En attendant lundi - Actualité manga
Dossier manga - En attendant lundi

Le cas Kaori Hiki


Mais tout en pensant à tout ça avec optimisme, notre héroïne constate également, après la rentrée suite aux vacances d'été, que quelque chose a changé depuis la rentrée: Hiki, la camarade de classe qui semblait si souvent embêter Tsukino, n'est plus accompagnée par ses "potes", qui semblent l'avoir lâchée, peut-être las de la voir toujours s'en prendre au jeune garçon. C'est donc seule que celle-ci continue de tourner autour de Tsukino... et face à ça, Mizutani ressent comme un sentiment négatif, sur lequel elle peine à mettre un nom. Pourquoi donc Hiki continue-t-elle seule de tourner autour de Tsukino ? Pourquoi donc Tsukino ne finit-il pas par se révolter un peu face à cette fille qui, selon notre héroïne, l'embête et lui a même pris son jeu vidéo préféré ? En laissant s'exprimer la colère qui naît en elle, Mizutani ne sait pas encore qu'elle fait peut-être fausse route, et que cette fausse route pourrait mettre en péril ses précieux rendez-vous du lundi avec Tsukino...



Dans le deuxième et dernier volume d'En attendant, une chose frappe donc en premier lieu, à savoir la prise d'importance très forte d'un personnage en particulier, à savoir Kaori Hiki. Alors qu'au début de la série on pouvait ne la considérer que comme une simple petite peste harcelant Tsukino avec sa bande de "sbires", celle-ci, dès lors qu'elle se retrouve prise à parti par Mizutani, va finir, petit à petit, par dévoiler son véritable fond: la manière dont elle considère Tsukino en réalité, la raison pour laquelle elle ne lui a toujours pas rendu son jeu... et, surtout, une vérité terrible, tragique, concernant son grand frère. Ce frangin que tant de monde semble admirer, qui est considéré comme un loubard et donc potentiellement comme une violente racaille, et qui s'est pourtant toujours montré gentil et attentif envers une petite soeur qui le chérit.

Hiki est alors un personnage que, au fil du tome, en particulier à certains moments précis, Tomomi Abe va nous inviter à redécouvrir sous un jour différent, plus nuancé. Mais il s'agit donc aussi de celle par qui l'amitié entre Mizutani et Tsukino va être mise à mal au point de mettre en danger les rendez-vous du lundi, dès lors que notre héroïne s'énerve contre sa camarade de classe au point de trahir l'une des promesses faites à son ami, le plus cruel étant que c'est précisément parce qu'elle s'inquiétait pour Tsukino que Mizutani a trahi cette promesse. Bien sûr, sous l'angle de Tomomi Abe, cette brouille a des buts bien précis, à commencer par la mise en parallèle des deux personnages principaux en tant que jeunes ne parvenant pas à s'adapter au moule "adulte" qu'on attend d'eux à partir du collège. Tsukino se considère comme un garçon qui est juste un peu excentrique et solitaire, mais finalement, qu'en est-il pour Mizutani ? Est-elle vraiment comme lui ? Après tout, son côté plus "enfantin" ou atypique ne l'empêche pas de garder sa fraîcheur, d'être sensible, d'être curieuse, d'être souvent bien entourée par ses amis et par d'autres camarades de classe qui apprécient d'être avec elle. Alors, ne serait-elle pas bien plus lumineuse et forte qu'elle ne le croit ?



Jusqu'au bout, des thématiques fortes


En filigranes, c'est alors un thème bien particulier qui devient plus central dans le récit d'En attendant lundi: la difficulté d'être au centre de sa propre histoire, comme le dit si bien sur le bandeau du tome 2 le talentueux Shûzô Oshimi, l'auteur des Fleurs du Mal et de Dans l'intimité de Marie vantant ici les mérites de la série en affirmant avoir été profondément ému face à celle-ci. Que ce soit Tsukino et Mizutani qui ne s'adaptent pas totalement au moule collégien de façons différentes, Hiki que l'on considère moins pour elle-même que comme la "petite soeur de", ou même son grand frère sur qui beaucoup ont sûrement une vision biaisée...



Mais bien sûr, dans tout ça, Tomomi Abe n'oublie jamais l'importance du lien entre ses deux personnages principaux, un lien certes mis à mal dans le deuxième volume, mais qui pourrait en ressortir d'autant plus fort et sincère, au gré des nouvelles avancées de Tsukino et de Mizutani, l'un ayant pu percer un peu sa coquille, tandis que l'autre affirme la voie qu'elle se trace sans rejeter ses désirs et sans s'isoler... Dans le fond, comme le dit la meilleure amie de Mizutani, n'est-ce pas ça que l'on appelle grandir ?

Une chose est sûre: jusqu'au bout, c'est bien par le prisme de leurs rendez-vous du lundi que nos deux jeunes héros évoluent encore, à travers des phases où Abe laisse à nouveau libre cours à des visuels pleins de poésie et d'imagination, portés par le fameux "pouvoir" de Tsukino, pouvoir sur lequel Tomomi Abe a même l'intelligence de brouiller les pistes (n'est-ce qu'un jeu d'enfant, ou existe-t-il vraiment ?), comme pour mieux titiller l'âme d'enfant qui est encore au fond de nous, pour un résultat assez touchant, et même teinté d'une forte mélancolie jusque dans ses dernières pages vraiment marquantes à leur façon.



La patte unique de Tomomi Abe


Pour accompagner tout ça, on a donc l'occasion d'enfin découvrir en France le style assez atypique et unique de Tomomi Abe, peaufiné au fil de ses années de carrière, et assez reconnaissable.

Il y a, entre autres choses, ses designs assez ronds, faussement simples et enfantins, qui peuvent demander un temps d'adaptation, mais qui sont surtout autant d'occasions de mettre en évidence un paquet de trouvailles visuelles.

Car Tomomi Abe fait partie de ces artistes qui aiment essayer un paquet de petites idées de mise en scène (à l'image des premières pages zoomant peu à peu dans le collège depuis l'extérieur), d'angles de vue originaux, de jeux d'ombre (ses deux héros devenant eux-même parfois comme des ombres), de contrastes blanc/noir, de métaphores visuelles (notamment avec les innombrables balles), de petites idées bienvenues comme la façon dont se reflètent l'environnement et l'entourage dans les grands yeux de l'héroïne...

En somme, il y a beaucoup d'inventivité, ce qui accompagne fort bien l'imagination enfantine préservée de Mizutani et de Tsukino.



Quant à la narration, en plus des remarques et des discussions bien écrites de nos deux jeunes personnage principaux, elle se pare également, régulièrement, d'un aspect plus poétique, plus mélancolique, à travers des monologues issus des pensées et observations de la jeune fille, ce qui colle vraiment bien au regard adulte que Tomome Abe (et, du même coup, le lectorat) pose sur une jeunesse, une innocence perdues.



GETSUYOBI NO TOMODACHI © 2017 Tomomi ABE / SHOGAKUKAN

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