Petit portrait d'une jeunesse en perte de repères
On peut l'affirmer sans détours : il est brillant de voir avec quelle manière, quel talent, Komatsu, en un nombre de pages pourtant limité, arrive à développer avec une grande clarté des récits profonds et qui se suffisent parfaitement à eux-mêmes, à chacune de ses nouvelles. Si l'on excepte toutefois la deuxième histoire, qui apparaît surtout comme une petite friandise qui n'a pas le temps de développer grand-chose, mais dont l'ambiance est réussie.
Pour les amener là où elle veut, la mangaka joue sur des thèmes actuels et réalistes, qui nous parlent très facilement. Ainsi, dans la première histoire, on a la question de l'avenir après le lycée, et des séparations qui peuvent en découler. Dans la troisième, il est question de ne pas se fier aux apparences, d'effacer la honte de soi, d'assumer ses passions, de faire fi du regard des autres, et donc tout simplement de s'accepter. Quant à la quatrième histoire, elle met en avant la famille, la perte de repères quand celle-ci s'effrite, ou encore l'envie de tout foutre en l'air quand rien ne va plus.
A chaque fois le déroulement s'avère très juste, en s'appliquant sans détour à faire ressentir les choses. Pour ça, Komatsu sait rendre attachants ses personnages, notamment en passant par différentes ambiances.
Un excellent travail sur les ambiances
On peut dire de Komatsu que pour les toutes premières histoires de sa jeune carrière, elle parvient à développer vite et bien des atmosphères bien différentes et particulièrement réussies, qui contribuent sans nul doute à la réussite de Je pense à toi.
Ainsi, l'ambiance du premier récit se veut très mélancolique, dans cette ville de bord de mer que l'on devine paisible, calme... beaucoup trop calme. Et la mangaka y distille très bien la découverte du ressenti de Yasu tandis que le départ de Takashi se rapproche. En tant qu'ami, il se doit de le soutenir dans son désir de partir, mais il aimerait tellement le retenir, dans cette ville où il a toujours aimé vivre pour l'unique raison que l'élu de son coeur y était...
L'atmosphère de la troisième histoire joue beaucoup sur deux choses : d'un côté la tendresse, et de l'autre l'humour. L'aspect comique est plusieurs fois présent, ne serait-ce qu'au moment où le malentendu naît, et une réelle tendresse se dégage d'Arai, adorable sous ses allures de bad boy. Cela contrebalance subtilement la relative dureté des thèmes de ce récit.
Enfin, la quatrième histoire change encore beaucoup d'ambiance, en dépeignant une certaine errance des deux personnages principaux dans la ville, notamment la nuit. Le sentiment de perte de repères, de joie brisée et d'envie de fuir s'y ressentent très bien.
Il faut aussi souligner que dans chacune d'elles, il y a également une grande justesse d'écriture, dans le but de bien faire cerner l'évolution et le ressenti de chacun des personnages, qui apparaissent alors très crédibles. Par exemple, il semble difficile de ne pas ressentir les tourments de Yasu à l'idée que son ami et amour va s'éloigner, de Sako dans ses tourments, ou de Daisuke dans son sentiment d'impuissance.
SOREKARA, KIMI WO KANGAERU © KOMATSU 2015 Originally published in Japan in 2015 by FRANCE SHOIN Inc., Tokyo.