3 grammes - Actualité manga
Dossier manga - 3 grammes
Lecteurs
17/20

Graphismes

      
Graphiquement, Jisue Shin prend le parti de faire des dessins très simples pour 3 grammes. D'une part, on constate une pauvreté du point de vue des couleurs. D'autre part, les dessins en eux-mêmes sont démunis de toute fioriture et de détails inutiles. De ce fait, au premier abord, un grand nombre de lecteurs, notamment ceux qui s'attachent à la richesse graphique, n'est pas du tout attiré par ce livre. Pourtant, cette absence d'artifices graphiques est en réalité un moyen pour l'auteure de mettre le doigt sur les choses qu'elle veut montrer et partager avec ses lecteurs. Ainsi, elle va directement au but, sans prendre de pincettes, mais dépeint une réalité qui lui est tombée dessus, sans même prévenir. C'est ce que l'on constate à de nombreuses reprises. Par exemple, lorsqu'elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer des ovaires, lorsque le diagnostic est réellement fixé, et qu'elle n'est plus face à des hypothèses, Jisue Shin se représente toute petite face à un médecin gigantesque. Elle est assise sur une chaise face à un bureau qu'elle ne peut plus atteindre. Plus rien n'est à sa portée : Jisue ne maîtrise plus son environnement et devient un élément insignifiant d'un nouveau monde, de tout un univers qu'elle ne comprend pas. De la même façon, elle utilise l'espace et les perspectives afin de montrer le fossé qui la sépare des médecins et spécialistes. Ceux-ci sont toujours différents. Ils semblent être très nombreux et de par leur comportement, faire partie d'une communauté de personnes qui ne cherchent pas forcément à se faire comprendre des autres, ni à tisser de liens avec autrui. Toujours en blouse blanche, ils sont représentés distants, et toujours très éloignés de leurs patients. Ils font réellement partie de l'hôpital. De plus, ils dressent volontairement un obstacle entre eux et le reste du monde : un bloc-notes, qui leur sert à prendre une multitude de notes. En plus de cette froideur du corps médical, l'immensité de l'hôpital transparaît également dans les dessins de Jisue Shin. Son lit est tout petit, ainsi que son environnement personnel, qu'elle partage avec plusieurs patients. La patiente n'a pas d'intimité. Elle partage son espace jour et nuit, avec des individus qu'elle ne connaît même pas. Ces derniers sont tous plus curieux les uns que les autres, essayant tant bien que mal d'égayer, ou du moins, de mettre un minimum d'action dans leur quotidien si plat. D'ailleurs, tous les patients se ressemblent, et c'est évidemment le cas de Jisue. La jeune femme, dès son hospitalisation, se transforme : elle porte désormais elle aussi une blouse blanche, est installée dans une chambre au milieu d'autres gens, et perd son sourire et sa fraicheur. Jisue se fond malgré elle dans ce décor terne et froid.
     
Au milieu de cette dure réalité, Jisue Shin inclut une part de rêve : des instants pendant lesquels elle réussit à s'évader, plus ou moins positivement. Ainsi, l'image de l'hôpital, qui devient une île, est clairement mise à nue face au lecteur. Il assiste à la dérive, au sens littéral du terme, de Jisue dans le monde de la maladie. Ayant pour seul allié son lit, elle se laisse bercer par les courants, jusqu'à un monde où elle a l'horrible impression que personne ne pourra venir la sauver. Dans le même esprit que cette île, et beaucoup plus bon enfant, Jisue Shin nous fait part de ses pensées d'enfant concernant les traitements qui sont sensés la guérir. Elle pense alors à des milliers de petits bons hommes, caressant ses ovaires et lui procurant ainsi un bien fou. Jisue souhaite guérir de tout son cœur et pense sans arrêt à ces petits êtres, qui ne vivent que pour parcourir son corps jusqu'à un endroit précis et le dorloter tellement et avec tant de sincérité qu'elle finira peut-être par guérir.
   
