Revival, phase 1 : La trilogie récapitulative
La mise en chantier d'une trilogie
Le 6 octobre 2016, Code Geass allait officiellement célébrer ses 10 ans. Une première décennie symbolique, aussi on envisageait mal Sunrise ne rien faire pour l'événement. Seulement, la diffusion de la série TV est achevée depuis 8 ans, et la sortie des OVA Akito The Exiled vient de se conclure. Sunrise doit penser les choses en plus grand, tout en revenant aux sources, ce qui aboutit à un revival en deux temps. La première phase, c'est le pur retour de l'histoire d'origine de Lelouch, sous une forme différente.
Lorsque Goro Taniguchi, l'idée du film récapitulatif sonne comme une évidence. Il faut dire que ce type de long-métrage est dans l'année de Sunrise depuis les années 80, par la saga Gundam dont les séries et séries d'OVA ont très souvent eu droit à leurs versions dites « digest », y compris aujourd'hui avec Gundam: Reconguista in G, série de 26 épisodes que Yoshiyuki Tomino a retravaillés en une saga de 5 films. Des films résumés sont aussi l'occasion de présenter l'histoire de Lelouch en un temps raccourci, le public d'aujourd'hui n'étant peut-être pas motivé à regarder une série d'une cinquantaine d'épisodes, à l'heure où les formats plus courts sont démocratisés.
Pour Code Geass, une question rapide se pose alors : Comment regrouper deux saisons de 25 épisodes chacune en un ou plusieurs longs-métrages, sans créer de dissonance ? L'idée d'un seul film pour résumer l'ensemble est vite abandonnée par Taniguchi, car la tâche est impossible. De la même manière, deux épisodes ne seraient pas suffisants, prouvant que les Special Edition d'époque sont l'œuvre de Sunrise plus que de son réalisateur, qui n'y a probablement même pas touché. L'idée de 4 métrages est tentante, mais le format serait trop long et incohérent avec cette optique de version raccourcie et plus accessible. Alors, c'est la trilogie qui est préférée par le réalisateur, un format plus dans l'ADN de Sunrise avec Gundam, et qui est acceptée dans l'imaginaire collectif mondial depuis la saga Star Wars de Georges Lucas, divisée en trilogies. C'est donc décidé : La première étape du revival se fera en 3 films. Aussi, Goro Taniguchi peut accéder aux rushs d'origine, établir sa vision, et faire sa sélection de scènes à remanier.

Trilogie en trois actes
Maintenant que Goro Taniguchi connaît son format, libre à lui de penser ces métrages selon sa vision d'auteur. Car un film récapitulatif un tant soit peu travaillé est le résultat de choix, amenant parfois une vision nouvelle de l'œuvre d'origine. Dans le cas de Gundam, Yoshiyuki Tomino retravailla la toute première série en trois films en remontant les scènes et en ajoutant des séquences, de manière à développer la thématique du New-Type sur la durée, et en étoffant le final. Sur la trilogie Zeta Gundam, il balaya le final trop pessimiste pour aboutir à une conclusion nouvelle, plus douce, bien que remettant en cause toute la chronologie de son univers. Du côté de RahXephon Tomoki Kyoda s'est emparé de la série de Yutaka Izubuchi pour la tirer vers le drame amoureux, plus que vers le récit de science-fiction. Les exemples sont nombreux, et prouvent l'éventail de possibilités qui s'offrait à Taniguchi.
De l'aveu du réalisateur, il pensa à l'origine à une vision documentaire des événements de la série, sous le regard du personnage de Diethard, journaliste ayant trouvé sa poule aux œufs d'or en la personne de Zero. Mais Taniguchi n'était pas convaincu par cette vision, craignant que les films ressemblent à une succession de scènes de manière aléatoire. Il ne voulait pas tomber dans le piège des deux Special Edition, un exemple qu'il cite lui-même, et une production qu'il semble désapprouver sur le plan artistique. Pour lui, Code Geass devait rester une histoire dramatique qui se tenait sur le format de trois films. Et qui de mieux pour repenser le découpage de l'intrigue que son scénariste, Ichiro Okouchi ? Lorsque Goro Taniguchi le contacte, l'idée s'impose d'elle-même : Chaque film devait constituer un arc, et ces trois épisodes seraient successivement ceux de Zero, Suzaku et Lelouch. Une idée donnant l'axe définitif de la trilogie. Dans ce processus, la transition entre les deux saisons devenait un problème. Au début de R2, l'intrigue fait un redémarrage sur le personnage de Lelouch qui récupère son Geass et sa mémoire, avant de repasser à l'assaut. Pour rendre cette partie plus cohérente avec le format et la vision, le réalisateur fait le choix de présenter ces événements du point de vue de Suzaku. L'éventuel souci d'une répétitivité entre les épisodes Zero et Lelouch se pose aussi. Taniguchi dissocie donc totalement le chef de l'Ordre des Chevaliers Noirs du protagoniste, en basant le propos du premier film sur l'icône qu'est Zero, un dirigeant nappé dans le mensonge. Pour appuyer cette idée, il commande une nouvelle chanson qui vient conclure le film. Ainsi, « Aka Dake ga Tarinai » par Iris devient une sorte d'hymne à Zero.

