Eden - Actualité manga

Critique de la série manga

Publiée le Mardi, 20 Octobre 2015

La Terre, dans un futur proche. L'Humanité subit la propagation d'un virus meurtrier, issu probablement d'un laboratoire militaire. Le virus calcifie la peau des personnes infectées et liquéfie les organes internes, laissant les malades à l'état de statues d'argile. Deux adolescents, Enoa et Hana, ont développé une barrière immunitaire au virus. Ils vivent en compagnie d'un ancien scientifique, reclus dans un laboratoire. Après l'attaque du laboratoire par le Propater, la nouvelle organisation fédérale mondiale, Enoa et Hana quittent le laboratoire avec un robot intelligent (Chérubin) et tenteront de survivre dans un monde chaotique. Quelques années plus tard, on retrouve le jeune fils d'Enoa et Hana, dénommé Elia Ballade. Celui-ci a échappé à une tentative d'enlèvement du Propater mais est très vite contraint de faire équipe avec un groupe de mercenaires qui cherche à regagner la civilisation. Et c'est là que commence véritablement Eden.

Manga d'anticipation inspiré du mouvement cyberpunk, Eden entremêle des thématiques propres au genre, tout en proposant un récit à suspense, des scènes d'action dantesques et un réalisme prégnant de l'histoire et des personnages. Extrêmement violent, brut, cru, direct, tout en compensant avec beaucoup de sensibilité et d'humour, et n'étant jamais gratuit ni racoleur, Eden est fort de 18 volumes riches explorant différents genres. Multipliant les évocations des récits de guerre (génocides, impuissance des casques bleus), le terrorisme, les intrigues géopolitiques (les rapports de force entre hyperpuissances, les luttes d'indépendance), Eden se tourne aussi vers le polar noir et la satyre sociale (dénonciation des inégalités, mafias, prostitution, drogues, racisme), sans oublier évidemment les biotechnologies et l'armement, les sciences... L'auteur innove en proposant de la grande science-fiction, basée sur un travail de recherche que l'on devine sérieux. L'évolution du virus est intelligente, tantôt fil conducteur du récit, tantôt élément subsidiaire.

Le plus impressionnant demeure que chacune de ces thématiques est réinventée pour coller à un univers futuriste (le XII° siècle). Hiroki Endo crée donc un monde pas si éloigné du nôtre, reprenant des références actuelles, mais imaginant bon nombre de nouvelles coopérations internationales, redistribuant les cartes dans les rapports de force, donnant sa vision d'une Terre qui serait soumise au chaos post-virus. Le pire (ou le mieux... à voir...) étant que la violence exposée apparaît terriblement réaliste et crédible : les conflits de religion sont plus que jamais présents, les mafias reprennent du galon dans un monde désorganisé, présentées comme les seules alternatives et chances offertes à une jeunesse perdue, et la seule solution qui semble avoir été trouvée est la création d'une organisation fédérale, cherchant à gommer les identités locales pour mieux rétablir l'ordre, et prétendant pouvoir réinstaurer un équilibre social par ce même mécanisme fédérateur.

Les personnages sont nombreux mais on ne s'y perd jamais. En dépit d'un character-design à la traîne (les visages se ressemblent assez souvent, défaut pardonnable en ce qu'on le retrouve chez bon nombre de grands mangakas comme Hojo et Urasawa), les décors sont très détaillés et variés (des favelas aux quais des ports, en passant par les laboratoires militaires, la cordillère des Andes, les étendues orientales, les métropoles...). Le trait de Hiroki Endo est particulièrement efficace dans les scènes d'action : rarement dans un manga de telles situations ont été rendues avec autant de dynamismes. Le sentiment de vitesse est parfait, le découpage des cases idéal : beaucoup de fluidité et de finesse ressortent de ces scènes. La psychologie des personnages est travaillée, de nombreux et longs flash-backs illustrant leurs déboires. La justesse et le réalisme des personnages les rendent attachants, mais dans le monde d'Eden, l'auteur est sans concession et il ne faudra pas s'attendre à les voir très longtemps...

La conduite du récit est tout aussi excellente : entre ellipses, flash-backs et changement de genres entre les différents arcs, l'auteur garde la maîtrise de la narration. Il va même jusqu'à introduire des éléments pour le moins étonnants : des scènes d'humour contrastant avec la violence générale (le désarroi de l'Humanité ne l'empêche pas de vivre simplement) et des scènes de sexe déstabilisantes, et ce dans le bon sens du terme, en ce qu'elles sont bien loin du fan-service habituellement proposé par certains mangakas, préférant une justesse de ton rare. Eden surprend donc en mixant les genres mais en restant toujours très maîtrisé. Le savant dosage entre suspense et action fonctionne tout au long des 18 volumes, et la fin, tout en restant ouverte, n'est pas abrupte.

Si l'on devait retenir une seule caractéristique pour souligner la qualité de ce seinen, il s'agirait de mettre en exergue sa richesse et son extrême réalisme. Hiroki Endo explore toutes les facettes d'un monde futuriste soumis au chaos, ce qui fait d'Eden une des meilleures oeuvres du genre cyberpunk.


Rogue


Note de la rédaction
Note des lecteurs
17/20

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

16.00,16.00,17.00,16.00,16.00,16.00,16.00,15.00,17.00,18.00,15.00,16.00,17.00,16.00,17.00,17.00,17.00,17.00,16.50

Les critiques des volumes de la série