Gravitation

WTF, trois lettres qui résument la série

 
 
Bon, pour celles et ceux d’entre vous qui ne le sauraient pas encore, WTF signifie « What The Fuck ? », alias « mais-qu’est-ce-que-c’est-que-ce-délire-incompréhensible-et-totalement-crétin ? » ou plus simplement « putain », ce qui est nettement plus grossier. Voilà, maintenant tout le monde sait comment Gravitation peut être résumé et à quoi on peut le réduire. Oui oui. Une indignation de ce genre. Je commencerai par dire que l’humour, c’est bien. L’humour c’est même très bien, et dans un manga ça allège une narration, apporte une dimension à la lecture, ça nous fait nous souvenir des blagues et situations cocasses. Mais il y a humour et gros n’importe quoi. L’humour, oui. Le n’importe quoi, non. Et malheureusement, Gravitation a tendance à dériver vers le second. Au début, on apprécie juste la légèreté de la narration. L’auteur ne se prend pas la tête, ne cherche pas forcément trop compliqué. Et ça, c’est plutôt un bon point. Sérieusement, c’est très agréable de rigoler en voyant la bêtise de Shuichi volontairement mise en avant, en admirant les situations compliquées dans lesquelles il se plonge toujours.

Mais … Il y a des limites, vraiment. En milieu de série, Gravitation commence à dériver et à se perdre. Sur la fin, c’est carrément du gros n’importe quoi. Mais même rapidement, des scènes voire des chapitres entiers sont totalement décalés, et de manière bien trop exagérée. Une émission de télé totalement loufoque est mise en place dans les premiers tomes, autour de Shuichi. On se perd dans des épreuves toutes plus stupides les unes que les autres, et le récit n’a plus aucune importance, au final. Il sera alors bien ardu de retrouver un semblant de logique dans un environnement qui dégénère de plus en plus au fil des pages. De l’humour à en revendre et devenir milliardaire, mais surtout des passages extrêmement lourds et répétitifs. Surtout que, juste à côté de ça, la mangaka nous bombarde de bons sentiments. En fait voilà, le principal problème actuel de la série, c’est de ne pas savoir s’assumer. Entre délire complet et héros destiné au ridicule et à l’exagération et l’espoir d’être crédible dans des sentiments vrais et plausibles, l’auteur se perd complètement. Et nous aussi ! C’est vraiment ça. Elle essaie de faire naître des émotions fortes, de l’amour réel et du presque dramatique alors qu’en parallèle elle nous noie sous le ridicule d’un humour très terre-à-terre et assez basique. Le décalage est vraiment trop violent et on ne parvient pas à jongler entre les deux. Pire, on a les fesses entre deux chaises et on hésite entre le rire et les larmes. Ce qui au final nous amène à rire des scènes supposées émouvantes et pleurer devant le ridicule de l’humour. C’était un bel effort …  Mais encore une fois, c’est sans compter sur l’attachement de la mangaka au côté pitoyablement sentimentaliste d’une série qui ne devrait exister que pour son humour. Pas toujours apprécié mais qui serait alors au moins assumé pleinement, au lieu d’être contrecarré par de ridicules tentatives de sérieux dans les émotions de nos personnages. On pense bien sûr à Yuki et ses crises de sentimentalisme mal placées, et de tout ce qui en découle. Gravitation fait le grand écart, et encore une fois ni l’un ni l’autre des angles d’attaques ne sont suffisamment stables pour soutenir la série … qui s’étale de long en large par terre, emportant avec elle ses larmes et ses délires.
  
  
 
  
 
Et puis les choses s’aggravent. On part dans le grand n’importe quoi sous toutes ses formes, avec des déguisements tous plus improbables les uns que les autres, des situations explosives qui ne le sont pas qu’au sens figuré, et des débordements dans tous les sens. Si bien que la lecture est de plus en plus floue et incompréhensible, on en vient à confondre tous les personnages, leurs émotions, leurs buts dans la vie ... Plus rien n’a aucun sens vraiment réaliste et posé, et on sent que l’auteur lance toutes ses idées simplement pour tenter d’attirer ses fans dans son univers ... qu’il ne vaut mieux pas tenter d’appréhender en étant totalement sobre. Et encore. Shuichi manque de mourir au moins quelques fois, et cela commence dès les premières pages avec sa rencontre avec K., le manager américain un peu farfelu de Ryuichi Sakuma en personne, l’idole de toujours de notre héros. Ce mec est juste un grand malade mental et apporte une dimension « trop », surdimensionnée à la série. Il piétine toute réalité, toutes nos connaissances dans la logique de la vie. Passe encore de nous plonger dans le ridicule d’une émission de télévision pourrie. Mais rejouer la guerre de Corée en plein Tokyo, bof. K utilise des armes à feu comme certains des tubes de rouges à lèvres, et c’est vraiment vraiment trop. Et Rage vient en rajouter une couche vers la fin du manga, quand Shuichi émigre aux USA. Tout le grand tapis rouge des exagérations est déroulé, avec panda géant, explosions divers et en tous genres au programme, c’est une grande déception que de voir tout cela corrélé aux beaux efforts sentimentaux du scénario. Et puis, une fois tout cela passé, on gravit encore une marche. On arrive sur la fin de la série, et c’est la compétition entre Nittle Grasper et Bad Luck qui arrive. Sauf que le nouvel objectif de notre groupe, à savoir sortir 10 singles en 5 semaines est, en plus d’être totalement ridicule et contre-productif, impossible. Shuichi s’en fait des cheveux blancs, d’autant qu’il n’est pas vraiment aidé par son entourage. A part les membres de son groupe, toutes les personnes qu’il connait se mettent à dériver complètement. En plus, son adversaire Ryuichi emploie toutes les ruses possibles et imaginables pour le faire tomber. Ce qui, pour une fois, énerve passablement notre héros qui n’entend pas abandonner de cette manière avec autant de facilité ! Héros qui devient de plus en plus un anti-héros avec sa bêtise chronique et ses réactions disproportionnées et redondantes.

Et qu’en est-il de la suite de Gravitation, la partie Extra ? C’est du gâchis pur et simple, c’est du grand délire, et c’est une nouvelle série qui n’apporte rien de nouveau et qui se base exclusivement sur la notoriété de l’ancienne. Les personnages secondaires tels que le meilleur ami de Shuichi ou les autres membres de leur groupe n’ont plus aucune importance, d’ailleurs la musique qui est supposée être le point d’orgue de la série n’apparait plus nulle part, et l’on se contente d’assister à la déchéance des idées de l’auteur, qui se raccroche à un amour qui ne fonctionne même plus, sur des idées vues et revues notamment le panda géant détruisant tout sur son passage, idée déjà saugrenue en elle-même mais en plus très mal exploitée … Gravitation doit rester dans les annales comme la plus grande série décalée, mais nul n’est besoin d’exploiter ce titre peu glorieux pour en faire … ça.