Dossier manga - My Dear Neighbor

Une tranche de vie entre douceur et finesse


Le format one-shot représente souvent un challenge quand il s'agit de traiter de la tranche de vie : En un temps record, l'auteur de l'oeuvre doit établir une histoire (et par conséquent un point de départ et une conclusion aboutie), tout en plantant des personnages auxquels on s'attache et qu'on regrettera de devoir quitter au terme du chapitre final. Et si entre temps l'artiste parvient à explorer quelques thématiques et donner à son récit un second degré de lecture, alors celui-ci en profitera pleinement en terme de qualité.

Pour sa toute première œuvre, Megumi Morino plante le chemin de Momo et Yuki, deux individus assez différents puisqu'ils sont marqués par une certaine différence d'âge. Dès lors, l'établissement d'une simple relation amoureuse devient une mécanique moins facile, la mangaka cherchant à ne jamais tomber dans le mauvais goût et la morale douteuse, un point que nous aborderons plus franchement dans une autre partie de ce dossier.
A partir de ce micro-casting, l'autrice narre un récit plaisant d'un bout à l'autre, et qui dévoile ses subtilités au fil des pages. Dès les premières planches, on apprécie la force immédiate du titre qui est de proposer une alchimie dynamique et pétillante entre les deux protagonistes. Momo est très entreprenante envers son sauveur d'autrefois puisqu'elle cherche à être aux petits soins avec lui, tandis que Yuki préfère établir une certaine distance tout en restant humain avec sa petite protégée. La formule, décrite telle quelle, peut donner l'impression d'un scénario purement dramatique, mais Megumi Morino parvient à le traiter avec douceur et humour, que ce soit avec quelques quiproquos amusants ou une ouverture mutuelle entre Momo et Yuki qui se fera de plus en plus jolie au fil des pages. A bien des moments, My Dear Neighbor présente alors une patte feel good tout à fait plaisante, donnant une première efficacité au titre. Pour une toute première œuvre, c'est déjà un sacré défi qui était relevé en 2013, lorsque le manga a été lancé.


Mais on peut aussi évoquer une certaine finesse, dans le sens où un autre pan du titre se voit exposé au compte-goutte et donne une autre force au one-shot. Car si on est d'abord séduit par l'alchimie entre les deux têtes d'affiche, on remarque forcément les quelques éléments d'écriture que Megumi Morino tease assez tôt, dès le premier chapitre en fait. On peut d'abord se demander pourquoi Momo vit seule, elle qui n'est pourtant que lycéenne, tandis que Yuki semble cacher un passé douloureux, fondé sur des tracas familiaux qui le poursuivent encore aujourd'hui. Les a priori que fondent la mère de l'héroïne sur le garçon n'aident pas, et on est vite en droit d'en attendre plus sur cette partie de l'histoire.

Au fil des cinq chapitres, l'autrice développe tous ces aspects qui viennent donner une autre couleur au récit. Celui-ci devient parfois plus sombre et douloureux, notamment dans le twist narratif de l'avant-dernier chapitre qui se conclue de manière assez cruelle. Tous les enjeux cités précédemment sont alors amenés à une résolution, ce qui contribue à faire de la fin de My Dear Neighbor une conclusion plus qu'honnête puisqu'elle semble tout dire sur ses personnages. Chacun des deux protagonistes fait face à ses démons et les résoud, aussi la mangaka ne laisse presque pas sur une fin ouverte (nous reviendrons sur ce point plus tard).

Enfin, la petite poésie de l'oeuvre vient de sa manière de traiter le binôme principal. L'attachement mutuel qu'éprouvent Momo et Yuki étant parfois délicat à justifier, le récit parvient à donner une bonne explication à l'ouverture dont fait preuve le jeune adulte envers sa petite protégée. Car les déboires personnels du duo concernent indirectement leur relation, aussi on saisit au fil des chapitres l'importance que revet la lycéenne pour un garçon qui, jusqu'ici, avait tout perdu et semblait vouloir en finir. Au au-delà de la simple relation humaine, difficile de ne pas y voir une volonté de Megumi Morino d'évoquer plusieurs thématiques fortes...


Les thèmes abordés


En peu de temps, My Dear Neighbor parvient à développer différentes idées de fond, une prouesse notamment due au fait que l'aventure de Momo et Yuki est parfois dramatique et chargée en surprises, rendant efficace l'intégration de quelques thématiques humaines et touchantes, cohérentes avec l'ensemble du récit.

Les problèmes familiaux sont l'idée la plus marquante de ce récit. La mangaka a cherché a donné une force à ses deux protagonistes en leur donnant des déboires de famille différents selon le personnage, avec l'idée que de tels conflits peuvent marquer l'individu au point de le détruire et le pousser à la fatalité. L'idée est notamment forte du côté de Yuki puisque le premier chapitre nous fait comprendre que le passé du personnage a failli le pousser au suicide. Du côté de Momo, la thématique est moins violente mais n'en reste pas moins touchante dans la manière qu'a l'adolescente de se confronter à ses soucis. Deux approches différentes, donc, comme une volonté de Megumi Morino de marquer les multiples possibilités qu'ont les humains à se confronter à deux dilemmes personnels et familiaux.


Dans cet ordre d'idée, le Pardon survient sur la dernière partie du récit. L'autrice nous questionne alors presque directement : Dans quelle mesure pouvons-nous pardonner à nos proches les pires trahisons ? Le traitement de cette idée est en phase avec le ton du récit : L'optimisme est souvent présent, la volonté de l'artiste n'étant pas de planter du drame larmoyant mais de donner une force salvatrice à ses personnages.

Mais l'idée la plus forte du titre, et celle qui pourra largement diviser, est celle de l'amour selon l'âge. Une idée si importante au sein du récit qu'elle méritait une partie entière, objet de notre prochain paragraphe de ce dossier avant sa conclusion...

© by MORINO Megumi / Kôdansha

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