Dossier manga - Jojo's bizarre adventure - Saison 6 - Stone Ocean
Lecteurs
19/20

Apports et évolutions dans la saga



Montée en maturité


Encore une fois comme à chaque nouvelle saison, l’œuvre monte en maturité, qu’il s’agisse, notamment, de la violence ou du vocabulaire parfois très vulgaire, mais qui sied malgré tout assez allègrement au milieu carcéral.

Dès les toutes premières pages, l’entrée en matière ne se fait point attendre, la réplique du personnage principal féminin fera mouche : un propos très cru sur le sexe ; lequel sera plus ou moins évocateur chez le lecteur, surtout s’agissant d’un manga publié, à notre plus grande stupéfaction, dans les colonnes du Shonen Jump. De la violence ? Enfin… seulement des corps mutilés, découpés et ruisselants de sang : cela sera parfois monnaie courante. Vulgaire ? C’est que Jolyne, cette demoiselle, elle ne sera pas du genre à se laissé faire et elle ne semble point vraiment avoir de limite lorsqu’elle se trouve sous adrénaline ; un cri provenant de sa bouche résonnera à travers les couloirs du quartier disciplinaire : « Je vais t’arracher la peau jusqu’à la gueule ! ».

L’humour sera probablement un zeste moins présent que les précédentes parties, en sus qu’il s’agira souvent d’un humour dit « noir ». De manière plus générale, la thématique en elle-même du milieu carcéral, ou huit-clos oppressant, implique un traitement d’une gravité autre, et la nature même de l’intrigue s’en trouvera assez particulière : notamment relevée d’un aspect fossoyeur lors du sombre et deuxième tiers de Stone Ocean, depuis le vieux cimetière jusqu’aux marécages en passant par le glauque quartier disciplinaire.

Egalement, si l’auteur procèdera à moins de pédagogie appuyée qu’autrefois il ira jusqu’à introduire des notions d’astrophysique : on imagine fort bien l’expression faciale du lecteur du shönen jump découvrant que le temps, en application de la théorie de la relativité générale d’Einstein, n’existe pas et qu’il convient en réalité de raisonner en terme d’espace-temps. D’autant que l’auteur ne s’arrêtera pas là, en couplant ladite notion de certaines libertés arakiennes.


Moindrement accessible


Stone Ocean est assurément moins accessible que les précédentes saisons : les séquences conceptuelles s’enchaînent, généralement les planches sont certes magnifiques, mais très chargées et les pouvoirs davantage complexes. D’ailleurs, il y a clairement un parti pris de l’auteur sur la complexité desdites escarmouches : certains lecteurs adoreront, en ce que cela pourra tout autant offrir un certain plaisir à la relecture ; cependant, cela pourra en déstabiliser d’autres, car, parfois, il s’écoulera trois voire quatre chapitres sans avoir suffisamment d’éléments pour comprendre ce qui se déroule exactement sous nos yeux.

Au titre des séquences conceptuelles, et si ce ne sont point les exemples qui manqueront, on pourra citer la période du récit lors de laquelle, après certains évènements paranormaux dans les souterrains d’un hôpital, se répandra, soudainement, tel un fléau et sur l’ensemble du globe, une pandémie d’escargots : il en pleuvra à foison, traversant les murs et transformant les êtres humains et toutes les espèces vivantes en gastéropodes difformes. Cette phase des « escargots », qui s’étalera sur pas moins de treize chapitres, et constituera le cadre esthétique d’une lutte originelle et fratricide d’une subreptice gravité, couplée à certains moments d’une lenteur volontaire – pour renforcer l’effet escargot d’engluement – et de planches folles de l’auteur, pourra être clairement perçue de façons différentes par le lectorat : bien évidemment, certains en feront un rejet stricto sensu, voire une indigestion, car nous sommes ici à des années-lumière des productions shonens habituelles, loin de tout ordinaire ; tandis que d’autres seront hautement séduits, tant cela est rare et, surtout, d’une grande qualité ; mais clairement moins « grand public » qu’à l’habitude, voire pas du tout : et pourtant, un des passages les plus travaillés et intense de la saga Jojo. Donc, un parti pris, ici, de l’auteur, lequel, s’il ne s’est guère soucié de la réceptivité d’une partie de son lectorat, ne s’en est pas moins payé le luxe de l’avoir fait.





Aspect expérimental


Cette saison est empreinte d’un caractère « expérimental » : l’auteur cherche à faire évoluer son œuvre, à minima, sur trois points : contextualiser l’action dans le cadre du déroulement de l’intrigue, opérer un retour au bizarre et développer davantage le concept stand.


Contextualisation de l’action dans le cadre d’une histoire

Comme déjà partiellement susévoqué, l’on ressent clairement que l’auteur est à la recherche d’un équilibre entre sa volonté de développer l’histoire de manière générale et mettre en scène des affrontements ; contrairement à certaines précédentes parties, parfois apostrophées de trop linéaires. Notamment, chaque escarmouche sera reliée à l’intrigue voire en levant le voile, ne serait-ce que par interstice, sur un élément jusqu’alors dissimulé de celle-ci : les affrontements uniquement parce que l’on a fait une pose à l’hôtel et que le vilain garçon aura envoyé un méchant copain à lui sont quasi-révolus à défaut d’être atténués. Par exemple, si le protagoniste de Sports Max sera lié au passé d’un compagnon de Jolyne, celui-ci sera également intégré, à raison de ses capacités stand, dans le cadre de l’intrigue de « l’os » et donc de la naissance verte. Sur ce même schéma, Araki s’efforcera régulièrement, et en conséquence, de procéder à une couture entre l’intrigue, l’histoire personnelle d’un personnage et la nature d’une capacité stand.


