lui, joue avec d'autres aspects visuels, plus fantasmagorique, là où le final se révèle plus froid, malgré les quelques élans d'humanité dépeints.


BLOODLINE SYMPHONY © 2019 Pablo Rey & Noelia Sequeida / Editions H2T

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