La force avant la faiblesse - Actualité manga
Dossier manga - La force avant la faiblesse

La force, qu'est-ce que ça veut dire ?


Parlons maintenant de qui cible un autre public. Un public plus âgé dans le cas de la série suivante : la série « Intraitable » chez Rue de l’Échiquier.  Cette série revient sur le combat syndical d'un jeune cadre coréen qui, en se rebellant contre une décision de sa hiérarchie, se retrouvera à intégrer un syndicat et à défendre ses intérêts et celui de ses collègues. Ce combat ne sera pas de tout repos, car il faudra d'abord créer la force de contestation au sein de son enseigne. Créer un syndicat quasi à partir de rien, dans un pays qui n'a pas vraiment d'histoire syndicale, mais surtout des forces patronales qui n'hésite pas à utiliser les forces de l'ordre et surtout des mercenaires comme force de frappe. C'est un sujet social lourd, et qui montre vraiment la position des individus dans un véritable système qui les écrase. Et les effets de la désobéissance d'un seul homme peut amener à un véritable effet boule de neige. Mais est-ce suffisant devant la puissance d'une multinationale ? Le combat vaut-il tous les sacrifices ?


Le propos est en plus loin d'être manichéen pour le coup. Chaque situation est bien plus complexe qu'il n'y paraît. À partir du moment où la lutte demeure, cela devient une véritable partie d'échec. Il faut essayer de mesurer la force de l'adversaire, prévoir le coup suivant et surtout se rendre compte que chaque coup de notre côté pourra avoir une incidence. D'autant plus que si en théorie la loi peut-être de notre côté, ce ne sera pas forcément le cas des agents tenus de la faire respecter. Sans forcément être des ennemis, ils seront plutôt les garants d'un certain statu quo visant à éviter tout conflit « disproportionné » selon eux... Ajoutons à cela la dynamique intrinsèque de groupe d'un syndicat, dynamique sans cesse mise en danger par la peur des individus, leur envie d'une vie simple, sans combat, la peur de perdre une partie de leur salaire, leur emploi... C'est une lutte de tous les instants qui nécessite beaucoup plus une force mentale sur la durée qu'une vraie force physique. Et nos camarades sont nécessaires comme soutien moral, car quand même partent... Alors ça peut être le point de rupture.



Comme le dirait Gu Go-Shin : « Tout homme est mesquin et décevant par essence. Le combat n'oppose pas les gentils aux méchants. Le but est d'empêcher des imbéciles forts de maltraiter des imbéciles faibles. »


Ces paroles issues du tome 2 auront une portée bien plus tragique dans le tome 5, avec le suicide d'un homme poussé à bout. De même avec un employé des Fourmis qui, après des jours de harcèlement moral, finira par empoigner un couteau pour se venger de la parole de trop.


Le combat est nécessaire, mais dur et cruel. Car les deux côtés vont donner des coups bas, comme le fera notre héros à la fin du tome 5, pour protéger la cohésion de son groupe. Il appliquera ce qu'il avait reproché quelques temps auparavant à Go-Shin. Bref, dans ce manga, la force est nécessaire, mais bien fragile et elle peut s'avérer cruelle. En revanche, la faiblesse des individus, si elle est bien présente et déploré, elle n'est pas condamnée. Ce sera à tout un chacun de voir en fonction de sa conscience.


On peut aussi avoir le cas de « Criminelles Fiançailles », avec le personnage de Yoshino. Meilleur personnage féminin depuis un bon moment d'ailleurs, en toute objectivité bien sûr... Yoshino est une jeune fille assez banale si on excepte son grand père yakuza et tout son environnement plutôt criminel. Elle se retrouve parachuté à Tokyo, loin de sa ville natale, à devenir la fiancée d'un autre héritier de yakuza. S'il a l'air normal au premier abord, Kirishima est en fait un jeune homme un poil dérangé, violent qui ne cherche qu'à avoir un peu de frisson dans sa vie. Yoshino comprend rapidement qu'elle se retrouve seule face à cet environnement hostile, et cette déconvenue, elle décidera de frapper un gros coup pour moucher Kirishima. Cet événement nous permettra de découvrir la vraie personnalité de la jeune fille. Si elle nous paraissait être une lycéenne ordinaire, il n'en est rien. Elle n'a pas forcément de grande force physique, en revanche, elle est intelligente, rusée et surtout elle comprend parfaitement l'environnement mafieux. Après tout, elle y a toujours vécu. Elle n'attend plus rien de Kirishima et elle se contente de le côtoyer juste ce qu'il faut pour sa protection personnelle. Mais elle a des limites. Des limites qui conditionne sa vie, ce qu'elle expliquera clairement à son amie d'enfance, Sôma :


