Nos Yeux Fermés - Actualité manga
Dossier manga - Nos Yeux Fermés

Une œuvre sur la différence


Le synopsis et la couverture de Nos yeux fermés ne laissent pas planer le doute, le titre d'Akira Sasô montre d'emblée qu'il est question de handicap au sein de l’œuvre, et ce que la thématique soit exposée en premier plan ou plutôt traitée en sujet de fond. La question du handicap est symbolisée par Ichitarô, l'une des deux figures centrales du récit et non voyant (de naissance, on suppose), ce qui attire indéniablement l'intérêt du lecteur. Il faut dire que les récits à caractère sociaux de ce types sont de plus en plus fréquents en France, une excellente chose d'ailleurs. Et si on parle du handicap d'un point de vue différent, on pense sans difficulté à Perfect World, édité chez Akata. Sauf que dans l’œuvre de Sasô, le sujet est finalement plus vaste et traité avec une belle poésie, là où Rie Aruga préfère montrer de tristes réalités à travers un ton plus dramatique.

Akira Sasô compte donc nous parler de différence ici, ce en opposant les deux figures centrales du récit que sont Ichitarô et Chihaya. D'un côté, le jeune homme est non voyant mais semble clamer un amour à la vie à chacun de ses jours, là où la jeune femme, bien au contraire, vie son quotidien comme un pénible labeur et ne cherche pas à s'attirer la sympathie d'autrui. Il y a donc d'abord une opposition entre les deux personnages en ce qui concerne leurs facultés physiques. Cela saute aux yeux du lecteurs, Ichitarô, souffrant pourtant d'un handicap peu enviable, s'attire beaucoup plus nos sympathie que Chihaya sur les premières pages du récit. La demoiselle, qui ne semble pourtant pas avoir à se plaindre du fait d'avoir un corps fonctionnel en tous points, est beaucoup plus renfrognée, faisant vite comprendre au lecteur son caractère de chipie insatisfaite. Pourtant, ce sont les états d'Ichitarô qui vont vite marquer Chihaya : son état par rapport à son handicap, d'abord, qui provoquera chez la jeune fille un premier élan de remise en question, puis tout simplement l'état d'esprit du jeune homme qui semble heureux et imperturbable en toutes circonstances. Ce trait de personnalité, essentiel de la série, aura un rôle sur Chihaya, et nous nous y attarderons dans la partie suivante.



Alors, dans Nos yeux fermés, il n'est pas vraiment question de parler de handicap comme on aurait pu l'entendre, avec un ton larmoyant notamment. Pourtant, certains aspects de cette difficulté physiques son traités, par exemple dans le chapitre où l'une des amies non-voyantes est prise au dépourvue par un exhibitionniste, puis un stalker. Pourtant, ce n'est pas ce sujet qu'Akira Sasô cherche à creuser à fond. Son récit est plus poétique et imaginé et, finalement, le handicap d'Ichitarô sert un tout autre aspect de l’œuvre : l'optimisme qui manque à beaucoup d'entre nous, à ceux qui n'auraient pourtant pas trop à se plaindre de leur situation... à première vue.

Car dans l'art de l'auteur de traiter la notion de différence, on pourrait aussi parler de la différence sociale. Ichitarô et Chihaya sont marqués par deux contextes de vie aussi proches que différents. L'absence d'une mère à leurs côtés peut unir les deux protagonistes, mais ce qui les distingue est bien le cadre de vie qu'ils ont eu durant leur jeunesse. Si Ichitarô a évolué dans un lieu aisé empli de domestiques, Chihaya, elle, entretient son perd depuis longtemps, dans une demeure plus que modeste, et doit accumuler les petits boulots les moins enviables dans la simple optique de survie. La différence qui affectait notre premier jugement des personnages peut même se voir retournée passé un certain cap du récit. Et d'un tout autre point de vue que celui du handicap, c'est envers Chihaya que toute notre empathie se porte.

La différences, dans Nos yeux fermés, a donc différents niveaux de lectures tant le thème est traité de deux facettes, symboliquement très éloignées. L'un des messages du mangaka est donc le suivant : de multiples manière, la vie peut nous priver et nous faire endurer différents maux. Et, à l'inverse, elle peut aussi nous offrir bien des merveilles, sans que l'on s'en rende forcément compte...


Ichitarô et l'optimisme


On en a conscience assez rapidement au cours de la lecture de Nos yeux fermés, Ichitarô est un véritable optimiste. S'il ne peut percevoir le monde de ses propres yeux, il peut le ressentir à sa manière et a même un certain talent pour comprendre les facettes les plus positives de ce qui l'entoure. Sa non-voyance a beau attirer illico l'empathie d'autrui envers lui, c'est son caractère insouciant et non goût d'aller vers son prochain qui rend le jeune homme si apprécié de tous, si bien qu'il semble difficile pour Ichitarô de rencontrer un problème vis à vis de son entourage.

C'est ce caractère qui va marquer Chihaya, qui a un tempérament véritablement opposé. Les échanges entre les deux personnages ont un effet presque immédiat puisque dès le premier chapitre, la jeune fille éprouvera du remord, et se remettra progressivement en question au fil de son quotidien aux côtés d'Ichitarô. En d'autres termes, le jeune garçon va déteindre sur la jeune fille, et pas seulement. Mais ça, ce serait dévoiler l'un des enjeux phares du dernier arc du récit.



A travers cette opposition, simpliste voire manichéenne à première vue, Akira Sasô tient le fil conducteur de son récit, et surtout son message central. Subtilement, l'auteur pointe du doigt l'un des défauts de l'être humain, à savoir privilégier le négatif face au positif. Alors que Chihaya semble en bonne forme physique, elle maudirait presque son prochain tandis qu'Ichitarô, qui a dû s'épanouir par ses propres moyens physiques, va à l'inverse faire comprendre son goût de la vie au premier individu qu'il croire. A travers la métaphore des sens et en montrant quelques petits riens de la vie, ainsi que l'importance des relations humaines, le mangaka cherche à guider notre regard sur ce que l'on pourrait rater de notre quotidien. Oui, une journée pourra être mauvaise et vite mettre nos nerfs à rude épreuve, mais qu'est-ce que cela représente face à un joli paysage à contempler, ou à la quiétude d'un quartier où tous ses habitants s'entendent comme une grande famille ? C'est bien à partir de ces réflexions que le personnage de Chihaya sera amené à évoluer, et à enfin s'attirer la sympathie du lecteur.

Aussi, Akira Sasô dresse un certain message d'espoir par rapport à la dimension sociale de son récit. Avec le traitement de Chihaya, il oriente le regard du lecteur vers autre chose, il cherche à sortir celui-ci de sa routine pénible pour chercher à l'orienter vers des petits riens de la vie qu'il aurait manqué car enfermé dans sa propre situation désagréable. La richesse matérielle n'est donc pas grand chose du point de vue de l’œuvre, mieux vaut alors se concentrer sur ce que la vie a de plus beau à nous offrir.
  
  
  

HANA NI TOHITAMAE © AKIRA SASO 2014 / FUTABASHA PUBLISHERS LTD.

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Exydius

De Exydius [767 Pts], le 29 Septembre 2017 à 14h00

Un dossier qui donne vraiment envie de lire le manga :D

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