Fake - Actualité manga
Dossier manga - Fake
Lecteurs
20/20

Plus profond que prévu ...


Comme beaucoup de yaois, on remarque rapidement que Fake ne se prend pas au sérieux, et qu’il n’est pas là pour rendre compte d’une réalité totale. Pourtant, à bien y regarder … L’intrigue n’est pas exagérée outre mesure, puisque la violence et le meurtre sont des problèmes bien réels, et pourtant elle est bel et bien présente, animant un peu la lecture d’un yaoi parmi tant d’autres. Le manga possède ainsi une partie « policière » qui, si elle ne révolutionne pas vraiment le genre du suspense ou du mystère, intéresse suffisamment pour ne pas nous abandonner au seul rôle des sentiments des personnages. Le cadre ainsi concret se montre étrangement tangible et crédible, nous accompagne dans une réalité qui fait vivre nos héros et peuple leurs journées. Cela permet alors également de mieux saisir certaines de leurs réactions, comme le malaise face aux actes les plus noirs de l’humanité ou la volonté de venger à tout prix une victime respirant l’innocence. Cela se voit dès le début, alors qu’après quelques pages seulement Sanami Matoh nous plonge dans un trafic de drogues, et montre à quel point l’attachement à ceux qui en subissent les préjudices est important. Vikky en est le parfait exemple, lorsque Ryo s’y attache et qu’il recueille cet orphelin sous son toit. Et, malgré l’humour qui peuple les pages où le petit garçon apparait, il y a un réel sens à cette décision pas si anodine. Notamment la responsabilité pour Ryo d’élever le jeune homme, qui se retrouve souvent au poste de police dans la brigade des mineurs pour des délits de moindre importance que son père adoptif ne peut laisser passer ! Si les enquêtes qui suivent sont rarement bien longues et peu approfondies, elles permettent de façonner une base solide à la relation de nos héros, sans tomber dans les prétextes ridicules que certains auteurs mettent en scène pour rapprocher leurs personnages ! Mettre deux personnages dans un même lit se base alors parfois sur rien, et c’est là où l’on apprécie la narration construire de la mangaka. D’autant que certaines histoires sont particulièrement pertinentes, avec des « méchants » au caractère crédible, parfois une personnalité travaillée et qui, de plus, durent parfois le temps d’un volume entier.

L’objectif du manga toutefois, derrière la couverture policière, c’est bien de rendre compte d’une relation la plus crédible possible entre nos deux héros ! Entre coup de foudre, hésitations, doutes, regrets et malentendus l’auteur utilise tous les artifices pour nous faire croire à ce qu’il se passe entre Dee et son coéquipier. Si tout semble arriver bien vite, il faut y comprendre le lien qui se tisse entre deux adultes, où des baisers n’ont pas forcément de grande signification. Du moins, pas autant que pour des collégiens. Ils sont simplement le reflet d’une attirance mutuelle, d’un indéniable rapprochement que Ryo ne sait pas bien définir. Par la suite, ce dernier aura du mal à aller plus loin avec son partenaire. Questions, doutes et hésitations se mêlent dans son esprit et il passe difficilement du stade des baisers au niveau supérieur. C’est ça, la réalité d’une relation qui se construit sur l’expérience commune, sur les épreuves à traverser et surtout sur les interrogations que l’on pose à propos de ses propres émotions. Ce n’est pas pour autant que le scénario s’en trouve appauvri et plein de sucreries étouffantes, au contraire : la mangaka lie l’action, l’humour et l’amour dans un cocktail globalement bien réussi. Les deux premières composantes sont omniprésentes, quand la deuxième s’échafaude par touches successives et espacées. La complicité qui nait ainsi entre Ryo et Dee puise sa force dans la connaissance de l’autre grâce aux flashs back de l’auteur, et dans le temps nécessaire à la maturation de leur amour : tout commence par quelques attentions, des paroles, plusieurs baisers … Mais longtemps, Ryo se pose des questions et hésite quant à sa réelle attirance pour Dee. Plus que l’homosexualité, c’est le problème de l’amour à sens unique puis de l’indécision qui est ici exposé. D’ailleurs, il faudra au jeune japonais le plus d’action possible pour stimuler ses sentiments, puisque la peur de perdre son compagnon est une thématique récurrente tout le long des sept tomes. C’est seulement grâce à l’adrénaline que Ryo se montrera démonstratif, quémandeur et satisfait, tout en oubliant les séquelles du passé. Si l’on parle beaucoup d’amour, c’est toutefois plus la composante même du sentiment qui est abordé, et non pas sa dimension homosexuelle. Au contraire de New-York New-York, Fake ne traite en effet à aucun moment du regard extérieur, du tabou et il n’est jamais question d’appel à la tolérance ou à la compréhension. Ce n’est pas un récit engagé, simplement une histoire d’amour, où l’amour a son importance d’autant plus lorsqu’il est compliqué à appréhender.





