L'histoire de Blue Heaven
"Blue Heaven", tel est le nom du paquebot le plus luxueux du monde. Véritable ville flottante bourrée de nombreux divertissements pour les riches personnes pouvant se payer le voyage dessus, le navire fait forcément la fierté de son directeur et propriétaire, Douch, qui y a beaucoup investi pour en faire un commerce lucratif. Ainsi, cette sorte de Las Vegas maritime a emporté à son bord pas moins de 1200 passagers, sans compter le personnel de bord, et a entamé sa croisière sur l'océan Pacifique... mais tout va-t-il se passer aussi bien qu'espéré ?
Effectivement, tandis que les divertissements vont bon train pour tout le gratin, un mystérieux bateau fantôme est repéré. Pour le directeur, hors de question d'aller voir s'il y a des survivants: l'homme, qui ne semble pas du genre très humaniste, n'a aucune envie de s'embarrasser d'éventuels réfugiés ou immigrants illégaux... mais le capitaine Howard, lui, n'est pas de cet avis, et décide de prendre ses responsabilités en envoyant l'ancien policier et chef du service de sécurité Yukinobu Sano en reconnaissance sur ce bateau avec quelques hommes. Sur place, deux survivants sont retrouvés: l'un semble juste épuisé, et l'autre tellement terrorisé qu'il arrive à peine à parler. Et sur ce navire errant, Sano ne manque pas de repérer d'inquiétantes traces de lutte et des marques de sang...
Que s'est-il passé dans ce bateau ? Sans le savoir, en accueillant sur le Blue Heaven les deux rescapés pour les soigner, Sano et les autres viennent peut-être de faire entrer sur le paquebot de luxe la pire des menaces...
BLUE HEAVEN © 2002 by Tsutomu Takahashi / SHUEISHA Inc.
Un travail d'ambiance saisissant
Le moins que l'on puisse dire est que, pour une série vouée à s'achever au bout de trois volumes, Tsutomu Takahashi prend son temps pour faire réellement décoller son récit, puisqu'il faudra vraiment attendre le dernier quart du premier tome de Blue Heaven pour que le danger et la mort prennent une forme concrète. Mais cela ne veut aucunement dire que la longue phase de "mise en place" est ennuyeuse, loin de là !
Non seulement, car le mangaka prend soin d'installer une petite galerie de personnages dont certains se démarquent assez facilement et prendront chacun leur importance, à commencer par Sano, Douch et Howard bien sûr, mais aussi d'autres employés comme Yoshiko Natsukawa, la docteure Cindy ou le mécanicien Jungo Fuyuki, ou encore certains passagers comme la petite Joséphine ou, plus encore, l'inquiétante famille de M. Junau, un homme aussi riche et vicieux qu'il est physiquement ingrat. On ne va pas cacher que la plupart de ces visages sont un brin caricaturaux, en particulier dans le cas de Junau, mais il y a vraiment de quoi avoir envie, d'emblée, de voir ce qu'ils donneront par la suite.
Mais aussi parce que le dessinateur, avec cette série lancée au Japon il y a un peu plus de vingt ans, démontrait déjà toute sa verve visuelle. Ayant toujours eu son style très noir, charbonneux et hachuré avec des personnages parfois burinés dans leur design, Tsutomu Takahashi n'a aucune difficulté à entretenir une atmosphère de huis-clos oppressante, presque étouffante et malsaine. Tout simplement, son trait se prête impeccablement à ce type d'ambiance sombre en milieu intérieur cloisonné. Mais en extérieur aussi l'auteur se montre à l'aise: il faut notamment souligner, dès le tome 1, ses images des navires (le Blue Heaven et le bateau-fantôme) perdus, esseulés dans l'immensité de l'océan, pour bien nous faire sentir qu'aucune échappatoire n'est possible.