L'histoire
Un mélange des genres réussi
« Goblin, the Lonely and Great God » est un drama mélangeant de nombreux genres, et le dosage entre chaque est merveilleusement bien réussi.
Goblin commence tel un drama historique, extrêmement immersif et donnant la part belle à l'action. Puis, on passe dans les années 90, le fantastique domine mais on reste dans une ambiance assez mélancolique, à découvrir les pouvoirs du Gobelin, son nouvel entourage, à découvrir le personnage de la Faucheuse et celui de la déesse au costume rouge. Puis, quand on passe dans le présent, voilà que la comédie s'introduit dans le drama. Tout d'abord dans la cohabitation entre la Faucheuse et le Gobelin (qui ne se supportent pas), mais aussi avec tous les autres personnages (les interactions entre Yu Deok Hwa et ses « oncles » sont savoureuses). N'oublions pas le côté romance, avec nos deux couples principaux, deux couples qui prendront des directions complètement différentes.
Durant tout le drama, on a également une tension dramatique qui, bien que nous riions aux éclats des interactions du Gobelin et de la Faucheuse, une épée de Damoclès est toujours en suspens au dessus de notre petite troupe, qui ne fait que grandir et quand elle tombe, elle détruit tout l'équilibre qui s'était formé entre tous nos personnages et remet presque tous les compteurs à zéro.
En plus des dialogues et des jeux des acteurs, la réalisation accompagne parfaitement les changements de tons. La musique accompagne parfaitement les changements d'ambiance et de genre du drama : des OST dynamiques pour l'action, dramatiques pour les moments de tension ou triste, joyeuse pour les moments plus légers ou encore douces pour les moments plus romantiques. Pareil pour les lumières, les choix de décors et d'ambiance. On se souvient des moments d'insouciances au Québec, avec ses couleurs chaudes d'automne, ou bien des scènes de batailles de l'épisode 1, dans une ambiance oppressante et lourde, dans des tons gris et froids. Ce sont des détails qui amènent doucement mais efficacement les changements dans le drama.
Un scénario cohérent et surprenant
Un des gros points forts de ce drama, c'est son scénario. Il faut savoir que les épisodes sont assez longs, donc l'histoire doit s'étirer en conséquence comparé à des formats plus classiques de dramas. Ici, c'est particulièrement bien réussi.
La première chose à remarquer, c'est l'abondance d'indices disséminés dans toutes la série qui nous guide et peuvent nous permettre de percer certaines clés de l'intrigue. L'épisode 1 en est truffé bien sûr, mais c'est la même chose pour les suivants. Ainsi, quand les révélations arrivent sur les personnages, sur l'intrigue, on est étonné, choqué même parfois, mais le tout reste cohérent. Une des plus brillantes, ce fut celle de l'épisode 12, quand on découvre que Deok Hwa était bien plus impliqué dans l'histoire du Gobelin qu'on ne pouvait le penser. Une ou deux semaines avant la sortie de l'épisode 12, des théories avaient fusées sur notre jeune chaebol, et certaines n'étaient pas si loin de la vérité. Cela montre bien que les indices avaient été placé efficacement tout le long de la série.
En ce qui concerne les retournements de situation, ils ont à chaque fois su insuffler un vent nouveau dans la série. Nous avons la confirmation que Ji Eun Tak est bien l'épouse du Gobelin, tac ! Ce dernier plonge dans des idées noires et il finit par se résoudre à quitter ce monde. Vient ensuite l'épisode 6 où Ji Eun Tak s'apprête à retirer l'épée, sans savoir de quoi il en retourne vraiment... Mais elle échoue ! Et voilà notre Gobelin qui retourne chez lui, bien vivant, alors qu'il avait fait ses adieux à tout le monde. S'il se montre au début assez énervé par la situation, on se rend rapidement qu'il est en fait assez soulagé de sa savoir encore en vie, aux côtés de son épouse. En fait, quasiment chaque fin d'épisode amène un retournement de situation assez important qui rebat de nombreuses cartes pour la suite. Mais ce que l'on attendait vraiment pas, ce fut la fin de l'épisode 13.
Quand on regarde des séries coréennes depuis quelques années, que l'on connaît bien les mécanismes habituels que nos amis coréens utilisent dans leurs dramas, on s'attendait à voir la fin de l'épisode 13 arrivée au tout dernier épisode, à la toute dernière minute. Mais que se passe-t-il donc dans cet épisode ? Le paragraphe qui suit va spoiler une grosse partie de l'intrigue de « Goblin the Lonely and Great God », évitez donc de le lire si vous n'avez pas encore vu la série.
À la fin de l'épisode 13, notre Gobelin arrive à retirer son épée grâce à la coopération un peu forcée de Ji Eun Tak. Après avoir vaincu son ennemi, il s'évapore dans les airs et laisse son épouse seule dans le tourment. Quand on voit une scène comme ça et qu'on se dit « il reste encore trois épisodes », on est complètement déboussolé. L'intrigue se poursuivra-t-elle sans le Gobelin ? Va-t-il revenir, et si oui comment et quelle conséquence cela aura sur lui ? Une flopée de question nous assaille et on est complètement perdu et on a peu peur. On espère éviter les grosses ficelles décevantes ou les deus ex machina. Et là, encore une fois c'est bien amené. Car oui, il n'est étonnant que le Gobelin ne soit revenu qu'à ce moment-là, après dix ans : Eun Tak ne fume pas, et la probabilité pour qu'il y ait les premières neiges le jour de son anniversaire, où elle soufflerait une bougie, sont assez mince. En effet, sur le contrat qu'il avait signé, le Gobelin acceptait d'être appelé forcément tous les jours de premières neiges.