Bien heureusement, le parti pris graphique de Jisue Shin met aussi bien en avant les aspects négatifs de son expérience, mais aussi les moments de bonheur qu'elle a connus. Les pages, toutes différentes les unes des autres, nous permettent d'être sans arrêt surpris, et de découvrir sans arrêt de nouvelles choses, occupant l'espace toujours de façon différente. De ce fait, Jisue Shin sait rendre dynamique une lecture d'un quotidien bien ennuyeux et effrayant.
     
     
   
       

Conclusion

     
Dans 3 grammes, Jisue Shin nous fait part d'un fait marquant de sa propre vie. Elle met en avant les épreuves auxquelles elle a dû faire face à cause du cancer des ovaires, maladie qu'elle a contractée bien tôt par rapport à la moyenne. La solitude est bien entendu un point sur lequel l'auteure insiste beaucoup. Cet état d'esprit est renforcé par le fossé entre le corps médical et les patients. L'hôpital est loin d'être accueillant, il est une île déserte sur laquelle Jisue se perd et d'où elle a l'impression de ne plus pouvoir partir. L'immensité des locaux, l'uniformité des patients d'un côté, et des médecins et infirmiers de l'autre, la tristesse des locaux, et surtout, la peur du lendemain sont des thèmes récurrents qui ponctuent le récit de tâches noires, desquelles la jeune femme avait bien du mal à se débarrasser. Jisue Shin n'hésite pas à partager ses angoisses dans ce livre. Elle nous avoue ses peurs, nous montre son courage, et nous fait part de la difficulté d'affronter chaque journée, avec la boule au ventre, la peur de l'inconnue. Les relations familiales se révèlent être cruciales. Jisue se repose énormément sur sa famille, qui est toujours là pour l'épauler. Cette fidélité contraste avec les visites ponctuelles des amis, qui se font de temps à autres très rares. De ce fait, la mère de Jisue, sa s?ur et son petit ami sont tous autant de facteurs qui permettent à la jeune femme de supporter la solitude une fois hospitalisée.
   
Le dessin et les choix des couleurs permettent à l'auteure de dépeindre son quotidien à la fois avec beaucoup de simplicité, mais aussi une franchise qui ne se cache pas derrière un tas de détails inutiles. Ainsi, Jisue Shin ne cherche pas à dessiner des décors qui ne feraient qu'embellir un quotidien qui ne l'ai aucunement. À la place, elle privilégie le réel, la dureté de son combat, la froideur de l'hôpital, mais aussi les petits moments de bonheur qui permettent d'illuminer quelque peu un quotidien bien morne. C'est justement grâce à cette simplicité, mais aussi au dynamisme de chacune des pages que Jisue Shin réussit à faire de ce récit autobiographique un moment de lecture intense, qui est loin de nous laisser indifférent.
   
     
    
Dossier mis en ligne le 22/02/2013.
   
   
Fiche de la série : 3 grammes
Fiche de l'auteur : Jisue Shin
   
   

Dossier réalisé par LoveHina


© by JISUE Shin /

Commentaires

DONNER VOTRE AVIS
peace

De peace [244 Pts], le 23 Février 2013 à 12h19

17/20

je connaissais pas du tout mais grâce à ce dossier j'aimerais bien l'avoir 

Koiwai

De Koiwai [12693 Pts], le 22 Février 2013 à 14h15

Ce dossier tombe à pic pour me faire une piqure de rappel. L'année dernière j'attendais avec beaucoup d'intérêt ce titre (au point de demander au stand de Cambourakis au Salon du Livre quand il sortait), au moment de la sortie je n'ai finalement pas eu le budget, puis j'ai fini par l'oublier.

Bref, je le remets sur ma liste d'achats :-)

Tianjun

De Tianjun [5049 Pts], le 22 Février 2013 à 12h26

Un titre que je ne connaissais pas du tout (comme beaucoup je pense), mais qui me fait de l'oeil grâce à ce dossier. Je trouve intéressant le travail sur les couleurs. Reste un dessin relativement minimaliste (ça me rappelle quand je faisais très modestement mon journal intime sous forme de BD ^^") et un prix un peu conséquent, mais si je tombe dessus en librairie un jour, pourquoi pas ? Merci pour cette mise en avant !

VOTRE AVIS



Si vous voulez créer un compte, c'est ICI et c'est gratuit!

> Conditions d'utilisation