Lady Detective

Une héroïne de choc et de charme

D'abord, difficile de ne pas être marqué par Lizzie, héroïne radicalement différente de la vision des femmes que l'on pouvait avoir à l'époque.

Pendant que les autres Ladies de son époque se contentent d'apprendre le français ou le piano, elle souhaite encore et toujours approfondir ses connaissances, que ce soit en Grec, en Latin, ou même en algèbre...
Quand la plupart des femmes aristocrates se contentent de vivre dans l'oisiveté avec insouciance, notre héroïne, elle, se passionne pour les livres, et est elle-même une écrivaine à succès... Seulement, loin des romances et drames passionnels des autres femmes auteures de son époque, elle a préféré se spécialiser dans l'écriture de polars, et c'est entre autres dans ce cadre qu'elle s'amuse à  lever le voile sur les différentes enquêtes dont elle s'empare. Au fil de ces enquêtes, elle n'hésite jamais à aller à l'encontre de ce que voudrait la bienséance pour une Lady, par exemple en tripotant allègrement la scène du crime (au point de mettre son doigt dans la blessure du cadavre) dans le tome 1, et en faisant souvent diverses expériences de chimie qui normalement ne se prêtent aucunement à une jeune femme de son rang.

C'est en menant efficacement, à sa manière et avec un brillant esprit de déduction que la jeune femme met malicieusement  à mal toutes les convictions de son entourage (surtout Grey et Kenneth) sur la logique féminine et sur l'intérêt des femmes. A partir de là, elle attire tout le monde sur son passage : Grey est de plus en plus intrigué par elle au point de tomber un peu sous son charme, le si libre Archibald ne peut rien faire face à elle, est bien obligé de ses plier à ses désirs, mais finit par aimer plutôt ça, Kenneth lui-même est forcé de reconnaître ses qualités, Mycroft est amené à évoluer grâce à elle... Sans oublier, bien sûr, la stimulation qu'elle apporte à Moriarty, qui a enfin trouvé un adversaire à sa taille. Lizzie s'est juré de le démasquer pendant que lui s'amuse, ce qui nous offre une confrontation d'esprits supérieurs plutôt délicieuse.

Et, bien sûr, il y a Edwin, un homme qui forme avec elle un duo aussi plaisant que détonant. Car sous couvert d'être son majordome, le jeune homme est surtout un ancien avocat extrêmement brillant ayant eu 30 victoires consécutives. Beau et intelligent, il évite certains écueils et captive autant que Lizzie, principalement dans la manière qu'il a de se comporter avec celle-ci. Le lien entre les deux personnages lien  est d'abord visiblement loin de tout amour, avec une Lizzie qui déclare clairement ne pas aimer son majordome qui doit rester à sa place, et un Edwin veillant sur elle plus comme un grand frère et précepteur que comme un potentiel fiancé. Mais un lien néanmoins très étroit, comme le laissent entrevoir les premières informations sur le passé respectif et commun de ces deux être au parcours plutôt atypique dans la haute société londonienne... Mais cette relation ressemblant à celle d'un grand frère et d'une petite soeur, est-ce vraiment ce que veut Edwin ? La réponse, on la devine très vite, et leur relation intrigue alors souvent, et évolue joliment en évitant tous les gros écueils sentimentaux. Car de sentimentalisme, il n'est pas question dans Lady Detective.

Bref, avec son franc-parler typique, son intelligence, ses connaissances, sa façon d'aller vers le danger et de briser les règles établies, et sa manière délicieuse de retourner les situations à son avantage en menant tout le monde comme elle le souhaite et en jouant un peu les manipulatrices, Lizzie est un personnage qui ne manque pas de charme et de piquant, et qui remporte tous les suffrages.
  
  
  
  
  

De l'humour

Globalement, malgré les enquêtes, l'ambiance voulue par les auteures est plutôt empreinte de légèreté et fonctionne sur de nombreuses notes d'humour bien distillées.

Celui-ci peut être un peu bête, un brin noir (aaah, Lizzie et son doigt dans la plaie du cadavre), ou, surtout, se reposer sur les personnages.

En tête, il y a les relations de Lizzie avec les autres personnages, qui amènent souvent des situations comiques.

Ainsi se régale-t-on, notamment de voir la manière dont Lizzie manipule tous les hommes qui l'entourent, se jouant notamment de Kenneth ou d'Archibald pour les amener là où elle veut. Archibald est d'ailleurs un personnage heureusement moins agaçant qu'il aurait pu l'être : on avait un peu peur d'être irrité par ce cliché du séducteur, ce n'est pas finalement pas le cas, le bonhomme étant souvent un peu ridicule et ne faisant pas forcément le malin devant Lizzy. Quant à Kenneth, ses confrontations permanentes avec Lizzie amusent plus d'une fois, les auteures s'appliquant à faire ressortir avec beaucoup d'humour les dites prises de bec entre notre héroïne, qui a toujours le dernier mot, et A.R.K., héritier de la société de publication plutôt incompétent, bien plus intéressé par la littérature française que par les écrits anglais qu'il considère comme de la sous-littérature, et pourvu d'un esprit de collectionneur de livres qui confine à une énorme rivalité avec la jeune femme. Tous deux se renvoient sans cesse la balle dans leurs répliques cinglantes, ils se détestent un peu (surtout au début), et ça nous amuse !
  
  
  
     
  
De même, on s'amuse volontiers devant les malheurs sentimentaux des pauvres Edwin ou Grey, bien incapable d'assumer leurs sentiments face à une Lizzie qui n'en a strictement rien à faire. Ils feraient presque pitié par moment, et là aussi, ça entretient efficacement l'humour.

On peut également évoquer les quelques anachronisme et éléments loufoques que les auteurs balancent çà et là, un peu quand elles ont envie. Et entre les personnages nommés McMorning ou KFC, ou Lestrade qui ressemble à un Lego, ces petites notes "what the fuck" s'avèrent plutôt sympathiques.

En somme, Jeon Hey-Jin et Lee Ki-Ha ont le bon goût de ne jamais se prendre trop au sérieux, et ça fonctionne bien.