Beauty Pop

L'amour sans prétention

 
Bien entendu, le thème principal qui se dégage dans les shôjos est l'amour. Mais ici, voilà que les sentiments ne sont pas toujours amoureux, ou du moins, ils ne se dévoilent pas aussi facilement. En effet, l'amour n'est qu'une trame de fond, et arrive assez loin derrière l'amitié et la rivalité entre les personnages. L'auteure ne présente pas une héroïne éperdument amoureuse d'un garçon impossible à atteindre. Non, Beauty Pop c'est tout autre chose. En effet, Kiri n'est pas du tout le genre de fille qui tombe facilement amoureuse d'un garçon, bien qu'il soit mignon et populaire. Elle a sans cesse la tête dans la lune, et cela l'empêche peut-être de s'attarder sur les garçons. Mais pourtant, n'en restons pas là, car l'auteure nous montre à de nombreuses reprises que cette Kiri, qui semble très tête en l'air et toujours endormie, a plus d'un tour dans son sac. La jeune fille a toujours l'oreille attentive lorsque quelqu'un est en détresse, et lorsqu'il s'agit de voler à son secours, de lui venir en aide, ou de le défendre, elle est bien là! La jeune fille n'est pas si décalée qu'on le croit, et cache sans doute bien son jeu. On remarquera sans mal qu'elle prend un malin plaisir à taquiner sournoisement Narumi, lui qui se met si facilement en colère!

Dans la plupart des shôjos, l'amour arrive dès les premiers tomes, s'installe, et reste jusqu'à la fin, malgré parfois quelques périodes de désaccord. Mais ici, il en est tout autrement. Alors que l'on s'attend à ce que les sentiments apparaissent très tôt, l'auteure ne nous dévoile pas grand chose. Elle laisse paraître des soupçons, et chaque lecteur peut alors se faire sa propre opinion des choses. Par conséquent, il ne faut pas s'attendre à des scènes de baisers langoureux, interminables, entre l'héroïne et son bien-aimé. Ici, l'ambiance est plutôt du côté des disputes, de la bonne humeur, mais aussi des défis!

Plus que l'amour, c'est l'amitié qui est mise en valeur. Même si au fil de la lecture, on suit sans lâcher prise la relation entre Kiri et Narumi, celle-ci est très voilée, et l'auteure ne nous renseigne que très rarement sur les pensées de la jeune fille au sujet de son ami au caractère bien trempé. On ne lira alors pas de longues pages débordantes d'amour et de passion, ni de monologues d'un amoureux transi. Non. L'auteure nous transmet juste des interrogations, mais également beaucoup de sentiments niés, voire même totalement occultés. La relation entre le personnage de Narumi et Kiri est tout d'abord très conflictuelle, du moins du côté du garçon. Car Kiri, bien qu'elle soit discrète, s'amuse à le mener par le bout du nez, et à le mettre dans une colère terrible à la moindre réflexion. Elle qui sait trouver les mots justes, parvient dès le premier tome à le mettre dans une rage folle en une seule phrase. Mais au fur et à mesure, cette relation évolue, et passe du conflit pur à une tendresse cachée. En effet, Narumi, qui dans un premier temps ne supporte pas Kiri, se surprendra par la suite à penser à elle, ou à la voir autrement, d'un œil charmé et intéressé. On l'observe alors, et une fois s'en être rendu compte, on se plaît à interpréter ses regards et ses réactions. Par exemple, celui-ci se montre jaloux lorsqu'il voit la complicité entre l'héroïne et ses amis d'enfance, Kenichiro et Iori. Ces instants, drôles et mignons, nous montrent des sentiments bien présents finalement, mais qui tardent à se révéler. Malgré tout, Kiyoko Arai n'enlèvera pas la conflictualtié de la relation des deux personnages, une ambiance qui contribue au côté comique de Beauty Pop.

Kiri nourrit également une relation spéciale avec un autre personnage. Mais ici, il ne s'agit pas de relation qui fonctionne réellement dans les deux sens. Alors que Narumi veut toujours surpasser la jeune fille dans son talent, lui lance sans cesse des défis, et que celle-ci y répond tout en le mettant hors de lui, ici, le personnage de Kazuhiko Ochiai est très ambigu, et la jeune fille semble se méfier légèrement de lui. On comprendra très vite que ce garçon nourrit un profond amour pour Kiri. Mais Ochiai aime tout contrôler et calculer. Il n'hésite alors pas à aller épier Kiri jusque chez elle, et même, à prendre des photos de la jeune fille. Pourtant, à l'origine, cela relevait uniquement d'un souci de rassembler des informations sur la talentueuse Kiri, afin de savoir à qui il avait réellement à faire, lui qui a décelé bien vite le don de la jeune fille. Mais ce travail a débordé, et n'est alors plus du domaine de la simple recherche: Ochiai veut désormais tout connaître de celle qu'il aime dans l'ombre. Ses sentiments, jamais abordés de manière trop excessive, font planer un doute, voire même parfois une incompréhension. En effet, il connaît parfaitement l'attirance de son ami Narumi pour la jeune fille, mais continue tout de même ses cachoteries à l'abri des regards de tous. On se demande alors d'où lui vient cette envie si soudaine, qu'il n'arrive apparemment pas à contrôler, et qui de surcroît, pourrait mettre en péril aussi bien son amitié avec Narumi, que le Projet Ciseaux. C'est alors qu'on peut se dire que même s'il est indéniable que Ochiai soit un allié de taille pour l'ascension du Projet Ciseaux, il n'est pas si sûr qu'il soit bon d'être son ami. Car calculateur et sans cesse projeté dans l'avenir qu'il veut prospère, ce personnage semble parfois être le genre de garçon capable de faire de gros sacrifices pour s'assurer un avenir certain et confortable, malgré le brin d'humanité que l'auteure lui accorde à quelques moments, bien trop peu nombreux d'ailleurs. Enfin, il ne faut pas oublier la froideur avec laquelle il rejette les sentiments de la si douce Kanako, au tout début de la série.