Un récit évolutif
Si Alive a, au départ, tout d'un huis-clos, c'est finalement dans le registre du surnaturel un peu horrifique que le récit va ensuite donner, à partir du moment où vont se révéler la nature de la jeune femme et les objectifs de l'expérience menée par l'équipe de Kojima. L'auteur nous laisse éventuellement l'occasion de voir vite fait l'horreur de certaines expérimentations scientifiques à des fins militaires, mais le principal intérêt se situe ailleurs.
Tout d'abord, il y a le suivi de cette fameuse expérience menée sur nos deux hommes dans le but de réveiller l'agressivité en eux, que ce soit en essayant de les briser un peu psychologiquement ou de les frustrer sexuellement, chose qui fonctionnera bien mieux sur la brute idiote Gondô que sur Tenshû. Néanmoins, Tsutomu Takahashi, puisque son récit ne dure pas longtemps, reste vraiment en surface là-dessus, les différentes étapes de l'expérience ainsi que le cas de Gondô étant surtout là pour entretenir une atmosphère sombre et malsaine (que le dessin typique du mangaka, déjà très charbonneux et acéré à l'époque, rend fort bien), mais aussi pour souligner qu'à côté de Kojima ou de son codétenu Tenshû n'est pas forcément le pire, surtout quand on sait quel comportement admirable il a eu en prison, et quelles furent les circonstances exactes des meurtres qu'il a commis (l'occasion de faire comprendre, s'il le fallait encore, à quel point un viol peut briser la victime et son entourage).
ALIVE © 1999 by Tsutomu Takahashi / SHUEISHA Inc.
Mais surtout, il y a en filigranes un propos classique mais efficace autour de la vie, d'où le titre "Alive" par ailleurs. Sauvé de la mort, Tenshû est plongé dans une nouvelle vie où les différentes étapes sont autant d'occasions d'interroger la différence entre vivre et survivre: l'absence de notion de temps et de contacts extérieurs auraient pu le rendre fou sur la longueur (d'où son désir de revoir le ciel bleu), puis la notion d'immortalité qui finit par apparaître dans le récit aurait pu apparaître comme une aubaine... Seulement, est-il vraiment bon et plaisant de pouvoir vivre éternellement, mais en n'étant plus soi-même ?