Pourtant, envers et contre tout, le point le plus profond du manga reste la psychologie, et notamment celle qui se développe autour du passé de nos héros. En premier lieu, leur évolution sentimentale. On aurait pu craindre un ton trop sérieux ou alors, au contraire, trop badin. Mais force est de constater que nous n’avons rien à craindre de ce côté-là ! Pour exemple, le conflit de baisers est amusant, léger, mais permet tout de même un avancement certain dans la relation principale. Ainsi, Ryo se rend compte de sa propre jalousie lorsque Dee embrasse quelqu’un d’autre, ce qui permet un bon en avant dans sa compréhension de ses émotions et de ses intentions … Malheureusement, les discussions sérieuses entre les principaux concernés sont toujours interrompues, pour ajouter en mystère mais également en lenteur à ce scénario amoureux, privilégiant toujours les urgences scénaristiques. Ce qui nous permet de découvrir peu à peu et très lentement les variations d’humeur de Ryo, qui avance pas à pas dans une relation jugée au départ comme impossible à prendre au sérieux. De nombreuses situations, comme le coup de froid de Ryo, leurs vacances communes ou le réveillon qu’ils passent ensemble, permettent aux deux protagonistes mais surtout Ryo de cheminer progressivement. Ce dernier a en effet beaucoup de mal à s’ouvrir, effrayé par la trahison ou l’abandon. Il ne parvient pas à avoir confiance dans les sentiments que lui livrent Dee, pourtant exprimés clairement, car il manque avant tout de confiance en lui-même. Se jugeant peu digne d’intérêt, Ryo se dévoile un peu plus au fur et à mesure et on découvre l’importance que son coéquipier a pour lui, au-delà d’une simple relation de travail. C’est dans une narration décalée qu’on retrouve le plaisir de la découverte, qui se trouve n’être ni inutile ni trop lourde, elle fait passer une idée et repart comme elle est venue …
L’auteur prend souvent la peine de situer ses histoires dans le passé des personnages, ou bien d’y faire allusion lorsqu’un élément du présent s’y rattache. Par exemple, Vikky l’orphelin rappelle à nos deux héros leur propre statut, tandis que la difficulté de son enfance nous évoque plus particulièrement Dee. On le connait très peu, et c’est donc un véritable plaisir lorsque la mangaka prend la peine de nous en parler un peu plus en profondeur. Les sentiments qui passent sont alors plus sincères, et amenés moins maladroitement, Dee se révèlant très humain, et Ryo étant durement confronté à ses attentes et son humeur changeante. Ce personnage est souvent associé à une narration sensible, drôle et sombre à la fois. On découvre avec plaisir sa motivation, don désir de justice et la force qui lui a permis de ne pas plonger plus profondément alors qu’il était au plus mal. Il est passionnant de voir combien Sanami Matoh apprécie ce protagoniste et lui offre une place très nostalgique et pleine d’une tendresse rugueuse, celle d’un passé des plus difficiles qui évoque pourtant joie et bons souvenirs. D’un autre côté, alors que Dee se joue beaucoup sur le passé, Ryo voit ses cauchemars remonter à son existence présente. En effet, certaines enquêtes nous amènent à la déchéance de Ryo qui, avec la présence indispensable d’un ennemi de premier ordre, réveille ses émotions ! Notre héros se montre incapable de se contenir, lui qu’on croyait si posé et sérieux. Il va perdre son sang froid, et sans l’intervention et le soutien de Dee, le jeune homme n’aurait rien pu faire contre sa rancœur. La conclusion est à la fois dure et heureuse, Ryo en ressort changé, la douleur lui fait faire des choses qu’il ne plébiscite pas d’ordinaire, et Dee reste égal à lui-même : amoureux mais pas profiteur. C’est un passage des plus forts et des plus émouvants, surtout quand après cela Ryo se remet beaucoup en question, notamment grâce au soutien de quelqu’un qui a une vision très personnelle de la vie et de l’amour. Dans ces moments là, les sentiments des héros comme ceux des protagonistes de l’enquête sont liés, leurs discussions apportent autant aux uns qu’aux autres, et une jolie morale nous attend sur la fin, non sans mal.



FAKE © Sanami Matoh/BIBLOS Co., Ltd.

Commentaires

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Aigakin

De Aigakin [4138 Pts], le 23 Septembre 2011 à 14h23

20/20

Fake est une très belle oeuvre et fort heureusement pour moi,j'ai eût la chance que qu'elle qu'un met en vente la première saison(7 volumes)en occaz. C'est dommage qu'il ne le réédite pas pour ceux qui désir l'avoir dans leurs collection. Perso,je le conseille au fan de yaoi.

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