3 grammes - Actualité manga
Dossier manga - 3 grammes
Lecteurs
17/20

L'utilisation de la couleur

     
La couverture du livre arbore un arbre en fleurs, qui surplombe Jisue : un message de renaissance, qui nous montre que la vie vaut la peine d'être combattue, et surtout, qu'il faut garder l'espoir. La couleur rose, dominante ici, laissera bientôt place à un néant aseptisé : le vide du blanc, et pas n'importe quel blanc. Pour revenir sur cette couverture, la floraison du printemps et la couleur douce utilisée dévoilent finalement au lecteur la fin du livre, en lui délivrant en message positif. À l'ouverture du livre, ça n'est bien entendu pas la couleur rose qui domine, mais le noir des traits, le blanc qui « comble » le vide des pages et le bleu. Ces couleurs sont utilisées de façon à rendre la lecture plus intense et à pointer du doigt les choses qui ont marqué l'auteure.
   
Il va sans conteste que la couleur dominante de 3 grammes est le blanc. Cette absence de décor nous permet de nous focaliser sur l'essentiel, sur chacune des choses que Jisue Shin souhaite nous montrer quant à son vécu du cancer des ovaires. Les dessins sont parfois explosés sur tout une page, à d'autres moments dessinés en séquence, ou alors dans des cases, sur le principe du gaufrier, mais remanié. Bien entendu, dans chacun de ces cas, le fond reste blanc, rappelant peut-être l'omniprésence de l'hôpital, quel que soit l'endroit où Jisue se trouve. Ce bâtiment, cet espace dans lequel il n'est jamais bon de se trouver, envahit totalement le quotidien de la jeune femme. L'immensité des bâtiments médicaux renforce cette impression de vide. Jisue, aux côtés de son petit ami, se rend chez plusieurs spécialistes, où elle est déjà confrontée à la grandeur de lieux qui font de ces endroits de vastes bâtisses dans lesquelles l'on se sent tout petit et impuissant. Les hall grouillent de monde, des âmes, qui, pour la plupart, semblent errer, impuissantes dans un lieu qui ne fait que leur rappeler leur condition insignifiante d'homme mortel et fragile.
     
     
       
      
En plus de ce blanc intense, le bleu est également une composante importante des couleurs de 3 grammes ; important en symbole, et non en quantité. Le bleu est ici les larmes de la jeune femme, ou un océan, une vaste étendue d'eau dans laquelle Jisue se perd. Aucune issue ne semble possible, aucun secours ne semble pouvoir atteindre ce lieu perdu, isolé, dans lequel se trouve la jeune femme. C'est d'ailleurs dans les moments les plus difficiles, où elle se sent terriblement seule, que Jisue Shin utilise la couleur bleue. Cette dernière est perdue dans un océan bleu, seule, pour unique allié son lit d'hôpital. Parfois, elle donne l'impression que le seul recours qu'elle a est l'hôpital lui-même : une île qui se dresse fièrement au milieu des flots, la seule aide dont la jeune femme perdue peut jouir. L'aide n'est parfois pas facile à accepter. Et c'est ce qui se passe ici. Jisue a deux choix : l'infini de l'océan, dans lequel elle se perdrait à jamais, ou l'enfermement de l'hôpital. C'est bien entendu le dernier choix qu'elle décide de suivre. Dans cet océan, Jisue n'est pas toujours seule : elle est parfois accompagnée des autres malades, qui partagent en réalité sa chambre. Ils ne sont pas différenciés les uns des autres et semblent être dans la même situation que la jeune femme. Ils se laissent porter par le courant, impuissants face à cette fatalité qui s'est abattue sur eux. Ces colocataires d'un temps sont tout aussi impuissants que Jisue, devenus esclaves de l'hôpital, seul refuge qu'ils ont eux aussi choisis, en dépit d'une autre solution. Dans la chambre, il n'y a rien à faire. C'est alors représentés au milieu de l'eau, mais sur leur lit, que les patients exhibent leur quotidien aux yeux de tous : certains dorment, d'autres s'allongent, sans pour autant fermer l'œil, d'autres encore cherchent à s'isoler davantage. Ensemble mais à la fois profondément seuls, ces patients ne prennent même plus la peine de créer des liens entre eux, brisés par l'incertitude du futur qui les guette. Ils expérimentent chacune des positions possibles que l'on pourrait prendre sur un lit, plus ou moins confortables, mais changeant quelque peu leur quotidien si morose. 
         
Parmi le peu de distractions qui s'offrent aux patients à l'hôpital, Jisue Shin en apprécie un en particulier : la lecture. Elle nous fait d'ailleurs partager une chose importante qu'elle a appris grâce aux livres, par le biais d'une mise en abîme représentée de façon ludique et originale : un livre dans un livre. L'histoire de ce petit oiseau en cage reflète avec simplicité ce que la jeune femme ressent à l'hôpital : enfermée dans une cage aseptisée, elle n'a qu'un seul souhait, sortir. C'est la même chose pour le petit oiseau lorsqu'il s'aperçoit que d'autres oiseaux sont eux, en dehors de la cage. Il se débat, fait son possible pour sortir et gagner sa liberté. Mais finalement, pourquoi se battre si tout est perdu d'avance ? Le petit oiseau finit par abdiquer, et c'est justement l'exemple que Jisue ne veut pas suivre. Les livres lui apprennent plein de choses. Elle se confronte aux témoignages d'autres femmes, qui elles aussi se sont battues contre le cancer. Elle prend ce qui est bon de garder, tire une leçon de tout le reste, et fait son petit mélange afin de se donner le courage d'affronter les jours qui se suivent. Le silence de l'hôpital, le manque d'activités, lui laissent tout le loisir de réfléchir à une multitude de choses, qui lui permettent de mûrir et de s'adapter, tant bien que mal, à son nouvel environnement. 
  
   

© by JISUE Shin /

Commentaires

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peace

De peace [244 Pts], le 23 Février 2013 à 12h19

17/20

je connaissais pas du tout mais grâce à ce dossier j'aimerais bien l'avoir 

Koiwai

De Koiwai [12685 Pts], le 22 Février 2013 à 14h15

Ce dossier tombe à pic pour me faire une piqure de rappel. L'année dernière j'attendais avec beaucoup d'intérêt ce titre (au point de demander au stand de Cambourakis au Salon du Livre quand il sortait), au moment de la sortie je n'ai finalement pas eu le budget, puis j'ai fini par l'oublier.

Bref, je le remets sur ma liste d'achats :-)

Tianjun

De Tianjun [5049 Pts], le 22 Février 2013 à 12h26

Un titre que je ne connaissais pas du tout (comme beaucoup je pense), mais qui me fait de l'oeil grâce à ce dossier. Je trouve intéressant le travail sur les couleurs. Reste un dessin relativement minimaliste (ça me rappelle quand je faisais très modestement mon journal intime sous forme de BD ^^") et un prix un peu conséquent, mais si je tombe dessus en librairie un jour, pourquoi pas ? Merci pour cette mise en avant !

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