Dossier manga - Quand la culture asiatique et la littérature occidentale s'emmêlent, partie 1: Les auteurs anglophones

La joueuse de Cithare, la réécriture féministe d’un classique chinois


(Attention, risque de spoil du tome 1 dans cette partie)


"Le Royaume des Trois : la joueuse de Cithare" de Joan He (Lumen éditions) est une réécriture du classique chinois du même nom. Vous savez, ce récit de capes et d'épée, qui met la part belle à la stratégie militaire, qui passionnait l'une des héroïnes de Princess Jellyfish. Alors quand on me vend une réécriture féministe de ce classique, dont j'ai seulement vu des hommages ou des inspirations dans certains mangas... J'étais particulièrement curieuse. Et franchement, ce roman fut une merveilleuse surprise, même si, il fut assez déroutant et surtout assez éloigné de ce à quoi je m'attendais.

"La joueuse de Cithare" nous raconte l'histoire du Zéphyr ascendant, la stratège ayant choisi de soutenir Xin Ren. Cette générale de talent s'est révoltée contre Miasma, la nouvelle régente du royaume, et cette dernière compte bien éteindre la moindre étincelle de révolte dans le pays. Elle est notamment aidée par l'énigmatique Choucas, son stratège, qui mettra souvent à mal les plans de Zéphyr. Notre héroïne arrivera-t-elle à faire triompher sa générale et à sauver le pays des griffes de Miasma ?



Ce roman est clairement mon préféré des trois présentés aujourd'hui, et pourtant, ce n'est pas le plus évident.

Au début, vous serez un peu dérouté. Les personnages sont, la plupart du temps, présentés sous un surnom.  Il y a d'ailleurs en début de roman quelques pages de présentation de chaque personnage avec une illustration. Deuxième point un peu perturbant : nous prenons l'histoire vraiment en cours de route, au milieu de la fuite de Zéphyr et ses acolytes. Autant dire qu'on est plongé dans le bain sans trop d'avertissement ! La suite des évènements nous permettra plus de développer l'histoire, les enjeux, les différentes alliances et possibilité de fuite de nos héroïnes et de leurs troupes. Les talents de notre stratège seront très précieux, mais là où je m'attendais à avoir plus de plan ingénieux et guerriers du style des "Héros de la galaxie" chez Kurokawa, on se retrouve plus à un schéma de "qui poignardera l'autre dans le dos le premier ?" à la "Games of thrones". Pourquoi pas. Zéphyr, pour permettre à sa générale de fuir, fera semblant de s'allier à Miasma. Elle rencontrera ainsi Choucas, le stratège de cette dernière. Et Choucas est une véritable énigme. Il semble tout de suite être séduit par l'intelligence de Zéphyr, même s'il n'hésitera pas à l'empoisonner pour avoir une garantie qu'elle reviendra toujours vers eux pour prendre sa dose d'antidote. Tout comme le Zéphyr, il sera difficile pour nous de savoir sur quel pied danser avec lui. D'autant plus après l'incroyable changement de ton de la seconde partie du roman. Et là, attention, ça va spoiler mais je ne peux pas ne pas en parler.

Alors que le Zéphyr à rejoint sa générale après avoir piéger Miasma, une grande bataille à lieu. Une bataille durant laquelle elle va mourir.

On découvre alors que cette jeune fille frêle et faible qu'était le Zéphyr n'était autre qu'une déesse. Une déesse qui avait fauté et qui s'était retrouvée à devoir vivre une vie d'humaine pour apprendre l'humilité. Sauf que la punition aura un peu trop bien marché. Notre héroïne, si elle redécouvre ses souvenirs, ses pouvoirs et sa vie d'avant, ne peut oublier sa générale. Elle ne peut oublier Choucas. Elle ne peut plus oublier ceux dont la vie dépende d'elle. Alors avec l'aide d'une de ses soeurs, elle décide de retourner sur terre, et la voici dans le corps d'une des subalternes de Xin Ren, Lotus. Celle qui ne savait qu'utiliser sa force brute. Et elle devra être d'autant plus maligne qu'elle devra aider les siens sans se faire découvrir, ce qui ne sera pas une mince affaire.

Ce changement de ton est vraiment radical, mais fonctionne à merveille. C'est vraiment ce qui m'a le plus séduite dans ce roman, avec le personnage de Choucas. Car elle ce nouvel arc explique les quelques moments mystérieux du début de roman, ceux où notre héroïne jouait de la cithare et semblait dégager quelques chose notamment. Et aussi il montre une véritable évolution dans le caractère de notre héroïne, et lui donne ainsi plus de profondeur. Concernant l'intrigue, cela rabat bien évidemment les cartes, et permet ainsi de pimenter un peu les choses. D'autant plus que les quelques derniers chapitres auront pas mal rabattus les cartes en termes d'alliance, de tromperie pour le camp de Xin Ren, mais aussi celui de Miasma. Notamment le rôle de Choucas dans toute cette guerre. Lui qui était venue dans le camp de Xin Ren seul pour rendre un dernier hommage au Zéphyr Ascendant, sa rivale. Que ressentait-il vraiment pour elle ? Il avait en effet échanger un baiser, un baiser mortel au vu de la maladie de Choucas, mais a-t-il jamais été sincère avec elle, comme elle avec lui ? La fin nous laisse à penser que non, et pourtant... Cette ambivalence est vraiment ce qui a donné du sel à cette relation. Est-ce que cela finira vraiment en romance, je n'en suis pas sûr.

Concernant l'aspect féministe de l'histoire, vous aurez rapidement compris que Joan He a transposé la plupart des personnages masculins en femmes. Nous nous retrouvons ainsi avec de grandes stratèges, de grandes combattante, etc... Le roman se servira alors de ces figures féminines pour aborder la question de la place de la femme, souvent plus fragile que celles des hommes et dont attend souvent moins de choses. Les fiançailles de Xin Ren à la fin de ce premier tome en sont un parfait exemple. Mais plus que ça, je trouve que ce roman parle aussi de la place de ceux que l'on méprise. Ceux qui ont des faiblesses physiques, mentales, qui sont méprisés par la caste souveraine et "bien sur elle". Choucas et le Zéphyr en sont les parfaits représentants. Ils se sont hissés là où ils sont grâce à leur formidable intelligence, mais leur faiblesse physique, leur apparence en général, eont qu'ils sont souvent sujet au mépris des nobles, des soldats, et ainsi de suite... Après, soyons honnêtes : nous sommes pas ici sur un récit qui sera un paragon de féminisme, qui sera dans la dénonciation. Nous sommes sur un roman ado, de fantasy historique. On se sert de cette réécriture pour effleurer quelques sujets, certes, mais on ne va pas aller dans le fond, ce n'est pas le but. Peut-être  que le deuxième tome traitera le sujet plus en profondeur, mais je pense que cela restera plutôt dans cette même veine

En tout cas, je vous recommande chaudement "La joueuse de Cithare" qui était, à mon avis, le plus intéressant des trois romans présentés aujourd'hui. Il n'est pas forcément le plus accessible, à cause de certains choix de narrations, mais il est vraiment le plus original et le plus déroutant par moment. J'ai très hâte de découvrir le deuxième tome pour avoir le fin mot de l'histoire... 


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