« Si on perd sa fierté et sa dignité, on n'a plus rien. C'est pareil qu'être mort ! »



Yoshino puise sa force dans sa fierté et sa dignité. Elle se battra bec et ongle pour les conserver, car elle estime ses deux qualités plus que sa propre vie. La preuve ? Elle n'a pas hésité une seconde à vendre son rein pour rabattre le caquet de Kirishima. Pour elle, tout signe de faiblesse serait synonyme de défaite vis à vis du jeune homme, et sa fierté ne peut pas lui permettre ça. Malgré son jeune âge, Yoshino est une femme redoutable, et c'est ce qui attirera ensuite Kirishima vers elle. À voir par la suite si cela suffira à la protéger de ce monde impitoyable dans lequel elle évolue...


Prenons un dernier exemple  : « Josée, le tigre et les poissons » . C'est l'histoire d'une jeune fille en fauteuil roulant rêvant du monde extérieur mais qui en a peur. Tsuneo sera engagé par sa grand-mère, et si les débuts seront compliqués entre eux, il la poussera à sortir, à découvrir de nouveaux horizons. Elle gagnera en autonomie, elle rencontrera une amie et aura même l'envie de vivre de dessins, tout du moins d'essayer. Sa rencontre avec Tsuneo sera le point de départ pour notre jeune héroïne. Sa faiblesse, autant physique que psychique, la paralysait et l'empêchait de vivre pleinement. Mais elle recommencera petit à petit à vivre quand elle décidera de l'abandonner. Petit à petit, pas à pas. Sa faiblesse sera toujours là, à guetter, mais elle fera tout son possible pour la faire disparaître, ou tout du moins à ne pas se laisser happer par elle. Elle puisera dans ses nouvelles relations, dans sa passion pour le dessin pour aller de l'avant, et elle se créera une véritable petite carapace. Et c'est elle finalement qui deviendra une force pour Tsuneo quand celui-ci connaîtra ses propres problèmes. Elle lui rendra la pareille en lui donnant la force d'aller de l'avant, tout comme il l'avait fait pour elle, auparavant.



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Voq

De Voq [678 Pts], le 05 Juillet 2022 à 16h32

Effectivement, encore un thème ultra vaste, qui peut être abordé de bien des manières dans les mangas ou la fiction en général. Et c'est probablement la partie du message la plus problématique à prendre isolément, parce que si on oublie l'idée qui sous-tend la citation, les dérives peuvent très vite survenir, à commencer par la loi du plus fort (alors qu'il serait plutôt question de trouver la force de s'y opposer). Même en s'intéressant à la question du point de vue des héros plutôt que de tous ces méchants qui cherchent à s'imposer par la force, je reste un peu partagé quant aux applications qu'on peut en trouver ici et là.

En ce qui me concerne, quand c'est pris de manière prosaïque (la force de battre ses adversaires), ce n'est pas forcément ce qui m'attire le plus : ce type de shonen, j'aime bien, mais pas à trop forte dose. D'ailleurs, puisqu'il est question du fameux Big Three, je n'ai jamais lu plus de quelques chapitres de Bleach, Naruto ou One Piece, c'est dire.
Mais voilà, ça peut me parler tant qu'il y a une « vraie » raison derrière tous ces combats. Suivre un certain deuxième idéal, notamment : « I will protect those who cannot protect themselves. » ;-) Ce qui me pose plus problème, c'est que souvent, on trouve aussi l'idée de prouver qu'on est le plus fort / le meilleur, indifféremment de toute notion de bien ou de mal, d'amitié ou d'inimitié. Alors c'est sans doute parce que je n'ai jamais eu l'esprit de compétition, mais j'ai vraiment du mal avec ce genre d'ambition. (D'ailleurs, si on va par là, je ne m'intéresse pas le moins du monde aux mangas de sport. Ni aux compétitions sportives IRL.)

