Quand les femmes prennent le pouvoir...
Le féminisme n'est plus vraiment une question aujourd'hui. Le terme est rentré dans le débat public, la question est maintenant plutôt à quel « degré » on l'est... Mais bref. On ne va pas rentrer maintenant dans ce débat infini. Réjouissons-nous plutôt de nous retrouver devant une série politique qui met en avant de fortes figures féminines, et cela quelque soit le clan. Et oui, même si la présidente Son est absolument détestable du début jusque la fin, elle reste la présidente d'un conglomérat, et c'est une chose relativement rare dans notre monde actuel. Déjà que ça n'arrive quasiment jamais en France, vous vous doutez bien qu'en Corée du Sud, un pays encore hautement patriarcal, c'est encore plus rare. Les deux successeurs présumés sont également des femmes, ses deux filles. De fortes têtes, chacune avec ses défauts qui les mettront constamment en rivalité face à leur mère, qui semble se délecter de la situation. Jae-Min et Carl Yoon seront les seuls figures masculines de ce camp, et soyons honnêtes, ils sont en position de soumission par rapport à ces figures féminines. Carl Yoon fait tout ce que la présidente Son lui demande, quant à Jae-Min, il dépend du soutien de sa belle-mère et de sa femme. En sachant qu'il a subit de nombreuses humiliations dans cette famille, on peut comprendre qu'un certain ressentiment l'habite.
De l'autre côté de l'échiquier politique, nous avons nos deux héroïnes : Kyung-Sook et Do-Hee. La première représente "la force brute", un condensé de volonté et de désir de justice. Tel son surnom, "le rhino", elle fonce sans réfléchir aux conséquences. Do-Hee est le cerveau, elle a pour but de canaliser l'énergie de sa candidate et de la diriger vers la bonne direction. Bref, un situation assez banale de stratège et de seigneur. Ce qui est rafraîchissant ici, c'est que nous avons affaire à deux femmes, et d'un certain âge. Ce n'est pas si courant que ça qu'on suive des personnages aussi âgées dans les récentes séries coréennes à succès. pas en tant que personnages de premier plan en tout cas. Ce qui nous offre du coup deux héroïnes atypiques, mais pleines d'expériences de vie qui, on le sent tout de suite, les ont rendues particulièrement redoutables. Quand on regarde leur camp, plus précisément, on se rend compte que la plupart des membres de l'équipe de campagne électorale sont des femmes. Le seul homme constamment présent est un jeune garçon un peu trop protecteur envers Kyung-Sook. Mais c'est bien ça qui leur sauvera la mise plusieurs fois. On a ensuite les familles de nos deux héroïnes, avec Do-Hee qui perd son père rapidement et un ex-mari dans un autre camp politique. Pour Kyung-Sook, son mari la soutient mais reste assez absent de son combat, tandis que son fils... C'est un peu plus complexe. Il lui reproche son absence, mais il ne lui demandera jamais de renoncer à ces combats, car il les comprend et il les soutient. Même quand il sera aux portes du désespoir.
Ce qui est assez intéressant, ici, c'est donc de voir comment fonctionne les relations entre les hommes et les femmes dans chaque camp. Dans le premier, évidemment, nous sommes uniquement dans des rapports de domination. Et le genre n'est pas vraiment un facteur, c'est plutôt un rapport de classe à chaque fois. La patronne d'Eunsung est en haut de la chaîne alimentaire, c'est elle qui chapeaute tout, et ensuite on descend. Il y a d'abord ses filles, puis Jae-Min et Carl Yoon. Jae-Min, lui, se servira de nombreuses employées pour assouvir ses désirs sexuels, et c'est ce qui causera le premier drame de la série. On se retrouve donc sur des relations très verticales. De l'autre côté, nous avons des relations beaucoup plus horizontales, d'entraide entre les différents personnages. On peut considérer que Kyung-Sook et Do-Hee sont au dessus, car elles seront au commande, mais il y aura toujours une certaine phase de concertation avant la prise de grosses décisions. On est ainsi sur une manière plus communautaire, égalitaire, de vivre. C'est un véritable exemple de coexistence plutôt que de survie, comme on peut le voir dans le premier camp.
Mais du coup, peut-on dire que la série Queenmaker est féministe ? Elle ne porte pas le sujet en étendard, c'est sûr, mais elle traite ses personnages féminins avec beaucoup de justesse, ça c'est sûr. Et puis, est-ce qu'une série n'est pas plus féministe quand elle se concentre là dessus ? Sur la crédibilité et la justesse de son histoire, de ses personnages ? J'avoue que je me pose la question à chaque fois que je me retrouve devant ce genre de série, et je n'ai toujours pas de réponses précises...