Barrage - Actualité manga
Dossier manga - Barrage

Une énième victime du système éditorial Jump ?


Pour les lecteurs de mangas avec un minimum d'expérience, la formule est classique. Beaucoup de titres issus du Shônen Jump proposent une fin assez abrupte, qui ne se semble pas correspondre à la volonté de l'auteur et de son récit. L'un des premiers exemples à avoir énormément fait parler de lui est sans doute Shaman King, l'ultime volume n'allant pas au bout de l'arc final et proposant une absurde fin ouverte. Par la suite, les représentants de cette catégorie se sont multipliés.

Beaucoup connaissent aujourd'hui les raisons de ces séries qui manquent d'ambition, notamment parce que le manga Bakuman de Takeshi Obata et Tsugumi Ohba s'est intéressé aux coulisses du Shônen Jump. Avec de l'excentricité et de la démesure à certains instants, mais en relatant tout de même des faits avérés du système éditorial du célèbre magazine de prépublication. Chaque semaine, les lecteurs sont invités à voter pour leurs titres préférés. Pas de quartier pour les séries qui sont en bas du classement : celles-ci sont purement annulées pour laisser la place à de nouveaux arrivants. Finalement, c'est un système qu'on retrouve dans d'autres médiums, par exemple les séries télévisées qui ne sont pas reconduites si elles manquent de succès.

Évidemment, ce cas de figure a concerné Barrage. D'une manière générale, une série courte issue du Jump équivaut à une annulation, et donc un manque de succès de l’œuvre en question. Après Crazy Zoo qui a tenu 5 tomes à peine, la deuxième série de Kôhei Horikoshi aura été évincée au bout de 16 chapitres. Heureusement, l'auteur a su rebondir avec My Hero Academia.


On peut légitimement se demander pourquoi Barrage n'a pas su séduire le lectorat japonais. Pourtant, la série s'ancre dans un certain classicisme au niveau de ses codes, et essaie même de dépeindre un contexte peut-être assez différent de ce qu'on a l'habitude de trouver dans le Jump. Les séries mettant en scène des extraterrestres sont plutôt rares, en dehors de l'acclamé Gintama, tout en sachant que c'est un choix artistique qui sied à Kôhei Horikoshi qui ne peut jamais dépeindre exclusivement que des humains ordinaires. Crazy Zoo jouait avec anthropomorphie, les héros de My Hero Academia amènent quelques mutations, et Barrage présente pas mal d'aliens humanoïdes qui apportent un petit relief au récit.

En ce sens, l'auteur est assez fidèle à son style artistique, Barrage s'ancrant totalement dans une esthétique qu'il a l'habitude de dépeindre. Mais le manque de succès de la série ne vient sûrement pas de là, mais peut-être davantage de son scénario assez bateau. Petite série d'aventure, Barrage ne fixe pas de véritable objectif. L’enjeu principal vient de la manière dont Astro assumera son rôle de prince d'Industria, mais n'a en soi pas de quête particulièrement définie. Les deux tomes, une fois l'introduction passée, narrent deux aventures qui opposent Astro et Tiamat à différentes menaces. C'est sympathique sur le papier, mais ça n'a peut-être pas suffit à tenir les lecteurs suffisamment en haleine pour soutenir la série, et lui donner la chance de se développer.

Il faut attendre le second opus pour voir quelques réelles idées de scénario germer, notamment dans la relation entre Astro et Black. Outre le fait que ces éléments soient amenés de manière trop précipitée pour qu'on soit totalement époustouflés, on peut admettre qu'ils auraient pu façonner une suite plus intéressante si Horikoshi avait eu le temps de les exploiter. On en vient alors aux limites du Jump : une série du magazine doit impacter d'entrée de jeu, et les premiers chapitres restaient peut-être un peu trop vague pour susciter la passion du jeune lectorat japonais.


Une véritable ode à la paix et à la famille


En seulement deux tomes, Barrage arrive néanmoins à développer brièvement quelques thématiques, et à porter des messages positifs.

L'idée globale de l’œuvre est sans doute la notion de famille, si chère à Astro. Dans le courte titre, cette notion sert surtout à montrer la très grande humanité du protagoniste, celui-ci agissant en permanence par pur altruisme, et se montre impliqué dès qu'il est question de famille. Le traitement du héros est alors très cohérent puisque les grands discours d'Astro ne servent pas qu'à générer de beaux sentiments, mais permettent au protagoniste d'évoluer, voire de se surpasser, en agissant sans cesse pour son prochain. D'ailleurs, on remarquera que, paradoxalement, l'ambiance de Barrage n'est jamais toute rose. Des morts, il y en a, et il n'est pas dit que le héros parvienne à sauver tous ceux qui sont victime de l'oppression des extraterrestres et de la police royale corrompue.

Et outre ce message dédié à la famille, son importance et la métaphore qu'elle constitue, Barrage présente globalement un discours anti guerre. Le contexte de la série est assez anarchique puisque l'action se déroule sur une planète envahie par les extraterrestres qui exercent une sorte de domination, sans que cela soit totalement développé. De même, on ne sait pas vraiment si cela s'étend à des planètes alentours, Kôhei Horikoshi n'a pas vraiment le temps de nous l'expliquer. Le pitch est donc assez classiques, les extraterrestres sont les envahisseurs (un rôle classique qu'on leur attribue souvent), et la police royale doit les affronter. La corruption de celle-ci soulève très légèrement d'autres thèmes mais, là aussi, c'est bien trop effleuré pour qu'on y prête une véritable intention. Seul le personnage de Black apporte un peu de nuance en représentant le classique antagoniste qui a perdu confiance en sa nation natale, qui n'est d'ailleurs pas toujours représentée sous un jour positif. Une ambiguité qui a le mérite d'être présente, et qui sert surtout la fin du récit qui se veut très optimiste. L'auteur cherche alors à véhiculer son parti-pris anti guerre, condamnant aussi bien la violence que la guerre et les corruptions, ce grâce à l'altruisme sans limite de son protagoniste.


Reste alors une potentielle seconde lecture un peu maladroite, sans doute parce que le mangaka n'a pas eu le temps de creuser son sujet en profondeur. Les extraterrestres sont ici dépeints comme de simples envahisseurs, sans nuance aucune. Avec le peu de développement présents dans la série, difficile de ne pas voir une certaine volonté de ségrégation de la part do royaume d'Industria, et un rejet de l'autre par quelques personnages qui ont des propos parfois peu remis en question. Evidemment, développé sur le plus long terme, la série aurait sans doute balayé ces idées. Mais telle qu'elle est présentée, elle dévoile tout de même en filigrane un discours peu reluisant.



SENSEI NO BARRGE © 2012 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc.

Commentaires

DONNER VOTRE AVIS



Si vous voulez créer un compte, c'est ICI et c'est gratuit!

> Conditions d'utilisation