Forêt magique de Hoshigahara (la) Vol.1 - Manga

Forêt magique de Hoshigahara (la) Vol.1 : Critiques

Hoshigahara Ao Manjuu no Mori

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 26 Avril 2024

Ce mois d'avril est notamment marqué par le lancement, aux éditions Rue de Sèvres, d'une toute nouvelle collection nommée Le Renard Doré et vouée à se centrer sur des mangas de tous formats, de tous types, mais toujours orientés vers le jeune public, et avec la promesse d'une grande diversité narrative et d'une qualité éditoriale rigoureuse. Cette volonté de diversité, on la ressent dès le choix des trois oeuvres inaugurant la collection, parmi lesquels on retrouve une mangaka restée bien trop longtemps absente en France: Hisae Iwaoka, autrice dont le style est tout en douceur et en poésie, que l'on avait découverte aux éditions Kana dès 2007 avec les jolis one-shot Yumenosoko et Hana-Boro, et que l'on avait retrouvée avec bonheur entre 2009 et 2012 avec son chef d'oeuvre La Cité Saturne.

La Forêt Magique de Hoshigahara est une série en 5 volumes que la mangaka a prépubliée au Japon de 2009 à 2015 dans les pages du magazine Nemuki+ des éditions Asahi Shimbun (magazine ayant aussi accueilli, entre autres, plusieurs récits de Junji Ito) sous le titre "Hoshigahara Ao Manjuu no Mori" (littéralement "La Forêt Aomanju de Hoshigahara", le titre français ayant donc eu la bonne idée d'ajouter une connotation plus merveilleuse qui colle bien à l'oeuvre).

L'histoire prend place à Hoshigahara, ville difficile d'accès car entourée par les montagnes, et ayant gardé par certains aspects un petit charme d'antan, d'autant plus qu'aux abords de la cité se trouve la forêt d'Aomanju, un lieu aussi mystérieux que merveilleux, où les croyances d'autrefois ne semblent pas s'estomper et prennent même vie ! Et c’est en ce lieu que vie Sôichi, un jeune homme qui, quotidiennement, cohabite en harmonie avec les esprits de sa maison et tâche autant que possible de venir en aide aux âmes qui en ont besoin.

La série vient donc s'inscrire dans une vaste et belle lignée d'oeuvres (en tête pas mal de productions du Studio Ghibli, pour citer les plus uniquement les plus connues) tirant parti de l'animisme, croyance selon laquelle toute chose à une âme. Cela peut aussi bien être les êtres vivants, les objets ou encore les éléments naturels, et ce sont d'ailleurs autant d'exemples de ces différentes choses qui viendront d'ores et déjà animer les pages de ce premier volume, de Thésaurine le très savant esprit de l'encyclopédie aux portes d'entrée de la maison de Sôichi qui ont acquis une conscience au fil du temps, en passant par une pierre divinisée, Jô le coq parlant qui recherche sa mère, un arbre vieillissant, ou encore l'envoûtante Brise qui, comme son nom l'indique, est une humanisation du vent. Sans oublier Mu, sorte de petite fille côtoyant constamment Sôichi et cachant sans aucun doute quelques mystères !

Et le parfum de mystère est précisément l'une des autres spécificités de ce début d'oeuvre: derrière la belle part de merveilleux, Hisae Iwaoka s'applique déjà, au fil de certains chapitres, non seulement à instaurer une certaine ambivalence chez les êtres peu communs côtoyés par Sôichi (certains sont très amicaux voire adorables, là où d'autres peuvent représenter une menace voire devenir dangereux), mais aussi à déballer à la fois un background tirant lui aussi parti de mythes et de légendes (ne serait-ce que celle contant les origines et l'Histoire de Hoshigahara) et des premiers petits approfondissement sur quelques personnages (Sôichi et Mu en tête). En filigranes, cela permet aussi à l'autrice de déjà esquisser un petit paquet de sujets, principalement autour des rapports très variables de l'humain avec la nature. Tout ceci contribue à offrir un récit plus profond qu'il n'y paraît, propice à certains réflexions, et où sont aussi distillées certains débuts d'enjeux plus personnels concernant les sentiments de Sôichi, l'avenir des habitants de la forêt, ou encore ce qui se cache au plus profond de celle-ci.

A cela s'ajoute la patte visuelle unique et bien reconnaissable d'Iwaoka, qui colle parfaitement à ce genre d'univers. Tout en proposant des designs ravissants dans leur rondeur et leur part de naïveté, la mangaka travaille impeccablement ses décors de la forêt comme de l'intérieur de la maison de Sôichi, donnant une impression bucolique et merveilleuse très immersive qu'elle renforce à chaque instant par diverses choses: la quasi absence de trames classiques pour laisser place à du remplissage plus minutieux, des vues profondes et sous différents angles, pas mal de petites trouvailles (ne serait-ce qu'un petit effet de flou sur une partie du corps de Sôichi quand il ouvre une porte vitrée)... Vraiment, c'est très soigné.

On a donc affaire ici à un premier volume de mise en place bourré de promesses, où Hisae Iwaoka distille très bien toutes les bases de son univers et de son ambiance, pour un ensemble qui ne manquera pas de plaire aux personnes réceptives à ce type de récit, grandes comme petites ! Rue de Sèvre et Le Renard Doré ne pouvaient sans doute pas mieux trouver pour inaugurer la collection en nous donnant une bonne idée ce qu'elle sera. Et pour parfaire le tout, la qualité éditoriale est au rendez-vous: le grand format se justifie bien au vu du travail graphique d'Iwaoka, le papier bien épais et assez opaque permet une très bonne qualité d'impression, le lettrage est soigné, la traduction assurée par Blanche Delaborde est très claire et bien dans le ton de la série, et la jaquette reste proche de l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs