Monster X Friends - Actualité manga
Dossier manga - Monster X Friends

Un Pokémon sanglant


Komikku n’a pas eu tort en présentant Monster X Friends comme un hommage à Pokémon, lorsque l’éditeur annonça la série dans son catalogue en juin 2016. En effet, tous les éléments qui entourent ces petites créatures, les Buddy, rappellent sans mal les monstres de poches développés par Game Freak. Voyez plutôt le concept : des enfants rencontrent des créatures qui leurs sont attitrées, des petits monstres mignons en apparence mais pouvant se transformer en bestioles bien plus imposantes, tout ce bestiaire étant doté de capacités aussi diverses que variées, pouvant manipuler aussi bien les éléments naturels que des facultés plus psychiques. Et forcément, les enfants en possession de Buddy ne vont pas attendre bien longtemps pour s’adonner à des combats entre créatures… Alors oui, d’une certaine manière, les digimon sont peut-être davantage ciblés par toutes ces similitudes, ne serait-ce par le principe d’évolution temporaire des monstres qui, ensuite, peuvent regagner leur apparence d’origine, ou tout simplement le fait qu’un enfant a un monstre qui lui est destiné de base, et ne peut s’amuser à en collecter par dizaines comme dans Pokémon. Pourtant, c’est bien aux monstres de poche qu’il est fait allusion dans Monster X Friends. Le design, parfois, renvoie à celui de pokémon bien connu, l’exemple le plus frappant est Electro, le buddy de Tsukasa Sanada qui non seulement possède certaines caractéristiques physiques de pikachu, mais manie aussi une électricité aussi ravageuse que celle de la souris électrique mondialement connue. Notons d’ailleurs que Komikku a bien compris ces similitudes si bien que dès le troisième et dernier opus, certains choix d’adaptation sont fait de manière à ce que certaines appellations de buddy renvoient illico aux monstres de poche, mais nous auront le temps d’étoffer ce point par quelques exemples ultérieurement.




Mais dans son manga en trois tomes, Yoshihiko Inui ne s’est pas contenté de développer un ersatz de Pokémon, bien au contraire. Comme s’il était grand fan de la franchise, ce dernier apporte plutôt sa propre vision de l’univers, une vision adulte d’abord marquée par la surenchère de gore. Cet aspect, particulièrement violent dès le premier tome, s’adoucit un tantinet dans le second avant de grimper de plus belle, crescendo, dans l’ultime opus de la série. Dans Monster X Friends, les enfants se font tuer, électrocuter, manger, déchiqueter… Le sang fuse à tout va et les tripes sortent des corps de la manière la plus appétissante qui soit, le tout bien souvent sous le regard alarmé de ce pauvre Wataru qui en voit de belles en trois volumes seulement. Mais alors, est-ce que le titre est un « Pokémon gore » juste pour satisfaire les fans adultes qui aimeraient un degré de maturité dans l’œuvre d’origine, ces mêmes fans qui reprochent peut-être au dessin-animé relatant l’histoire de Sacha de manquer d’audace et de sérieux ? Pas vraiment car dans les concepts de base qui entourent Monster X Friends, Yoshihiko Inui appuie une vision véritable des séries de monstres. C’est un semblant de crédibilité qu’il cherche à donner au genre, il montre que combattre à tout va avec des monstres n’aurait rien d’un jeu en réalité, et il ne faudrait qu’une fraction de seconde à un « dresseur » pour perdre la vie de la manière la plus atroce qui soit. De même, comment imaginer que de machiavélique bandit se contenteraient d’utiliser les créatures pour du business quand il est si facile pour l’humain de tomber dans la folie et d’utiliser son compagnon pour massacrer à tout va ? La question du réalisme, si on peut qualifier le sujet ainsi quand on parle de monstres de compagnie, est donc omniprésente dans Monster X Friends, on pourrait même supposer qu’il s’agit de l’aveu d’un fan qui a grandi avec ce genre de franchise mais qui rappelle les fans à l’ordre, cherchant à leur montrer que dans un monde plus crédible, nous serions loin d’avoir affaire à des visions si utopiques.


L’impact visuel de la série


Afin de faire ressortir tout ce gore et cette volonté d’un côté adulte dans une série de monstre, la patte graphique de l’auteur se devait d’être à la hauteur. Et justement, le dessin de Yoshihiko Inui a son importance tant il et à mi-chemin entre le trait enfantin et la vision réaliste du gore comme pouvait l’avoir, par exemple, le manga Battle Royale, dessiné par Masayuki Taguchi. Au premier abord, Monster X Friends dégage une ambiance plutôt mignonette. Les personnages ont un air rondouillard et, enfants qu’ils sont pour la plupart, se révèlent attachants pour la plupart, il est d’ailleurs difficile de ne pas se prendre immédiatement de sympathie pour le petit Wataru qui, vêtu de son short et de sa casquette, représente l’archétype de l’écolier timide et mignon à souhait. Il en va de même pour les autres personnages lorsqu’on aperçoit leur design de base, y compris les demoiselles qui vont office d’écolières aussi ravissantes. Pour la plupart, les buddy ne sont pas en reste puisque le mangaka cherche souvent à leur donner une première allure craquante, comme c’est le cas pour bien de pokémon sous leur première forme, Biff étant le parfait exemple tant l’accent est mis, dans les premiers chapitres, sur sa condition de petite créature innocente et attachante. Mais tous ces aspects sont là pour mieux piéger le lecteur car c’est en jouant sur ces caractéristiques de designs innocents, en les déformant notamment, que Yoshihiko Inui instaure la terreur dans son style graphique. Prenez alors les minois angéliques des personnages et agrandissez leurs yeux au point de les faire sortir de leurs orbites, attribuez-leur des faciès de véritables psychopathes et toutes les déformations que cela implique, et le design de Monster X Friends prend une toute autre ampleur. D’un trait mignonnet, l’auteur dépeint des enfants véritablement terrifiants, du côté des antagonistes notamment puisque les figures du camp des « gentils » garderont toujours cet aspect gentillet. Alors, quand les boyeux fusent au sein de la série, le contraste entre les deux aspects du dessin de Yoshihiko Inui devient une évidence, on ressent de manière évidente que le mangaka est parti volontairement d’un dessin attachant pour le rendre progressivement plus cauchemardesque. En ce sens, la descente aux enfers de ce simili de Pokémon est radicale et efficace, elle appuie aussi toute la vision de l’auteur qui tend à représenter les horreurs que pourraient provoquer le schéma du combat de monstre si on l’appliquait à un univers un peu plus crédible.




On peut ainsi dire que le style graphique de l’auteur est à la hauteur des ambitions de la série et de son message. Pour autant, il n’est pas exempt de défauts, que ce soit dans des personnages visuellement simplistes (Airi étant l’archétype de la brune au fort tempérament), aux buddy aux designs par toujours inspirés surtout en ce qui concerne les créatures des personnages secondaires, ou encore la narration parfois très confuse lors des affrontements, si bien qu’il n’est pas aisé de comprendre tout ce qui se déroule sous nos yeux dans les tomes deux et trois. Un bémol tout de même pour une série qui cherche aussi à montrer sa maturité par des combats de monstres plus grand spectacle…
  
  
  


© Yoshihiko Inui 2014 / Futabasha Publishers Ltd.

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