Fleur venue d'ailleurs (une) Vol.1 : Critiques

Shôkoku no Kôshaku Reijô wa Tekikoku nite Kakusei suru

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 12 Décembre 2025

Après avoir publié simultanément, en septembre, les deux volumes du court et très sympathique light novel Une fleur venue d'ailleurs, les éditions Mahô ont lancé en langue française, il y a quelques jours, l'adaptation manga de celui-ci. Rappelons que le light novel d'origine, qui a pour titre original "Shoukoku no kôshaku reijô wa tekkoku nite kakusei suru" (qui peut être traduit par "La fille du marquis d'un petit pays se réveille dans un pays ennemi"), a été écrit par Syuu, fut illustré par Fujigasaki, et a été publiée au Japon par l'éditeur Shufu To Seikatsusha à partir de 2022. C'est en 2024 que l'adaptation manga, confiée à Mahoro Nishino (dont c'est la toute première série), a été lancée au Japon dans le magazine PASH!. Celle-ci compte deux volumes à l'heure où ces lignes sont écrites, et est prévue pour être une série courte en moins de dix tomes couvrant la totalité du light novel.

L'histoire de cette oeuvre se situe dans un monde fictif qui semble inspiré de l'Europe d'il y a quelques siècles, et démarre au sein du petit royaume insulaire de Saint-Rouant. Au sein d'un monde où une guerre fait rage depuis un bon moment entre l'Empire santoréen et la Fédération, le petit royaume a choisi depuis longtemps d'apporter son soutien à l'état impérial, mais risque à présent de le payer cher puisque le conflit a été remporté par la Fédération dirigée par Cecilio Bonifacio, un souverain sur qui courent les pires rumeurs: tyrannique, violent, coureur de jupons...
A première vue, tout ceci n'a pas de quoi concerner notre héroïne, Bertine: fille du Marquis de Juin qui n'est autre que l'actuel Ministre de Saint-Rouant et qui est reconnu pour ses nombreux talents, cette jeune aristocrate de 24 ans s'apprête à vivre un mariage normalement heureux avec Andrew, celui à qui elle a été promise. Et pourtant, tout vole soudainement en éclats pour elle lorsqu'elle apprend, par la bouche de son père qui n'a rien pu faire pour empêcher cela, qu'elle va devoir rompre ses fiançailles actuelles afin de se rendre à la Fédération où elle doit être offerte en réparation au fameux Cecilio. Face à la soudaineté de cette annonce, à l'injustice qu'elle représente et à l'incapacité de son prétendu fiancé Andrew de venir lui faire face, Bertine se résigne à son sort, ne serait-ce que pour ne pas nuire à son père qui a tant fait pour elle, et pour ne pas entacher le souvenir de sa défunte mère.
C'est donc avec pour seule compagne sa fidèle servante Dorothée qu'elle se rend jusqu'au royaume ennemi où, d'emblée, son changement de cadre de vie se fait sentir: son normalement futur époux Cecilio n'a en réalité aucunement l'intention de se marier avec elle, il est même absent quand la jeune femme arrive, et celle-ci se voit traitée très froidement par ses serviteurs... Quel avenir attend donc exactement Bertine dans ce pays a priori hostile ?