Et du coup, le passage quasi obligé du tournoi, je m'en tamponne un peu le coquillard. Ça me donne juste l'impression de voir une lutte stérile, les personnages qui combattent sans véritable enjeu.
Dans Dragon Ball, ça passe parce que les personnages sont rigolos, mais ce ne sont vraiment pas mes moments favoris, et je m'intéresse alors plus à ce qui se passe en coulisses et dans le public qu'aux combats eux-mêmes. Et en même temps, je me retrouve à apprécier la mentalité de Goku qui cherche toujours un nouveau combat à remporter, non pas pour s'imposer comme le guerrier le plus fort qui existe (il s'ennuierait si c'était établi de manière définitive !), mais pour avoir une nouvelle occasion de se surpasser.
Dans Fairy Tail, des éléments d'intrigue ont beau s'y intégrer, le grand tournoi de la magie me paraît interminable ; et oui, les méchants qui essaient de prouver que ce sont eux les plus forts en faisant des trucs de méchants ont bien besoin qu'on leur remette les idées en place, n'empêche que dans fond, il s'agit ni plus ni moins pour nos héros de retrouver le statut de meilleure guilde du royaume. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il aurait pu y avoir un meilleur moyen pour eux de retrouver leur crédibilité.
Et encore, dans ces deux exemples, la tenue d'un tournoi reste cohérente vis-à-vis de l'histoire. Parfois, ce n'est même pas le cas : le coup du tournoi dans Jujutsu Kaisen arrive vraiment comme un cheveu sur la soupe, une croix à cocher dans le cahier des charges du shonen et peu importe si ça paraît complètement déplacé dans l'intrigue (d'ailleurs, c'est une série que je trouvais plutôt sympa au début, et qui au fil des tomes a fini par m'indifférer complètement ; j'ai arrêté les frais et revendu mes tomes).
Après, ça dépend aussi de la manière dont c'est fait : je me suis laissé prendre au jeu dans le deuxième arc de The Irregular At Magic High School. Déjà, un peu la même remarque que pour Dragon Ball, parce que les personnages et leurs réactions sont amusants. De plus c'est aussi une bonne occasion de les approfondir (personnalité et pouvoirs), ainsi que de développer l'univers. Sans oublier qu'il s'agit avant tout d'une tradition de l'école de magie, où les personnages font de leur mieux à situation donnée, alors qu'on a un protagoniste qui aimerait mieux rester discret quant à ses compétences. Dans le fond, ça m'était égal qu'ils gagnent ou perdent : bien plus que le résultat, c'était la façon d'arriver à ce résultat qui m'intéressait (le voyage avant la destination, héhé)... Mais bon, c'est l'exception qui confirme la règle : en général, les tournois, ce n'est vraiment pas ce qui me fait vibrer.

Un peu dans le même ordre d'idée, si je peux comprendre l'intérêt scénaristique d'une rivalité, qui va pousser les personnages à donner le meilleur d'eux-mêmes, dans les faits, le comportement des rivaux a plus tendance à m'agacer qu'autre chose.
J'en suis actuellement à une vingtaine de tomes de Kingdom (qui est un seinen, mais dont le protagoniste est l'archétype même du héros de shonen), et avec les origines de Shin, sa volonté infaillible de devenir général est admirable... mais je trouve assez pénible sa manie de toujours vouloir surpasser les autres. Quand il monte en grade et qu'il commence à y avoir des rivalités pour continuer à grimper les échelons, on aboutit parfois à des passages où j'ai surtout envie de donner des baffes aux personnages : vous faites partie de la même armée, avec le même ennemi, vous auriez de bien meilleurs résultats en collaborant plutôt qu'en vous tirant dans les pattes ! Au final, c'est celui qui donne le moins l'impression de vouloir devenir général qui s'en montre le plus digne (ce qui est probablement volontaire de la part de l'auteur, donc j'espère que ça va faire évoluer un peu la mentalité du héros). Je ne dis pas que ce n'est pas réaliste, au contraire, c'est juste que je trouve ça agaçant.
Quitte à se coltiner un personnage qui veut devenir le plus fort, je m'y retrouve davantage dans l'approche d'Orient - Samurai Quest, où Musashi cherche à se lier sincèrement avec les autres plutôt que d'essayer de trouver un moyen de les dépasser en agissant dans son coin (et pas uniquement parce qu'il n'a pas tellement le choix dans le contexte).

Enfin voilà, d'une manière générale, j'ai du mal à voir d'un bon œil cet acharnement à prouver qu'on est le meilleur, ou à le devenir. Je suis bien plus réceptif aux personnages qui se retrouvent en position de force soit parce qu'ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes, sans arrière-pensée... soit parce que ça leur est tombé dessus sans qu'ils aient voix au chapitre.
Dans Iruma à l'école des démons, le jeune héros n'aspire qu'à une vie tranquille, et au début de l'histoire, son unique point fort est une capacité exceptionnelle à éviter le danger. Quand un camarade se soumet et se met à l'idolâtrer après avoir subi une défaite, Iruma n'y voit pas l'établissement d'un rapport de force, il s'est juste fait un ami. Il finit par décider de devenir plus fort uniquement quand il se rend compte que c'est le seul moyen de protéger les autres, là où son talent pour la fuite ne protège que lui.
Dans Shy, le rôle d'héroïne est tombé sur Teru sans qu'elle le désire, et elle n'a absolument aucune envie d'être sous le feu des projecteurs, bien au contraire. Mais elle surmonte sa timidité maladive (sa faiblesse) non pas pour être vue comme une vraie héroïne (elle a du mal à se considérer comme telle), mais parce que c'est nécessaire pour venir en aide aux autres.
It's my life nous présente un ancien capitaine de la garde et jeune retraité dont l'ambition a toujours été de s'offrir une maison et d'y couler des jours paisibles. Sa grande force, il est tout prêt à la laisser au placard, et c'est le destin qui est bien décidé à ne pas le laisser en paix.
Bref, je trouve ce genre de protagoniste infiniment plus attachant qu'un fanfaron qui ambitionne d'être le plus grand / le plus fort / le meilleur dans quelque domaine que ce soit, et je vais prendre d'autant plus de plaisir à suivre ses aventures.

