Infirmerie aprés les cours (l') - Actualité manga
Infirmerie aprés les cours (l') - Manga

Infirmerie aprés les cours (l') : Critiques

Hôkago Hokenshitsu

Critique de la série manga

Publiée le Mardi, 18 Novembre 2014

A la naissance, il nous est attribué un sexe génétique qui en général correspond à l’apparence physique que l’on adopte. Seulement Mashiro Ichijo n’est ni fille ni garçon, mais un peu des deux. On appelle ça un hermaphrodisme congénital. Le terme a beau avoir de l’allure, vivre une telle situation n’est pas évident ! Mashiro, habillé, ressemble à un joli garçon aux traits fins, avec son large torse plat, sa grande taille et ses longues jambes fines sans formes caractéristiques. Mais le jour où le jeune homme découvre qu’il a ses premières règles, à cause des ovaires qu’il a sans conteste obtenues à la naissance … Jusque là facilement camouflable et oubliable, son problème refait surface avec violence. Lui qui voulait devenir un ado normal, voilà qu’il doit lutter contre la partie féminine qui l’habite, en allant jusqu’à traiter ses règles avec honte. Mashiro ne sait alors plus très bien où il en est, et cette question de l’identification à un sexe le travaille. Le même jour, une infirmière vient le chercher pour l’amener dans l’infirmerie du sous sol où, dorénavant, il devra se rendre tous les jeudis soirs. Elle entraîne Mashiro dans un cours après les cours, où il devra se chercher, se trouver, s’assumer, et passer par la porte qui le conduira hors du lycée. Mais pour cela, il faut passer par le rêve, trouver la clé de la porte, affronter les autres participants … Mashiro, déjà perdu dans son identité, le sera encore plus quand il découvrira l’affection que deux de ses camarades ont pour lui. Kuréha, une jeune fille enjouée et So, un lycéen renfrogné et coureur de jupons. De quoi perturber encore plus quelqu’un qui ne sait pas se définir …

Les premières impressions du manga se portent indéniablement vers les tourments amoureux de l’adolescence, dans un cadre de jeunes gens s’épanouissant vers le futur, intégrant les dimensions des relations, faisant leurs propres expériences. Le lycée est alors un lieu d’apprentissage de la vie, malgré les obstacles, les doutes, et les choses à comprendre pour pouvoir grandir. Une vision très adulte de l’adolescence, qui va continuer à toujours plus se différencier des habitudes. Un des points déterminant du manga, avec l’amour, bien évidemment, c’est le mystère dont Mizushiro gonfle chaque tome. Chaque révélation apporte une autre flopée de questions, nous faisant tourner en rond pendant longtemps. La première lecture de ce titre est un moment absolument déterminant, puisque c’est là où tout se joue. Bien sûr, il faudra le relire pour comprendre toutes les subtilités de l’auteur, se rendre compte que chaque détail a son importance et que les derniers tomes ne sortent pas de nulle part. Tout était prévu et calculé, à aucun moment on ne sent que les explications sont trop condensées ou vont trop vite, tant chaque élément de réponse se retrouve quelques tomes en amont, dans une parole anodine ou un plan un peu particulier. Le mystère qui règne sur le récit est donc inhérent au talent de conteuse de la mangaka, qui distille lorsqu’elle le souhaite des informations qui, à la première lecture, nous dépassent totalement. Sans oublier la violence, tant physique que psychologique, qui donne une dimension autrement plus évoluée et sordide à une narration alors passionnante. Un simple badaud vaguement intéressé pourra penser que l’Infirmerie après les cours n’est qu’un shojo aux personnages trop stéréotypés. Un lecteur de manga averti comprendra que, bien loin du cliché, les protagonistes illustrent une jeunesse actuelle, ses vices, doutes ou angoisses. Un récit de vie, une étape complètement remaniée et transposée en rêve. De la violence, de l’amour, du mystère, et un raisonnement très poussé sur l’âge adulte et les obstacles à franchir pour y parvenir. Dans ce shojo, rien n’est vraiment ce qu’il parait être, jusqu’à une école aux allures normales qui se révèle bien plus particulière que prévue. Une double lecture est nécessaire pour apprécier à sa juste valeur la splendide narration de l’auteur, qui ne fait que nous emmener où elle le souhaite.

Connaissant l’auteur, il parait alors évident que le succès et que le grandiose du titre ne se limitent pas à un scénario mené avec beaucoup de maîtrise ou à une dose de mystère, aussi bien amenée soit-elle. Les dessins de Setona Mizushiro sont pour beaucoup dans l’appréciation de ce titre. Déjà, son trait assez androgyne dans les regards et les expressions permet de créer un corps d’apparence masculine tout en lui prêtant une existence de femme. De même, on se trompe souvent sur l’identité de Mashiro selon ses agissements, grâce à la neutralité de son visage, bien loin d’un So viril et d’une fragile Kuréha. Ainsi, la mangaka marque la différence flagrante qu’il existe entre les personnages, sublimant son héros dans une attitude parfaitement adaptée. Qu’il embrasse Kuréha ou So, Mashiro est toujours très convaincant, et l’auteur fait parfaitement ressortir le peu d’importance qu’il nous faut attacher, nous lecteurs, à son sexe. De plus, on retrouve le paradoxe qui nous plait tant chez l’auteur, à savoir son expressive froideur. Elle parvient à faire exploser les sentiments de ses protagonistes tout en gardant un trait distant, esthétique mais rigide, parfois vide. Comme tout shojo, on s’attardera sur les beaux yeux de ces messieurs, bien que les demoiselles ne soient pas en reste, et sur la capacité à jongler entre visages rondouillards, détendus et traits déformés par l’émotion en quelques instants, sans jamais que le résultat soit comique dans un sens ou dramatique dans l’autre. C’est juste léger, anarchique juste ce qu’il faut même dans les découpages, bref, du Mizushiro. L’éditeur français Asuka, qui possède l’intégralité du catalogue de la mangaka, rend hommage à son auteur phare. La traduction est fluide, la lecture l’est tout autant, grâce à une adaptation tout à fait satisfaisante. On ne pourra par ailleurs qu’applaudir l’initiative de mettre ce petit bijou en avant, par deux offres de volumes collector, et une interview très instructive de Setona Mizushiro dans le dernier tome de la série. C’est là que l’on apprend les dessous du titre, notamment la fin était déjà programmée de longue date, et le fait que toute sa narration permettait d’y conduire le lecteur sans en avoir l’air.


NiDNiM


Note de la rédaction
Note des lecteurs
18.5/20

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

17.00,17.00,16.00,18.00,15.00,14.00,18.00,18.00,19.00,20.00

Les critiques des volumes de la série