Semblant initialement jouer le coup classique de la pauvre jeune noble sans défense qui se retrouve entre les mains d'un odieux monarque avec tout ce qui peut s'ensuivre, Une fleur venue d'ailleurs va très vite déjouer cela au fil d'un premier volume qui, en reprenant très fidèlement la trame du roman d'origine, va tout compte fait nous emmener à mille lieues de ce genre de développement cliché, ne serait-ce qu'à travers son héroïne qui, loin de se laisser abattre et d'être cantonnée aux clichés de la petite bourgeoise, va au contraire rapidement tâcher de renaître, de trouver sa propre voie et par la même occasion sa place, le tout en ne se laissant jamais abattre. Ainsi s'installe-t-elle, avec sa servante Dorothée, en périphérie de la capitale de la Fédération Ivito pour, avec ses maigres économies, ouvrir une petite boutique d'accessoires qui va petit à petit devenir un véritable lieu de vie, d'échanges et de partages avec les habitants du coin, des personnes souvent modestes et ayant souffert de la guerre. Bien sûr, la noblesse de Bertine se ressent souvent, elle dénote un peu dans ce cadre, mais pas forcément de façon négative, loin de là. Car la jeune femme a en elle de quoi bouleverser son entourage: loin d'avoir été embourgeoisée dans un certain confort dont elle ne pourrait plus se passer, elle se révélera vite être en réalité à la fois une intelligente femme d'affaires et une personne très soucieuse de son prochain, en sachant récompenser les personnes qui le méritent et aider à combattre certaines injustices. Ainsi, dès les débuts de l'oeuvre, la jeune femme impose naturellement une belle force de caractère, une vraie volonté d'indépendance, ainsi qu'un esprit intelligent et avisé sur beaucoup de choses (elle a reçu une éducation stricte qui lui a permis d'acquérir beaucoup de connaissances, ça se voit, et elle sait en faire un bon usage dont les conséquences positives ne concernent pas qu'elle).

Dès lors, son parcours en pays "ennemi" devient rapidement prenant et assez inspirant... tout en tendant à déjà ne plus devoir se limiter à sa petite boutique et aux personnes qui la fréquentent. Car au fil des pages, Mahoro Nishino, fidèle au scénario initial de Syuu, s'applique à distiller tout ce qu'il faut d'indices et d'enjeux nous faisant comprendre que la situation sera très loin de se limiter à l'installation et l'acceptation de Bertine dans ce pays où elle a été envoyée de force. On le sent, Bertine est promise à un avenir plus grand, chose qui se ressent dès sa rencontre avec le fameux Cecilio, souverain qui risque de se révéler très éloigné des rumeurs néfastes qu'on a fait courir sur lui à Saint-Rouant et dans l'Empire, et qui met déjà entre les mains de la jeune femme des objectifs amples si elle souhaite pouvoir rester dans son "pays d'adoption". De plus, on nous fait déjà bien sentir que des choses plus louches et internes à Saint-Rouant se trament autour de la vraie raison ayant valu à Bertine d'être expédiée de force à l'étranger, les conflits de pouvoir n'étant clairement pas loin.

Revenons à présent un peu plus sur ce format manga en lui-même, où l'on pourra tout de même trouver le rendu visuel un petit peu lambda. C'est certes propre et toujours fluide graphiquement, mais aussi un poil trop lisse à la fois dans les designs de personnages, dans les vêtements, et plus encore dans les décors qui sont souvent basiques ou absents (Mahoro Nishino comblant très souvent le fond de ses cases avec des effets et trames classiques), ce qui reste un peu dommage pour un manga de ce type qui nous invite à voyager dans un monde fictif. En somme, c'est très fonctionnel, mais sans grande personnalité. En revanche, par rapport au light novel d'origine, on sent une très grande application dans les choix d'adaptation: tout est clairement mené, sans raccourcis... On sent que Nishino veut offrir une adaptation la plus soignée et fidèle possible, et c'est tout à son honneur.

A l'arrivée, on a un premier volume de fort bonne facture dans l'ensemble, car derrière le dessin un peu basique on a un travail d'adaptation soigné, où les enjeux et surprises se posent très efficacement, et où il est déjà addictif de suivre cette héroïne forte dans son genre, indépendante, intelligente et bienfaisante. Sachant que le meilleur reste évidemment à venir dans cette histoire, on suivra donc avec plaisir les volumes suivants de cette version manga, même s'il faudra être patients puisque, rappelons-le, seuls deux tomes sont sortis au Japon à ce jour.

Du côté de l'édition française, enfin, Mahô a bien pris soin d'être totalement cohérent, en offrant au manga le même logo-titre et la même traductrice (Lola Vendries, qui s'en sort très bien) que pour le light novel. A part ça, la jaquette est fidèle à l'originale nippone, la première page en couleurs sur papier glacé est un petit plus toujours agréable, le papier est à la fois souple, assez épais et suffisamment opaque, l'impression est correcte, et le lettrage de Jean-Baptiste Berges et de Cathie Massé est propre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction