Kylooe - Actualité manga
Dossier manga - Kylooe
Lecteurs
17.50/20

Le rêve comme vecteur de sensations

 
 
    "Qu'elles soient joyeuses ou tristes, j'espère que mes histoires toucheront le coeur des lecteurs en leur donnant des sensations puissantes. Depuis toute petite, je fais des rêves à la fois inquiétants et agréables, plutôt de beaux rêves. Jusqu'à présent, je n'ai jamais réussi à exprimer tout à fait ces sensations avec un crayon. Je poursuis donc mes efforts pour parvenir un jour à représenter ce que je ressens dans mes rêves."
 
    L'une des caractéristiques majeure de Kylooe est sans conteste la puissance que peut dégager certaines scènes et les émotions qu'elles viennent provoquer chez le lecteur. Les exemples ne manquent évidemment pas, et l'on pourra notamment citer la fameuse scène dans Downhearted dragonfly où Kylooe se fait écraser par le taxi transportant les parents de Lanyue ou encore la dispute fantasmée par cette dernière quelques pages plus loin. Le choc est à chaque fois des plus violents et tranche de manière radicale avec la douceur que laisse, en apparence, transparaitre la série. Little Thunder ne fait pas les choses à moitié, et c'est d'ailleurs une façon de faire qui risque d'en rebuter plus d'un. Elle a, en effet, parfois tendance à frôler d'un peu trop prêt l'excès, la scène de l'enterrement dans Never been happy illustre cela à merveille tout en évitant malgré tout de franchir les limites pour s'en sortir, en définitive, avec un brio certain. Toujours est-il que l'intensité avec laquelle l'oeuvre parvient à nous transmettre son propos est tout bonnement impressionnante et témoigne, en quelque sorte, de la volonté de Little Thunder de transmettre un maximum d'émoi, d'excitation, de frissons. Cela, elle s'attache à le faire au travers d'une symbolique forte et marquée. Et si c'est parfois fait avec une légère maladresse, bien légitime compte tenu de sa jeunesse et des nombreuses choses qu'elle tente, il n'en demeure pas moins que, globalement, les claques que l'on se prend se révèlent être porteuses d'un plaisir presque absolu.


    Pour parvenir à ce résultat, l'auteure a bien entendu besoin de mettre en place des personnages capable de porter sur leurs épaules des histoires fortes tout en nous laissant la possibilité de ressentir de l'empathie à leur égard. Ce sera chose faite même si, par contre, il ne sera pas forcément possible de s'identifier aux différents protagonistes comme c'est souvent le cas. Little Thunder a, en effet, tendance à mettre en place des personnages atypiques évoluant plus ou moins largement en marge de la société. C'est particulièrement le cas pour ses têtes d'affiche féminines. Qu'il s'agisse de Lanyue ou de Ling Fei, elles font toutes deux figure de jeunes filles mal dans leur peau, devant faire avec une situation familiale compliquée et aux personnalités difficiles à cerner ou, justement, peu affirmées. Mais cela ne les empêchera pas pour autant de se montrer touchantes et vectrices des sensations évoquées par Little Thunder au travers de leurs actes et de leur façon d'être, que du contraire. Et cette constation s'amplifiera au fur et à mesure que l'on apprendra à mieux les connaitre. Chez les hommes, on se retrouve avec un Nath au caractère des plus prononcés tandis que Mile n'est encore qu'un enfant à la dérive dans un monde auquel il a les plus grandes difficultés à s'intégrer. Lin Sanyi, par contre, s'impose comme un personnage plus difficile à appréhender, plus subtil. Derrière ses apparences d'ado banal lorsqu'on le voit en compagnie de Lin Fei et son comportement légèrement antipathique à l'égard de Xiaohong, sa compagne actuelle, et d'Agu, son ami d'enfance, il dévoile à demi mot au lecteur les blessures qui le rongent quant à sa séparation avec Lin Fei et quant à sa situation actuelle. L'auteure abandonne là son habitude de nous jeter les choses au visage sans retenue pour jouer davantage la carte de la mélancolie mêlée à une pointe d'amertume. Bref, cela démontre la capacité de Little Thunder à nous faire parvenir un large panel de sentiments, de sensations et,ce, de manières diverses et variées. Cela permet, en définitive, à chaque histoire et à chaque personnage, tout en s'inscrivant dans une grande fresque générale, de forger sa propre identité et de transmettre quelque chose de distinct mais toujours entiché du même impact viscéral.


   
  
  

Le rêve comme critique sociale

 
 
    Au delà des personnages en eux-mêmes et de ce qu'ils véhiculent, Kylooe n'est pas non plus avare lorsqu'il s'agit d’épingler des problèmes de société et de mettre en avant les maux qui viennent gangrener notre monde contemporain. C'est, sans conteste, dans le troisième opus que cet état de fait est le plus flagrant, avec une critique acerbe et cinglante des dictatures et du manque de liberté d'expression qui est ici poussé à son paroxysme. Connaissant les origines hongkongaises de Little Thunder, on aura tôt fait de deviner que la Chine est l'un des endroits où elle aura plus que probablement été chercher son inspiration. Dans cet univers où exprimer la moindre émotion équivaut à commettre un crime, l'auteure dénonce, outre un manque évident de liberté, l'absurdité de certaines lois mais aussi le manque d'humanisme de ceux qui l'appliquent sans réfléchir à leurs actes. Si l'ensemble se montre un peu trop surréaliste que pour vraiment s'imposer comme totalement pertinent, il pousse néanmoins à la réflexion et offre de quoi alimenter les conversations.