Un des points qui peut perturber au début de la série, c'est la temporalité. Vu que nous suivons un Gobelin immortel, la durée dans laquelle se déroule l'action dans le drama est assez longue, alors il faut faire attention au petits points de détail qui nous guide. Ji Eun Tak naît en 1998, quand on la retrouve à 19 ans, nous sommes donc en 2017, dans notre présent. Tous les événements qui suivent ensuite après une ellipse de 10 ans sont donc dans le futur par rapport à nous. C'est d'ailleurs pour ça que la technologie n'est pas vraiment abordé dans cette temporalité. Ce qui est un poil dommage, c'est de ne pas voir plus de changement dans les décors, même après 10 ans. Que la maison du Gobelin reste quasiment identique, certes, c'est assez plausible car c'est un lieu déjà emplie de magie dès le départ. Mais la Corée du Sud est un pays qui évolue à une vitesse phénoménale, les paysages se sont transformés assez rapidement, on aurait pu s'attendre à quelques modifications des extérieurs, et alors qu'une autre ellipse plus importante se produit, force est de constater qu'un peu de lierre en plus, ça ne fait pas tout !
Immortalité et réincarnation
Un des concepts les plus risqués dans les histoires, ce sont les réincarnations. C'est un concept extrêmement prometteur, qui aborde de nombreuses thématiques très intéressantes mais qui, mal exploité, peut virer à la catastrophe (l'exemple de Naruto est assez frappant pour cela).
Ici, les règles de l'univers fantastique sont expliquées clairement au fur et à mesure : les humains ont quatre vies, et pas une de plus et il est possible que la personne naisse avec le même visage. Pour ce qui est des pouvoirs du Gobelin et de la Faucheuse, tout est expliqué également : le Gobelin est immortel, il peut se déplacer où il le souhaite en franchissant une porte, il peut faire apparaître des lingots d'or (qui ne lui sont plus trop utiles au jour d'aujourd'hui), etc... Quant à la Faucheuse, il peut effacer ou modifier les souvenirs des gens rien qu'en les regardant, il voit le passé des humains rien qu'en les touchant (ce qui explique sa manière de marcher les bras croisés dans la rue) et il devient invisible aux yeux des humains dès qu'il met son chapeau noir, etc...
La réincarnation est ici abordée comme une solution aux problématiques de l'histoire. Pour la Faucheuse et Sunny, c'est dans leur vie suivante qu'ils pourront remettre totalement les compteurs à zéro dans leur relation et enfin être heureux ensemble. Quant au Gobelin et Ji Eun Tak... On a là un destin particulièrement cruel pour nos deux âmes sœurs. En effet, Eun Tak décède à 29 ans, tel que la Faucheuse l'avait prédit, et laisse derrière elle un Kim Shin effondré, auquel elle promet de le retrouver dans sa prochaine vie. Elle refuse d'ailleurs de prendre le thé que lui offre la Faucheuse. Ce thé permet aux âmes d'oublier les souvenirs de cette vie pour ensuite se réincarner (dans la mesure où ils le peuvent) mais aussi de gagner une certaine paix dans l'au-delà. Il est arrivé dans la série que la Faucheuse ne propose pas ce thé à quelques âmes qu'il était allé récupérer, mais ce n'était que celle de personnes ayant commis trop de fautes dans leur vie, ne méritant pas cet oubli et cette paix de l'âme. Ces personnes étaient alors condamnées à ressasser ainsi leurs erreurs et à connaître la tourmente dans l'au-delà. Pourtant, Eun Tak choisit de ne pas avoir cette paix de l'âme, pour être sûr de ne pas oublier son époux et ainsi le retrouver. Une belle promesse.
On apprend également qu'Eun Tak en est à sa première vie, et qu'il lui en reste trois. En sachant que le Gobelin est, lui, immortel, ils ne pourront sans doute être que 250-300 ans maximum. En sachant aussi que le Gobelin devra à chaque fois attendre un certain temps entre chaque « mort » de Eun Tak. Vivre quelques dizaines d'années auprès de sa bien-aimée vaut-il vraiment toutes ces souffrances ? Là encore, c'est une belle fin que nous offre le drama, utilisant les réincarnations comme une nouvelle chance de réussir sa vie, mais, si cela aboutit à une conclusion heureuse pour Sunny et la Faucheuse, peut-on vraiment en dire autant pour le Gobelin et son épouse ? Que se passera-t-il quand Eun Tak aura vécu ses trois vies restantes ? Tout un tas de question qui resteront en suspens et dont on peut simplement imaginer l'issue. Une issue que l'on a du mal à espérer bonne tout de même. La fin est assez ouverte et en frustra plus d'un, mais c'était malgré tout la fin qu'il fallait à cette histoire, bien qu'elle nous laisse un peu sur notre faim.
