Animal Kingdom - Actualité manga
Dossier manga - Animal Kingdom

Une aventure végétarienne


Les shonens ont souvent un thème précis adapté à la sauce manga, que ce soit les pirates, les ninjas, les exorcistes ou autres magiciens, et quelque soit leur forme l'idée est souvent de mettre en scène des combats ou tout autre forme de duels. Pour cela, dans la grande majorité des cas les auteurs utilisent généralement comme personnages des humains et c'est justement là que dès le départ, Animal Kingdom surprend. En effet on s'éloigne de ce genre de codes pour nous proposer à la place un récit mettant un scène majoritairement des animaux. Si les humains sont quand même présents dedans, ils se comptent sur les doigts de la main là où les animaux sont illustrés par une grande partie des espèces existantes. Cela n'empêche cependant pas l'auteur de les humaniser à sa manière et c'est ainsi qu'ils sont dotés de parole et discutent entre eux comme le font les hommes. Makoto Raiku est un mangaka qui aime l'humour et ça se voit justement avec les personnages crées pour Animal Kingdom : plus que la parole, les animaux ont une réelle conscience et des comportements humains, faisant d'eux des personnages tout aussi charismatiques. Il n'est même pas rare de voir certains animaux quadrupèdes à la base se tenir sur leurs deux pattes arrière, histoire d'accentuer sur leur côté puissant et de les humaniser davantage. Ainsi au lieu de nous dépeindre des bêtes réalistes, l'auteur joue sur des rapports de tailles et autres détails improbables afin d'affirmer un certain trait de caractère : on pense notamment à un lion particulièrement méchant qui a une crinière noire, une taille gigantesque ainsi que des petites cornes parsemées sur le contour de ses yeux dans le but d'insister sur son caractère loin d'être familier. On remarquera aussi que la plupart des familles d'animaux ont un thème et qu'ainsi on les voit porter des habits ou un quelconque artifice qui fera allusion à l'homme. Par exemple, un rhinocéros porte un casque de football américain, des taureaux sont habillés comme des spartiates, et une famille d'hamsters est carrément habillée comme des mafiosi, allant jusqu'à reproduire les mêmes mimiques. Enfin, d'autres sont des allusions directes à de réelles personnes ayant existé comme un des lamas qui est la version animale de Jimi Hendrix. Par ce fait, on ne s'étonnera pas que quelques personnages existent seulement pour faire rire le lecteur par des gags qui se répètent ou qui n'ont tout simplement aucun sens. Poivron est sans surprise le premier à qui l'on pense : un raton laveur qui se la pète alors qu'il est ridicule, et qui a même droit à un gag en quatre cases à la fin de chaque tome, souvent pour nous offrir de l'humour très pipi caca mais qui fait mouche.

Au final l'idée d'utiliser des animaux en tant que personnages est intéressant sur le fait que dès le départ, le lecteur se retrouve impatient de croiser de nouvelles espèces et surtout de voir comment l'auteur va les adapter. De part son univers, on est loin des shonens habituels et plus prêt de notre réalité. De base on connait la loi de la jungle donc on se familiarise d'une manière différente aux personnages pour un résultat détonnant. Par exemple, on sait d'avance que les hyènes ne seront pas les personnages les plus amicaux du manga, contrairement aux lapins. D'ailleurs une des premières questions que l'on se pose à notre lecture est de savoir où l'on se situe chronologiquement dans la série : en effet, aucun indice nous aide à situer le manga dans le temps, et l'on en vient à se demander aussi où sont passés tous les autres humains. Il est aussi difficile de situer géographiquement où se passent les aventures de Taroza puisque visiblement l'auteur n'a absolument pas eu pour volonté de nous représenter une savane réaliste, et c'est ainsi que nous avons droit à un joyeux melting-pot de toutes les espèces possibles, c'est pourquoi un léopard croisera sans souci un ours polaire ou bien une vache.

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Mais malgré toutes ces particularités, Animal Kingdom reste un shonen avec un héros et ses rêves plein la tête ! Taroza est la pièce maîtresse qui va bouleverser le monde animal : abandonné alors qu'il était bébé, il va être recueilli par Monoko et dès cet instant son rôle sera majeur. Alors qu'il apprendra vite à communiquer et comprendra que le monde dans lequel il vit est violent à cause de la loi de la jungle, il décidera de se battre corps et âme toute sa vie afin que les animaux puissent vivre tous en harmonie, sans la moindre violence. Un but qui semble tout à fait utopique et qui nécessitera bien des épreuves pour espérer être atteint. Et c'est là que l'on constate un fait plutôt innovant pour un shonen : la faiblesse physique du héros. Là où dans les titres du même genre le personnage principal est généralement un personnage qui s'endurcit avec le temps de manière à pouvoir défier des ennemis de plus en plus forts, ce n'est pas le cas de Taroza. Etant humain, il est physiquement moins fort que la plupart des animaux et vu son objectif d'amener la paix, il n'a pas pour raison de se battre. Ainsi, inutile d'espérer voir Taroza donner un coup de poing puisque concrètement il ne se battra jamais de la sorte. Mais il y a un mais. Car s'il est loin d'être un preux combattant, Taroza a une capacité unique qu'aucun animal ne possède : la parole. Son plus grand atout est de pouvoir parler et comprendre le moindre animal, une capacité de choix puisqu'aucun autre être ne peut le faire. A cause de ça, les prédateurs ne peuvent comprendre les cris et plaintes de leurs victimes et même la cohabitation entre deux espèces pacifiques semble compliquée. Ainsi s'il ne peut donc pas lutter physiquement contre les animaux, il peut néanmoins dialoguer avec chacun d'eux et comprendre leur peine ou autre sentiment. Si certains voient en Taroza un précieux allié et le placent directement comme un leader comme le fait son fidèle destrier Croc-Noir ou plus tard Sieg, d'autres voient en lui un semeur de troubles ou un petit effronté bien comique qui nage dans un monde qu'il ne connait pas et qui n'a pas besoin de lui.

Petit à petit, notre jeune garçon arrivera malgré tout à rallier différentes espèces entre elles avec même quelques carnivores, un fait impressionnant qui semblait tout bonnement impossible avant son arrivée. Au final, nous avons là un héros plus stratège que guerrier, mais dont le tempérament ne l'empêchera nullement de partir de front lors des batailles, montrant bien qu'il est prêt à tout et même à mourir s'il peut réaliser son rêve. Taroza joue un rôle crucial justement dans les affrontements puisqu'il permet aux animaux de se comprendre entre eux : seuls les membres d'une même espèce peuvent dialoguer l'un à l'autre et si notre jeune garçon n'est pas dans les parages afin de servir de traducteur, ses amis peuvent vite se retrouver déboussolés, chose que certains ennemis auront vite remarqué. Et en parlant de combats, ceux-ci sont assez uniques dans leur genre. Ici, pas de super pouvoir et pas d'arme (hormis quelques petites exceptions mais on reviendra dessus après), chaque animal se défend comme il peut selon ce que lui permet son corps. Ainsi un loup utilisera ses mâchoires et son agilité, un chat griffera, et un sanglier foncera tête baissée. Les raisons de ces affrontements sont souvent là pour illustrer plutôt une lutte pour la survie car pour la plupart des cas, un affront est synonyme d'un animal cherchant à en dévorer un autre. Par cette méthode, l'auteur arrive à dynamiser son récit et à ne pas rendre le tout répétitif puisque chaque ennemi aura droit à sa stratégie, ses adversaires et sa raison de la bataille envers lui.
  
  
  


© Makoto Raiku / Kodansha Ltd.

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