L'Attaque des Titans - Partie 2 - L'arc du choc des titans - Actualité manga
Dossier manga - L'Attaque des Titans - Partie 2 - L'arc du choc des titans

Un arc qui se lit deux fois


L'Attaque des Titans est l'une de ces œuvres dont la relecture prend un tout autre sens. Car dès le début (c'est à dire sur les toutes premières cases du manga), Hajime Isayama introduit des séquences qui prendront leur sens véritable bien des volumes plus tard, si ce n'est à la toute fin de la série. Ce que nous allons dire pourra donc s'appliquer, à plus grande échelle, à l'ensemble du manga. Toutefois, il est intéressant d'observer comment s'apprécie cet arc du choc des titans, sur les deux lectures qu'un lecteur peut avoir de celui-ci.

La première fois est, logiquement, celle de la découverte. L'auteur créé, sur ces quelques tomes, une réelle fascination pour tout ce qui est introduit. Nous l'avons dit plus tôt, différents points tels que l'invasion soudaine de quelques titans dans l'enceinte de murs, pourtant non brisés, ou encore les objectifs mystérieux de Reiner et Bertholt ou tout simplement la vraie nature du titan bestial, viennent nous interpeller. Ainsi, de nombreux éléments de scénario sont placés, mais aussi des termes techniques. Qu'est-ce que l'Axe ? Nous ne le saurons que plus tard.. On se questionne logiquement sur tous ces éléments sans savoir où ils nous mèneront, car l'intrigue est loin d'être résolue. Plusieurs réactions peuvent donc émaner de cette première lecture. Certains seront interloqués, et pourraient même se demander si l'auteur sait réellement où il va avec tant de mystères soulevés. A juste titre, car il n'est pas rare de lire une œuvre riche en promesse, mais dont l'intrigue ne résoudra finalement pas tous ses mystères. Les raisons peuvent être multiples : Arrêt soudain de la série ou la trop grande ambition d'un auteur qui ne parvient pas à honorer sa part du contrat. Néanmoins, Hajime Isayama n'est pas de ceux-là. A côté, certains seront purement émerveillés par cette aura lourde de non-dits, et avec la curiosité d'apprécier la manière dont l'ensemble se reliera, et comment cette immense intrigue sera résolue. Cette solidification du scénario sera bel et bien faite... Mais pas immédiatement. Chaque arc y allant de ses petites informations jusqu'à la grande vérité dévoilée en fin de première partie du récit, il y a tout un puzzle narratif qui se met en place petit à petit.


La deuxième lecture, celle qui sera fera en connaissance de causes et de points centraux de l'histoire, fascine d'une toute autre manière. Cette fois, le lecteur a de quoi être ébahis par la cohérence de l'ensemble, et voit a quel point l'auteur traitait sa narration en connaissance des éléments futurs. Il y a presque tout un jeu dans cette lecture, celle de prêter attention à chaque case en ayant conscience de la trame globale de la série. Un regard évocateur, un dialogue finement tourné pour évoquer une révélation ultérieure... Il ne serait pas exagéré de dire que la narration prend un tout autre sens, et même sa véritable signification, lorsqu'on parcours une seconde fois la série. L'arc du choc des titans dévoile alors sa véritable puissance et montre que Hajime Isayama n'est pas qu'un homme qui raconte une histoire solide, mais un artiste qui cristallise le rapport entre les planches et son scénario, un conteur hors pair qui anticipe habilement et ne dévoile la force de son œuvre que progressivement.


L'humain face à son ombre


Parce que L'Attaque des Titans est une œuvre riche en grilles de lecture, il est intéressant de se pencher sur ce que cet arc narratif a à nous dire. D'une manière générale, quand on pense aux sous-textes de l’œuvre de Hajime Isayama, on voit un pamphlet anti guerre, anti dictature même, soit quelque chose de profondément humaniste. Mais ce serait oublier que le manga est une œuvre de personnages, qui gravite énormément autour de ses personnalités, et aborde alors quelques aspects de la psychologie humaine via des cas de figure très précis.

Ainsi, l'arc du choc des titans va aborder, de manière très générale, la manière dont quelques figures clés de l'intrigue font face à leurs ombres respectives, une optique très jungienne que la saga vidéoludique Persona a traité en long et en large, notamment avec son quatrième opus. Il convient alors d'aborder ces différents cas, de manière bien distincte.

