Serpent et l'oiseau (Le) : Critiques

Suzu Hebi Kyuuairon

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 19 Juin 2025

Les tout derniers jours du mois de mai ont été l'occasion, pour les éditions Taifu Comics, de publier dans notre langue un nouveau boy's love avec le one-shot Le serpent et l'oiseau, toute première publication française de Nna Natsuo, une mangaka également connue sous le nom d'Aoi Hazuki/Haduki pour ses oeuvres non-BL. Prépublié au Japon pendant l'année 2021 dans les pages du magazine Canna des éditions Printemps Shuppan sous le titre "Suzu Hebi Kyûairon", ce récit nous plonge au cœur d’un Japon d'inspiration traditionnel, et plus précisément au sein d'une forêt teintée de fantastique puisque les animaux peuvent y prendre forme humaine.

C'est dans ce cadre que Komazu, un moineau candide et intrépide à qui les proches ont toujours dit que les serpents sont leurs ennemis naturels, fait une rencontre qui va bousculer ses convictions: celle de Shiratô, un serpent albinos qui, loin de le dévorer comme il aurait apparemment dû le faire, n'en fait rien et lui sauve même la vie. De fil en aiguille, ces deux-là sympathisent, apprennent à dépasser leurs préjugés, se montrent rapidement très curieux d'en découvrir plus sur l'autre y compris au niveau de l'entrejambe via leurs modes de reproduction respectifs, et s'éprennent inévitablement l'un de l'autre peu à peu. Mais pour que cet amour puisse être vécu, il leur faudra affronter certaines épreuves, comme les dangers naturels communs à leur deux peuple, la façon dont Shiratô met en péril sa vie en refusant de manger des moineaux et autres êtres vivants, ou encore, bien sûr, le regard respectif de leur entourage puisque moineaux (proies) et serpents (prédateurs) sont censés se détester.

En environ 200 pages, Nna Natsuo parvient à condenser une intrigue dans le fond très classique en tournant autour de l'amour que se portent deux ennemis naturels et de l'acceptation par leur entourage, mais qui se révèle bien menée malgré sa brièveté. Pour ça, l'autrice peut compter sur un dessin assez doux et riche, où quelques planches sont certes un peu brouillonnes précisément à cause de leur richesse, mas où l'on retient avant tout la beauté des cadres naturels, et des designs aussi bien animaliers (suffisamment réalistes et mignons) qu'humains (assez fins, tendres et expressifs).

Totu ceci sert alors soigneusement une jolie petite histoire d'amour sur fond de découverte de ce qui est différent et d'acceptation face aux préjugés. Mais ce qui fait la principale force et particularité de l'oeuvre reste toutefois la volonté de la mangaka d'exploiter à fond son concept où ses personnages sont avant tout des animaux, ce qui passe par différentes spécificités (comme la mue du serpent), par certains comportements (à l'image de la parade nuptiale des moineaux), et même par le prisme de l'érotisme où l'autrice va jusqu'à détailles les spécificités des deux espèces en matière d'organes génitaux, ce qui pourra éventuellement troubler lors des quelques moments plus chauds, plutôt explicites mais restant néanmoins toujours assez naïfs.

Enfin, pour aller un petit peu plus loin, on pourrait trouver, dans les convictions alimentaires de Shiratô (il n'aime pas manger, et se sent mal à l'aise et coupable quand il est question de prendre des vies), un moyen de nous interroger sur notre propre rapport aux êtres que l'on tue pour en manger la viande.

A l'arrivée, on a là un boy's love qui, sans être bien neuf dans son fond, jouit de réelles qualités dans sa forme et dans le désir de Nna Natsuo d'explorer comme il se doit les spécificités de son oeuvre. Cela suffit amplement pour en faire une lecture appréciable !

Et côté édition française, on a une bonne copie de la part de Taifu Comics: la jaquette est très fidèlement adaptée de l'originale japonaise, le papier allie souplesse et opacité, l'impression effectuée en France chez Dupliprint est très propre, la traduction assurée par Océane Tamalet est claire, et le travail d'adaptation graphique et de lettrage effectué par Jeff.Mod est soigné.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction