Pupa - Actualité manga
Dossier manga - Pupa

De l'influence d'Edogawa Ranpo


Au fil de la lecture de pupa, on note également des aspects que ne renierait pas un certain Edogawa Ranpo.

Ce goût pour le morbide, le cruel, l'immoral, la perversion, l'anormalité, sans oublier des élans proches de l'ero-guro (les déformations physiques, des passages grotesques comme celui où Utsutsu met ses propres boyaux dans un sac poubelle). La sensualité macabre, les déviances humaines, les monstruosités venues s'immiscer dans la réalité de façon étrange et inquiétante en brouillant les pistes entre l'humain et le monstre....

Cela dit, Sayaka Mogi finit par aller plus loin en offrant des allusions claires à Ranpo et à ses oeuvres.
Dans le tome 1, une phrase bien particulière pourrait rappeler quelque choses à celles et ceux qui ont lue Le Démon de l'île solitaire : "ne te perds pas dans le carrefour des six voies". Celle-ci est tirée mot pour mot de ce roman de Ranpo).
Dans le volume 2, ce roman est cité en toutes lettres par l'un des personnages. Puis le rapport semble encore plus évident dès lors que l'action se poursuit sur une île où le mal est né.
Notons aussi le nom de famille de Shirô, Onijima : Oni signifiant "démon" et jima "île", difficile de ne pas y voir une autre référence au roman "Le démon de l'île solitaire".

On pourrait ainsi se demander jusqu'où l'influence d'Edogawa Ranpo pourrait bien se ressentir dans le travail de Sayaka Mogi.


Un mot sur les dessins


Côté visuels, on note un design des personnages un peu irrégulier, mais expressif et suffisamment varié pour qu'on reconnaisse sans mal chaque tête. Certains lecteurs pourraient être agacés par le physique tout frêle et mignon de Yume (elle est censée avoir 16 ans, elle en paraît 12-13 à tout casser), mais ça peut avoir le mérite d'accentuer le contraste avec sa nature monstrueuse.





On peut dire de Sayaka Mogi qu'elle brille pour ce qui est pourtant son tout premier manga : le découpage est d'une limpidité exemplaire, l'emplacement des bulles de dialogues s'avère savant tant il permet une lecture fluide, les designs monstrueux et moments sanglants sont réussis car ils dégagent sans mal l'ambiance voulue (morbide la plupart du temps, ou dérangeante quand Utsutsu se fait boulotter par sa frêle petite soeur). On note aussi des encrages parfois excellents, accentuant fortement l'atmosphère sombre, ou offrant quelques jolis contrastes avec l'utilisation du blanc. Mine de rien, c'est très riche et maîtrisé.

Les scènes de "dîner" entre le frère et sa petite soeur cannibale font ainsi forte impression, arrivent souvent quand il faut et sans se traîner. La mangaka n'épargne aucune image malsaine, par exemple celle d'un bébé dévorant un oiseau vivant.

La dessinatrice peut passer aisément de la plus franche cruauté sanglante à une certaine douceur presque pure. Pour cela, elle joue très bien avec le blanc et le noir qui se mêlent ou s'opposent, le design de ses personnages humains ou monstrueux, la richesse parfois folle de ses planches. On appréciera aussi les quelques variations dans la narration, surtout dans le tome 3 : on ne suit pas uniquement les pensées d'Utsutsu, mais aussi parfois celles de Yume par exemple, ou même celles du nouveau monstre dont le côté assez innocent ressort alors d'autant mieux, tant il semble simplement vouloir rester avec son "papa" et être heureux avec lui.


L'adaptation animée


Fort de son succès, le manga pupa connaît une adaptation animée en 2014. Diffusée du 10 janvier au 28 mars 2014 sur les chaînes japonaises SUN et Tokyo MX, elle a été produite par le studio Deen et réalisée par Tomomi Mochizuki. En France, elle a été diffusée en simulcast sur la plateforme dailymotion de Dybex, où il est toujours possible de la voir.





Si la perspective de voir s'animer le style visuel et la gestion des couleurs de Sayaka Mogi est alléchante, autant le dire clairement : c'est finalement la déception qui attend le public, la faute à une atmosphère pas suffisamment travaillée et à un rendu visuel limité. Qui plus est, cette adaptation ne parvient jamais à retranscrire comme il se doit le scénario et toutes les spécificités de l'univers de Mogi, et au final on n'en retient pas grand chose. La volonté de bien faire est pourtant évidente, notamment parce que le gore, le malsain, le dérangeant sont là. Mais la sauce peine à prendre.

La raison ? Sans doute en grande partie le format choisi : 12 épisodes, oui, mais de seulement 4 minutes chacun. Un format court qui ne s'adapte pas vraiment au récit d'origine, qui en occulte beaucoup de choses, et qui ne parvient pas totalement à en retranscrire toute l'atmosphère, faute de temps.

Pupa en version animée a déçu pas mal de spectateurs à l'époque de sa diffusion chez Dybex, et on peut facilement comprendre pourquoi. Si vous avez découvert l'oeuvre par son adaptation animée, il est bon de souligner que le manga d'origine est d'un tout autre calibre.
  
  
  


© 2015 Sayaka Mogi (AKITASHOTEN)

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