    Le deuxième thème que couvrira Little Thunder de manière critique, et qui, là, reviendra dans chaque volume de manière différente, concerne le rôle des parents et, par extension les conséquences de leurs actes sur les enfants. Dans Downhearted dragonfly, Lanyue doit faire face à  une soeur modèle partie étudier à l'étranger. A la fois belle et intelligente, elle a les faveurs de ses parents qui sont prêts à tout pour elle, tandis qu'ils se montrent nettement plus froids envers Lanyue qui n'est, à leur yeux, clairement pas au même niveau. Celle-ci doit dès lors se contenter du minimum et le tracé de son avenir semble être des plus mornes. Et le fameux passage où ses parents écrasent Kylooe en est la métaphore parfaite : Comme évoqué auparavant, ils viennent la remettre violemment les pieds sur terre et détruisent la petite part de rêve et de magie qu'elle s'était créée au fond d'elle-même. Dans ce premier cas de figure, l'orientation que prend l'auteure penche presque exclusivement du côté de l'enfant. Dans Green tunnel et Never been happy, le propos sera plus nuancé et certains parents apparaitront sous un jour quelque peu meilleur même si, de manière générale, leurs tares sont mises en avant bien plus que leurs qualités. Pour revenir sur le troisième opus, Little Thunder conclut cependant sur une jolie touche d'optimisme qui s'inscrit une nouvelle fois bien dans l'évolution des rapports entre rêves et réalité dans le chef des différents intervenants.

    Enfin, Little Thunder s'attache également à développer les rapports entre ses personnages et ce, en dehors du spectre de la relation parents/enfants dont il était question auparavant. Dans les deux premiers opus de la série, c'est surtout l'indifférence et le manque d'allocentrisme dont les adolescents peuvent faire preuve qui sont mis en avant. Ce qui est ici intéressant, c'est le fait que l'auteure nous donne l'occasion d'être confronté aux deux cas de figure. Si Lanyue endosse le rôle de la victime, Lin Sanyi peut, lui, se targuer de jouer celui du bourreau même si le terme est peut-être exagéré. Toujours est-il que cela nous permet de constater que, peu importe la route empruntée, la destination finale est, en définitive, plus ou moins la même pour chacun. Autrement dit, des rapports branlants ne mènent guère à la sérénité et à l'apaisement, loin de là. Dans Never been happy, les choses tendent à se présenter différemment. Mile est dans un état où il accepte son statut car il n'a pas les cartes en main que pour réagir autrement, si ce n'est en se créant un moyen propre de lutter contre ce qui le dérange (son foulard). A l'inverse, Nath est à la base dans une situation où il est avant tout désabusé face à ceux qui l'entourent et aux réactions que ses actes peuvent engendrer, tout en gardant, malgré tout et au fond de lui, une étincelle d'espoir quant à un futur valant la peine d'être vécu, personnifiée en Léa. Il n'a dès lors plus de véritables interactions avec les gens en dehors de Mile avec qui il parvient à communiquer car celui-ci n'a pas encore été complètement façonné par la société qui l'entoure.
      
 

KYLOOE © 2010 Little Thuder / Kana - Dargaud

Commentaires

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Mlleyummy

De Mlleyummy [548 Pts], le 21 Avril 2013 à 13h56

16/20

Chacune de ces histoires me donne davantage l'envie découvrir cette oeuvre ! Ces histoires semblent être intéressant et traités sur un ton assez sérieux. De plus les couvertures de l'oeuvre sont sympa à regarder ! Rien que pour avoir lu le dossier j'attribue la note suivante...

Glacia

De Glacia, le 27 Octobre 2012 à 20h57

18/20

Très bon traitement des différents thèmes et sujets de l'oeuvre. Pour ma part mon préféré est le tome 1 puis les 3. Je n'ai pas vraiment aimé le 2...

Daigo

De Daigo [917 Pts], le 23 Octobre 2012 à 09h35

J'ai beaucoup aimé le premier tome, la lecture de ce très bon dossier me rappelle qu'il faut que je prenne les deux autres! ^^

Cassandra13

De Cassandra13 [1555 Pts], le 20 Octobre 2012 à 11h09

Ca me donne vraiment envie de connaitre cette oeuvre. Chaque histoire semble bien différente, et chaque sujet me plait énormément =)

titali

De titali [2269 Pts], le 19 Octobre 2012 à 20h08

18/20

Même si je n'ai pas spécialement aimé l'oeuvre, le dossier vaut en lui-même beaucoup de rêveries et de richesses!

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