Hideshi Hino - Actualité manga
Dossier manga - Hideshi Hino
Lecteurs
18/20

Panorama de l’Enfer


Synopsis


Le personnage principal et narrateur est un peintre fasciné par le sang, il utilise d'ailleurs le sien pour peindre tous ses tableaux. Il passe ainsi son temps à « créer de sanglantes peintures de l'enfer », selon ses propres dires, qu'il entreprend aussitôt de nous présenter...
  
  
  
  
  

Fiction et réalité


Pour la troisième fois dans ce dossier, nous allons parler d'horreur, sans doute de la pire sorte qui soit,  celle perpétuée par les hommes depuis la nuit des temps, et encore aujourd'hui.

Brosser un portrait particulièrement noir de l'humanité est chose constante dans les œuvres d'Hino, mais c'est véritablement avec Panorama de l'Enfer qu'il y parvient le mieux. Pour cela, l'auteur utilise un procédé simple dans la théorie, pas tant que ça dans la pratique. La narration virtuose d’Hino y parvient à la perfection.
Dans un premier temps, le narrateur nous narre son quotidien. On découvre ainsi le lieux où il vit : une demeure d'où l'on peut admirer une guillotine qui tourne à plein régime, une rivière de sang, un crématorium et un cimetière; et les individus avec lesquels il vit : une fille qui suit les traces de son paternel en dessinant à longueur de journées des scènes de meurtres, un fils friand d'yeux de porc et d'embryons de corbeaux, un frère qui n'est plus qu'un amas de chair difforme, une mère folle à lier et une femme tenancière de « l'auberge de l'enfer », dont les clients ne sont autres que les cadavres décapités du cimetière voisin...
Cette première étape, pleine d'immondices, extrêmement gores et tout à fait immorales, semble n'être à ce stade du récit qu'un amas d'horreurs et d'humour noir cathartique. Un défouloir qui frôlerait presque le ridicule.

Bien évidemment, Hino ne s'arrête pas là. Dans un second temps, son personnage entame l'histoire de son grand-père, de son père, de son frère, de sa mère, puis de sa naissance. Peu à peu, ce quotidien jusqu'alors  irréaliste est exagérément violent va s'ancrer dans notre réalité avec une vraisemblance bluffante. À termes, ces panoramas de l’enfer se révèleront être des portraits de l'horreur humaine, bien réelle.
Et force est de constater que l'auteur s'y prend avec brio. Tout d'abord en mêlant à son récit des éléments d'Histoire, puis en introduisant des éléments de sa propre biographie, à tel point qu'il est de plus en plus malaisé de faire la part des choses entre les éléments fictifs et ceux tirés de son passé. Le narrateur, comme l'auteur, a été conçu dans l’immédiate après-guerre, pour une naissance en 1946. Il a également, à l'instar de son créateur, dû fuir la Mandchourie avec sa famille dans des conditions effroyables, sous les bombardements chinois, au milieu des nombreux suicides collectifs. Il est également dit que le peintre a été conçu par un éclair ayant foudroyé sa mère à l'instant même où un champignon radioactif s'épanouissait dans le ciel d'Hiroshima, faisant de lui le fils de ce qu'il nomme « le roi des enfer », cette bombe meurtrière dont le concepteur n'est autre que l'Homme. Rejeton de ce déchainement de violence aliénante, industrialisée et ininterrompue, le peintre sombre dans la folie et entreprend de mettre en image cette horreur du quotidien, habille mise en abîme de l'auteur qui fait de même avec le manga en son entier. Dans un ultime sursaut de démence, le peintre décide d'assassiner tous les membres de sa famille (qui s'avèrent n'être que des pantins, ce qui met définitivement fin aux interrogations dues aux éléments irréels du récit, le conteur étant fou) et de se lancer dans un périple destructeur qui mettra fin à ce monde dans une immense gerbe nucléaire qu'il se fera un plaisir de mettre sur la toile, parachevant ainsi son œuvre. Le peintre projette alors sa hache ensanglantée vers le lecteur, faisant de lui la première victime du massacre à venir, et renvoyant ce dernier à sa réalité, exactement semblable à celle de ce peintre si fou, si lucide. Avec ce final où l'espoir n'a pas sa place, Hino achève de conférer à Panorama de l'Enfer un statut de fiction infiniment réelle, et de mise en garde.
  
  
  
  
  
Une critique de l'horreur humaine, encore et toujours. Notre réalité, faite d'atrocités se répétant sans cesse, est particulièrement bien mise en exergue dans le sang, la mort, la guerre et la folie dont Hino fait l'apologie pour mieux la dénoncer. Notre monde est perverti, et se perverti lui-même en une spirale ininterrompue qui ne cessera pas tant que l’on n’aura pas pris conscience et accepté nos erreurs passées, qui s'étendent et se perpétuent sur des générations. Hino, avec sa famille de déments qui dans son inconscience se réjouit des horreurs qui l'entourent, établit ici une métaphore de la société japonaise, et pointe du doigt cet état d'esprit particulièrement virulent au Japon, où le patriotisme aveugle trop développé empêche la reconnaissance de faits historiques établis dont ils sont les exécutants.
  
  
  

© Hideshi Hino

Commentaires

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far

De far, le 13 Juillet 2023 à 15h40

16/20

Hideshi Hino mérite qu'on parle + de lui.

Karakuri

De Karakuri [3196 Pts], le 10 Janvier 2015 à 15h51

17/20

Je ne connaissais l'auteur que de nom, il fait des oeuvres dans un genre qui m'intrigue depuis qqs mois. Ce dossier m'a donné envie de m'y intéresser. Merci.

J'aime bien ce genre de dossier sur des auteurs un peu particuliers et pas très vendeurs, ça incite à la découverte.

Leoo

De Leoo [969 Pts], le 11 Mai 2014 à 13h58

Merci pour les infos ;) je connaissais l'enfant inceste de vue , j'ai jamais été poussé à le lire ...
Sympa les produits dérivés ;) 

winipouh

De winipouh [2147 Pts], le 11 Mai 2014 à 10h44

19/20

c'est un bon dossier merci ^^

Dim12

De Dim12 [4930 Pts], le 09 Mai 2014 à 23h57

20/20

Très bon dossier, merci beaucoup !

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