Après, encore une fois, tout dépend de la manière dont c'est traité. Si l'objectif est de devenir plus fort, même s'il ne s'agit pas de défendre une noble cause, la distinction n'est pas toujours très nette entre chercher à s'améliorer soi-même (un objectif louable) et chercher à être meilleur que les autres (une attitude que je ne trouve pas très saine). Et dans le premier cas, l'affrontement est alors plus un moyen de se mettre à l'épreuve plus que de chercher à s'imposer en vainqueur. C'est alors surtout une question d'état d'esprit, et la délimitation est parfois un peu floue... Quand en prime l'œuvre est manichéenne et pose son protagoniste comme un gentil sans équivoque, ça a tendance à m'interpeller.


Une autre approche qui peut être intéressante, c'est celle qu'on trouve par exemple dans Vinland Saga, où un personnage en vient à considérer que la vraie force, c'est de ne pas recourir à la violence et de chercher une autre voie... Pas si facile, surtout quand un passé sanglant se rappelle sans cesse à lui.

On en arrive alors à un autre type de force, qui s'éloigne de l'aspect physique / combat, et qui peut alors prendre de multiples formes.
Pour le coup, c'est un thème que l'on retrouve un peu partout, à différents degrés et de façon plus ou moins explicite. La force de surmonter les épreuves de la vie, de supporter la pression, de suivre ses convictions, de faire valoir son point de vue, de faire changer les choses, de changer soi-même ou à l'inverse de s'accepter tel qu'on est...
Et là, je dis chapeau pour avoir limité ça à trois cas particuliers, parce que pour ma part je n'ai pas d'exemple précis qui me vient à l'esprit... ou au contraire j'en ai beaucoup trop et ce commentaire va faire un kilomètre de long (déjà comme ça !) et me prendre du temps que je pourrais consacrer à me pencher sérieusement sur Metroid Dread ou à retourner sur L'Équateur d'Einstein, faudrait voir à ne pas exagérer !
...
En fait si, maintenant que j'y pense il y a bien un cas qui me vient à l'esprit, et qui a pas mal monopolisé mon attention ces dernières semaines (ça et le boulot, mais on peut laisser ce dernier de côté) : je sors de Trails In The Sky the 3rd, et il y était assez souvent question de force, et pas uniquement celle de venir à bout du donjon et de vaincre le boss final.
Je pense par exemple à un flashback de Kloe, qui entre au lycée en espérant trouver la force de vivre par elle-même et de suivre sa propre voie plutôt que d'être ballotée par les désirs des autres, surmonter sa faiblesse de « pauvre petite orpheline ».
Ainsi qu'à Schera, jeune recrue dans la Bracer Guild, qui s'impose de rester forte pour vivre une vie honnête, ne pas retourner à son existence d'enfant voleuse... sans se rendre compte que cette idée vire à l'obsession et pourrait bien la dévoyer d'une autre manière.
Ou encore à Tita, qui cherche la force de se confronter à Renne, non pas pour la vaincre mais simplement pour pouvoir lui parler sur un pied d'égalité et faire entendre ce qu'elle a à lui dire.
Sans oublier Kevin, qui est au centre de ce volet et qui devra trouver la force de surmonter un traumatisme passé avant de pouvoir envisager un avenir.
Et surtout... Agate aura-t-il la force de survivre à la tornade Erika Russell ?
Bref, en plus de combattre côte à côte, chacun aura son moment où il lui faudra trouver sa force intérieure ou s'interroger sur sa nature et ses objectifs. Si le jeu n'est pas le meilleur de la saga, j'ai bien aimé ces passages qui se concentrent sur les personnages et leurs défis personnels, sans forcément de lien avec l'intrigue plus générale.


Quant à The Elusive Samurai, le titre m'intéresse fortement, mais j'attendrai que la publication soit un peu plus avancée avant d'attaquer la lecture.

Sur ce...
Allez Samus, tu auras besoin de force pour échapper à la planète ZDR.
...Comment ça, ça dépend du joueur ?

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