C'est à partir de l'automne 2017 que les films sortent dans les cinémas japonais. Code Geass - Hangyaku no Lelouch I: Kôdô (Code Geass – Lelouch of the Rebellion I: La voie de l'éveil) sort le 21 octobre 2017. C'est un bon succès commercial, puisque son Blu-Ray s'écoule à plus de 17 000 unités.
Le deuxième film prend pour titre Code Geass – Hangyaku no Lelouch II: Handô (Code Geass – Lelouch of the Rebellion II : La voie de la rébellion) et atteint les salles obscures nippones le 10 février 2018. Il s'écoule en Blu-ray à plus de 15 400 unités.
Enfin, le dernier opus de la trilogie se nomme Code Geass – Hangyaku no Lelouch III : Ôdô (Code Geass – Lelouch of the Rebellion III : La voie impériale) et sort le 26 mai 2018. Il assurera de meilleures ventes que le second volet, en s'écoulant à plus de 15 600 unités au format Blu-ray.

La voie du changement
Si l'histoire de Lelouch demeure inchangée dans cette version, plusieurs éléments majeurs varient par rapport à la série télévisée. Outre des choix techniques, comme des musiques de la bande originale posées de manières différentes, changeant parfois l'aura de certaines scènes majeures, l'occultation de certaines séquences impacte le destin de plusieurs personnages. Avis aux lecteurs qui n'auraient pas encore vu Code Geass, les lignes suivantes contiendront plusieurs spoilers, sur les longs métrages comme sur la série.
Le cas Shirley revient souvent dans les débats. Dans la série, il s'agit du premier amour de Lelouch, embarqué progressivement dans le drame engendré par le héros. Dans les films, Goro Taniguchi fait le choix de laisser Shirley dans l'univers lycéen, un sentier qui, d'après lui, symbolise la paix autour de Lelouch, et un cadre auquel le spectateur peut s'identifier et se rattacher. C'est en choisissant de ne pas inclure l'arc autour de Mao, personnage issu de la première saison, que le destin de Shirley se décide. En évinçant ce passage, on lui évite d'être impliquée dans l'histoire de Zero. C'est à cet instant que le réalisateur décide de ne pas faire mourir ce personnage, ce qui aura un impacte dans le scénario du film suivant (mais nous y reviendrons). Pourtant, la survie de Shirley n'a pas été une mince affaire. Car du côté de la production, il y avait une consigne : Ne pas toucher à l'écriture des personnages, ou à leurs destins. Taniguchi a donc dû batailler, mais a eu gain de cause. A cause, il a pensé à ne pas inclure le personnage de Rolo. Mais parce qu'il devait intégrer le plus de personnages possible, le « petit frère » de Lelouch apparaît, bien que son rôle soit grandement réduit. Alors, la scène de son sacrifice devient bien moins impactant.
Ces choix traduisent la limite de ces films récapitulatifs. Si Goro Taniguchi a bien une vision pour les réaliser, et si certaines rares modifications peuvent apaiser les cœurs, on y perd forcément dans une intensité dramatique qui s'établit autour de personnages construits sur 50 épisodes. Si la trilogie récapitulative a sans doute permis de faire découvrir Code Geass à un nouveau public, au Japon, c'est surtout un cadeau pour les fans aguerris. De notre côté, ces films demeurent inédits, et c'est la série animée qui se retrouve mise en avant, régulièrement sur les plateformes VOD qui proposent de l'animation. Cette opposition avec le marché japonais va créer une sorte de décalage en ce qui concerne la deuxième phase du revival : Le film faisant suite à l'histoire de Lelouch.
