Une histoire, trois points de vue
Alors que la réalisation m'avait attrapée au départ, c'est ensuite un choix d'écriture qui m'a eue sur la durée dans Little Women. Nous suivons trois soeurs, et donc leurs trois points de vue. Chacune va vivre ses propres aventures, mais surtout, elles vont les vivre avec une vision différente de la vie. Même si un véritable amour fraternel les unit, on sent que de véritables divergence idéologiques les séparent. In-joo est la première a être confronté à son "destin". Elle hérite de deux milliards de wons volés par son amie décédée, Hwa-young. Elle doit en plus faire face à son deuil, mais également aux autres conséquences de sa mort : reprendre ses "petites affaires", devenir l'objet de convoitise de ceux qui entourait Hwa-young auparavant. Elle qui ne sait pas parler anglais, qui a à peine eu le temps de faire des études, qui s'est dévouée pour ses soeurs, va se retrouver propulser dans une situation qui la dépasse largement. Et sa vision des choses est du coup bien plus terre à terre. Elle ne souhaite qu'une chose : mettre ses soeurs à l'abri du besoin. et si pour cela elle doit utiliser de l'argent, elle le fera.
C'est là qu'apparaît la première divergence avec la deuxième soeur, In-kyung. Journaliste dévouée à son travail, éprise d'un grand sens de la justice, elle a du mal à se faire une place dans le milieu, pour deux raisons. La première : son émotivité. Elle pleure à chaque annonce de décès, ou à chaque catastrophe naturelle. On ne lui confie donc que de menus tâches. Et elle est alcoolique. Ce qui amènera à sa suspension. elle n'abandonnera malgré tout pas le combat. Elle décide de se concentrer sur une seule affaire, une intuition qu'elle a concernant un homme émergeant sur la scène politique : Park Jae-sang. Toutes les pores de sa peau lui crient que c'est un homme louche. Qu'elle doit creuser, dévoiler ses méfaits. Car pour elle, il est important que le citoyen moyen coréen soit informé. Elle ne supporte pas le mensonge, ni la tromperie. Et elle est fière comme un coq. Autant dire qu'elle aura du mal à retourner voir sa grande-tante, celle qui l'a réellement élevé et permise de faire des études, pour lui demander une aide financière quand sa petite soeur, In-hye, se trouvera sur un lit d'hôpital. Cette grande-tante qu'elle méprise, mais qui, elle s'en rendra compte plus tard, l'a protégée bien plus qu'elle n'aurait pu le penser. Mais s'agenouiller devant sa grande tante est un sacrifice bien mince pour elle quand elle se dit que c'est pour sauver sa soeur des griffes de Park Jae-sang et sa famille.
Car In-hye, pour se sortir de sa condition, a pris une décision que ses deux soeurs vont toutes les deux désapprouvées. Elle qui a un don en peinture, décide de le vendre à la famille de son amie, Hyo-rin, pour réussir à profiter un peu de leur fortune. Elle espère ainsi être reconnu pour son art et s'extirper de sa condition. Et si on pouvait croire que sa relation avec Hyo-rin était seulement intéressée, c'est loin d'être le cas. Une véritable amitié entre les deux filles est nées. Elles ont tous partagé, les joies comme les moments plus durs, et chacune a une famille dysfonctionnelle et des parents finalement avec les mêmes défauts. Chacun d'eux est obnubilé par sa petite personne, et ils ne pensent pas à ce que subissent leurs enfants. Dans le cas de Hyo-rin, elle assiste toujours aux disputes explosives de ses parents, et elle apprendra que ce sont tous les deux des meurtriers de sang froid. Quant à In-hye, son père est un joueur invétéré, et sa mère n'hésitera pas à voler l'argent de son voyage scolaire pour aller le rejoindre. Dans les deux cas, des égoïstes, mais quand même moins dangereux du côté des trois soeurs. Et c'est pour ça que la décision finale des deux jeunes filles est logique : elles partiront ensemble dans un voyage libérateur à travers le monde, en commençant par le Japon.
Là où je trouve l'écriture brillante, c'est dans l'interaction entre ces trois soeurs, si différente. On sent que les relations sont loin d'être simples, pourtant un lien indéfectible les unit. In-hye, la plus jeune, est celle qui testera le plus ses soeurs, mais elle n'arrivera jamais à couper ses relations avec elles. Elle ne le voulait pas vraiment d'ailleurs. Quand à In-joo et In-kyung, si elles se retrouvent souvent en opposition, notamment sur la question des 70 milliards, là encore leur lien est trop pour ne pas survivre à cela. Si elles peuvent se désapprouver, rien ne changera au fait qu'elles feront tout pour se sauver l'une et l'autre. En cédant les livres noirs, motif de chantage, pour In-kyung quand sa soeur frôlera la mort à Singapour. En accourant dans un hôpital psychiatrique pour sauver sa soeur, comme In-joo. Et là où c'est intéressant, c'est le parallèle avec Won Sang-ha et sa famille. Elle n'hésitera pas à demander à son époux de supprimer son frère, devenu une menace pour eux. Tout autant qu'elle demandera à son mari de disparaître quand elle estimera qu'il représente aussi une menace pour elle et son père. Le pardon et l'amour existe chez les trois soeurs, notions qui semblent être totalement inconnues chez nos antagonistes.
Notons que chacune des soeurs aura son petit "side-kick" dans l'histoire. Une personne sur qui elle pourra se reposer dans ce tumulte. Nous avons déjà parlé de Hyo-rin pour In-hye, mais nous avons Choi Do-il pour In-joo ainsi que Ha Jong-ho pour In-kyung. Do-il sera toujours sur la ligne rouge, ne sachant vraiment si on peut lui faire confiance ou non. In-joo ne doutera jamais vraiment de lui, et elle aura eu raison. Ou peut-être que son côté assez simplet aura réussi à faire fondre la carapace de Do-il. Quant à Jong-ho... Il est fou amoureux de In-kyung depuis leur tendre enfance, impossible donc pour lui de la laisser livrée à elle-même...