Évidemment, Reiner et Bertolt incarnent à merveille cette thématique, en particulier l'incarnation du titan cuirassé. Par la révélation de leurs véritables identités, nous comprenons que tous deux font face à un dilemme solide : La mission qui leur a été confiée, et la vie qu'ils ont développé sur l'Île du Paradis. C'est quelque chose dont on prend donc encore plus conscience après avoir eu connaissance des grandes révélations autour du contexte de la série. Tous deux sont des enfants soldats, éduqués pour racheter les pêchés de leurs ancêtres en devenant des incarnation de titans destinées à mettre la main sur "l'Originel", mais qui se voient déchirés par leurs crimes et leur obligation de trahir leurs camarades d'armée. Cette idée est davantage caractérisée chez Reiner, qui développe presque une double personnalité. Il y a d'un côté le guerrier prêt à tout pour honorer sa mission, et de l'autre l'humain perdu qui voudrait simplement continuer à vivre son existence actuelle, loin de tout dilemme moral. Le lecteur qui assiste à ce dédoublement de personnalité ne comprend qu'en surface le personnage, dans un premier temps. Mais au fil des révélations, Reiner devient un personnage plus simple à appréhender, plus fascinant aussi, mais aussi profondément humain, au point d'être l'une des figures les plus poignantes du titre.


Revenons maintenant à Christa et Ymir, que nous avons précédemment abordées dans ce dossier via l'angle passionnel de leur relation. Toutes deux se répondent telles des miroirs. Elles partagent un point commun, celui de l'identité cachée et doivent s'accepter intérieurement et mutuellement. Concernant Christa, cet aspect de la double identité trouvera son apogée dans l'arc scénaristique suivant, celui du coup d'état. Ymir, elle en livre beaucoup sur elle, et même bien plus dans la version animée de cet arc (tandis qu'il faudra attendre la toute fin de la première partie de l'intrigue en ce qui concerne le manga, c'est à dire le tome 22). Elle est pleine de paradoxe, est difficile à comprendre dans son entièreté même, et n'assume pas totalement son envie de vivre pour Christa, fille en laquelle elle se reconnait sur certains aspects. Néanmoins, elle devra faire un choix, celui de sa propre individualité, ce qui l'amènera à finalement rejoindre le camp de Reiner à la fin. Christa, elle, sera presque prête à renier le Monde pour Ymir. Elle fera aussi un choix lourd de sens vis à vie celle-même, celui de renier le nom de Christa Lenz pour celui de Historia Reiss. Grâce à la passion, et à l'amour sûrement, la jeune femme a su trouver qui elle est vraiment, et tourner dos à toute l'ombre de son existence.

Puis, impossible de ne pas évoquer le cas Eren, très sommaire dans la quasi totalité de l'arc. Ses grandes apparitions n'ont lieu qu'à partir de la révélation autour de Reiner et Bertolt, moment qui marquera une croissance de la rage du personnage pour les titans, et maintenant pour ses deux anciens amis. Et outre cette haine viscérale délibérément exprimée, Eren va faire face à un événement qui le fera presque faillir : La mort de Hannes, dévoré par le titan qui lui a autrefois pris sa mère. La scène est particulièrement cruelle tant elle fait d'abord croire à une revanche accomplie pour le membre de la garnison qui voudrait bien retrouver la quiétude de son quotidien de poivrot. Mais le choc est fort : Lorsque la narration se recentre du point de vue de Eren, Mikasa et Hannes, ce dernier a déjà été croqué par le titan, et se fait avaler sur les cases suivantes. Dans cette scène brusque, Eren fait face à sa propre impuissance, comme s'il était incapable de protéger qui que ce soit. Mentalement, c'est la rupture totale pour le héros, ce qui a terme marquera l'écriture de Hajime Isayama pour son personnage, résolu à ne pas en faire un héros classique empli de bravoure et dont chaque action est couronnée de réussite. Le cas d'Eren est particulièrement complexe et nécessiterait une analyse totale une fois la série terminée. Néanmoins, cet événement marquant (qui va aussi révéler qu'il détient le pouvoir de l'Axe) contribuera à faire du personnage ce qu'il sera dans la deuxième partie de l'histoire, soit un protagoniste totalement différent qui s'est accepté, et qui sera prêt à tout au nom de sa liberté. La mort de Hannes devant ses yeux est l'une des étapes qui le mèneront sur cette voie : Il sera désormais hors de question qu'il perde un autre de ses proches à cause de menaces que le reste du monde lui aura imposé. Eren voudra la liberté de vivre et de voir les siens exister, mais c'est quelque chose qui méritera d'être abordé dans de futurs dossiers...

SHINGEKI NO KYOJIN © Hajime ISAYAMA / Kodansha Ltd.

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