Retour au bizarre

Il sera aussi relevé une propension et une attention particulière de l’auteur pour opérer un retour au bizarre des deux premières parties, notamment avec la séquence de la naissance verte ; ce qui est extrêmement agréable, pour ne pas dire un bonheur sans nom. A ce titre du « bizarre », il aura également été susévoqué la pluie tropicale dans la cour intérieure de la prison et la phase des « escargots », mais il aurait aussi tout autant pu être cité, parmi tant d’autres, les fameuses leçons de science arakiennes à divers endroits du récit : le cerveau et le flashback des randonneurs français, le vieux maître de secte agissant sur les glandes surrénales, la biologie des « rods », la compression de l’espace-temps, et cetera).


Enième mue du concept stand

Encore, Araki pousse à leur maximum les mécanismes stand et semble rechercher à se renouveler – bien que sa créativité demeure intacte – : une réflexion qui le mènera à une rénovation de nombre de ses rouages lors de la partie suivante Steel Ball Run. Notamment, ici, le pouvoir du protagoniste principal aura un fonctionnement davantage particulier, en ce que, si l’on savait jusqu’alors que le stand et son manieur son liés par leur existence et leur état, l’auteur ira davantage loin dans la conceptualisation dudit stand « Stone Free » en liant sa composition, faite de ficelles, au corps même de Jolyne.

D’ailleurs, de manière générale, les pouvoirs stands seront davantage liés au métabolisme de leur manieur – le plancton Foo Fighters – ou à leur psychologie : soit dans le sens où le stand découle de la personnalité de son manieur – Goo Goo Dolls, Dragon’s Dream, White Snake – soit, à l’inverse, en ce que le pouvoir stand aura façonné le psychisme de son manieur – Rykiel et Donatello –. L’utilisation même des stands se retrouvera davantage poussée par l’application ventilée que pourra en faire le prêtre Pucci sur possibilités offertes par les « disques » : cette exception intégrale à la règle de principe « un stand pour un manieur » sera la source de nombre retournements de situations.

Par ailleurs, tout au long de cette partie, comme cela sera ressenti également et peut-être tout au long de la saga, le grandiloquent des pouvoirs va crescendo : plus l’on se rapprochera de l’ultime conclusion plus des pouvoirs hors normes viendront agrémenter le récit : car, si, au commencement, on risquait de se faire rétrécir et bien, par la suite, l’on ira jusqu’à être confronté à une inversion du champ gravitationnel, voire bien au-delà : Araki s’affranchira de toute limite.





A l’aune du Jump : une partie charnière



Articulation avec le Jump

Si Jojo, en sa qualité d’institution nippone, est un des plus anciens piliers du jump encore en activité, la publication de Stone Ocean sur le volet shonen semblera parfois inappropriée à raison de ce que susévoqué. Aussi, la partie suivante sera-t-elle, en cours de prépublication, transférée sur le versant seinen, l’Ultra Jump. Egalement, constituant, la dernière partie intégralement shonen de la saga, Stone Ocean en clôturera le premier grand cycle s’écoulant sur les quatre-vingts premiers tomes, pour amorcer, à l’instar d’un quasi-prequel, le deuxième cycle débutant avec Steel Ball Run.


Brèves remarques quant à l’édition japonaise

Côté édition, au Japon, les chapitres de cette sixième partie furent donc pré-publiés par la Shüeisha sur le Weekly Shönen Jump, du 1er mai 2000 au 4 juillet 2003 et relié en 17 volumes. L’éditeur ayant attribué un soin tout particulier à cette production notamment en décidant d’une numérotation séparée et exclusive des parties précédentes. L’édition japonaise sera d’abord disponible dans sa forme ordinaire, puis en coffret sous sa facture « Bunko » regroupant l’ensemble de Stone Ocean en onze volumes.


Régulière évolution du dessin


Comme à chaque nouvelle partie, Hirohiko Araki lève la barre, c’est beau, même très beau ; sachant que, de manière générale, son trait continue de s’affiner et d’évoluer au fil des tomes.

Il est loin le temps où ces corps forts garnis en muscles contractaient plus que nécessaire : depuis les débuts de la saga, au fil des parties, les silhouettes n’ont de cesse de s’affiner : place à un genre mannequin-contemporain parfois androgyne ; et pour cause, l’auteur est un habitué des magasines de mode, il les consulte allègrement et s’en inspire à son bon vouloir. Les postures étranges quant à elles, énième marque de fabrique, si elles demeurent présentes, notamment en ce qu’Araki travaille beaucoup à partir des œuvres de Michel Angelo, le seront dans une moindre mesure.

Enfin, et comme l’auteur peu le confesser lui-même, il ne comprend pas vraiment ces mangakas dont les planches édulcorées deviennent sans saveur : il ne peut s’empêcher de peaufiner la moindre petite case. Il en résulte des planches extrêmement détaillées, qu’il s’agisse des personnages voire parfois des décors. Une vision artistique qui, si elle peut-être boudée par certains, préférant un dessin épuré pour ne point dire famélique, sera très apprécié par de nombreux autres : prendre le temps, au fil des pages, de décortiquer, de s’imprégner de ce dessin reconnaissable entre milles.
  
  
  


JOJO’S BIZARRE ADVENTURE PART6 STONE OCEAN © 1999 by LUCKY LAND COMMUNICATIONS / SHUEISHA Inc.

Commentaires

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leyugidu

De leyugidu, le 12 Août 2016 à 14h10

18/20

Enfin un dossier qui rend justice à cette partie de Jojo!

damian

De damian [4646 Pts], le 08 Avril 2016 à 19h04

20/20

ce dossier donne vraiment envie de se jeter sur stone ocean et le reste de la saga jojo. jojo n'est pas booty

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