Manga Sélections annuelles 2024, partie 1/2 : ce que l'équipe de Manga-news retient des nouveautés de l'année écoulée

Depuis 2010, chaque année, les membres de l'équipe MN s'appliquent, fin décembre/début janvier, à effectuer leur podium de l'année écoulée, présentant leurs meilleures lectures de l'an passé. Pour la 15e édition, on garde la formule installée ces dernières années !

Au vu du nombre d'excellentes sorties (nouveautés comme suites) en 2024, nous ne parvenions pas du tout à ne retenir que 10 titres... si bien que, une nouvelle fois, le choix a été fait de proposer un top 10 des nouveautés (tomes 1 ou one-shot sortis en 2024) à découvrir cette semaine, et un top 10 des suites/fins qui sera à découvrir vendredi prochain.

Cette année, 3 chroniqueurs ont participé: Erkael, Koiwai et Takato.

Erkael

Les années se suivent et ne se ressemblent pas ! Si l'an dernier je suis péniblement arrivé à un top 8, n'ayant pas découvert suffisamment de nouveautés marquantes, cette année 2024 fut à l'inverse riche en nouveautés, et le choix fut donc difficile! Certains ont du être mis de coté à contrecœur, peut être qu'avec un peu de recul, ces mêmes titres me marqueront davantage que ceux retenus, mais il fallait faire un choix, et comme souvent c'est celui du cœur avant d'être celui de la raison! Et à défaut de faire un top 15, je commence par les mentions honorables de titres qui auraient tout à fait pu se retrouver classés: Nine Peaks (pas mon genre à la base, mais très efficace); Remède impérial (du sous "Carnets de l'apothicaire", mais rafraîchissant); The God Slaying Demon King (excellent premier opus, mais je n'ai pas eu l'occasion de lire le second pour confirmer ou non la bonne surprise); DRCL (trois tomes inégaux, sans le deuxième, le titre était dans mon top) et Dragon Hunt Tribe (surprenant et intrigant...mais je suis incapable de voir dans quelle direction l'auteur veut nous entraîner).

1. Sou Bou Tei : Kazuhiro Fujita! La simple évocation de ce nom devrait suffire à justifier la présence de ce titre dans un top! En ce qui me concerne, ce nom me suffit amplement! Mais même une fois mis de coté l'aspect fanboy de l'auteur, force est de constater que Fujita nous délivre une fois de plus une masterclass riche en surprises et en rebondissements, avec une intrigue déjà malaisante et touchante en seulement quelques tomes! La joie de l'annonce de l'adaptation de ce titre en Français a suscité une attente qui a été récompensée par une nouvelle claque de l'auteur! Tout ce qu'il touche se transforme en chef d’œuvre...et donc un de plus!

2. Dragon Quest - The Adventure of Daï - The Hero Avan and the Dark Lord of Hellfire : Il y a quelques lignes j'évoquais un coté fanboy...on est en plein dedans avec ce spin off de la grande saga Dragon Quest - La quête de Dai! Avait-on réellement besoin de revenir sur la jeunesse d'Avan et sur son périple alors qu'on sait déjà tous quelle en sera la conclusion? Non! Est ce que j'attendais ce retour en arrière comme un gamin? Bien sur! Est ce que je prends autant de plaisir à lire ce titre que je l'espérais? Plus encore! Outre les multiples références, fan service à fond, on découvre des personnages plus attachants encore que prévu, une aventure bien plus riche qu'on pouvait l'espérer... C'est déjà un excellent titre pour ceux qui ne connaissent pas l'univers, mais c'est un vrai bonheur pour les fans comme moi!

3. The JOJOlands : Tout comme Fujita avec Sou Bou Tei, est il réellement nécessaire de préciser pourquoi ce titre se retrouve ici? Grand fan depuis des décennies de la mythique saga Jojo, bien avant l'adaptation en anime qui l'a fait connaître à un plus grand public, je lis et relis régulièrement les différentes parties de la saga! La huitième ne m'a pas spécialement emballé, j'ai aimé, sans en être bouleversé! Mais qu'importe, l'arrivée d'une nouvelle phase de la saga est un événement qu'on ne peut vivre que quelques fois dans une vie (en l’occurrence 9...mais en réalité beaucoup moins en fonction du moment de la découverte de la série...pour ma part j'ai découvert la saga après 2000, donc après le début de la partie 6)! Tout comme la huitième partie, pour être honnête, je ne suis pas comme un fou sur le début de cette neuvième phase, les personnages sont loin d'être aussi intéressants que ceux des précédentes parties, les Stands me paraissent bien peu intéressants également...mais qu'importe; les clins d’œils et les coups de génie de Araki suffisent amplement...comment ne pas être subjugué par un tel auteur? (qui j'en suis sur est un vampire!)

4. Versus : Cela aurait pu être un énième titre de fantasy, mais on trouve One au scénario, le papa de Mob Psycho et de One Punch Man! Et si je ne suis pas aussi fan des titres précités que beaucoup de lecteurs, je lui reconnaît un talent d'écriture et une faculté à créer des univers avec des concepts vraiment marquants! Et pour le coup le concept de Versus est absolument incroyable...cela parait tout bête mais personne n'y avait pensé avant One! De la fantasy, des méchas, des kaijus, des zombis, des références à l'attaque des titans, de la SF...tout ça rassemblé en un seul titre avec un scénario tout simple reposant sur des affrontements entre différentes menaces venant de différents univers! Sans aucun doute le titre (après Jojo) qui attise le plus ma curiosité et dont j'ai le plus envie de découvrir la suite!

5. Kindergarten Wars : La découverte la plus fun et la plus amusante de l'année! Sans aucun doute! Un univers à la John Wick, rempli d'assassins en tout genre, mélangé avec des délires façon Rumiko Takahashi, des meurtres présentés avec un graphisme tout mignon et rigolo, une intrigue se voulant sérieuse mais sans cesse tournée en dérision...un cocktail vraiment frappant et marquant! Au fil des tomes on commence déjà à y voir une redondance et peut être même le coté fun qui commence à se dissiper un tout petit peu, mais on ressent encore un potentiel incroyable sur ce titre!

6. Sand Land : J'étais toujours passé à coté de ce titre, je savais qu'il s'agissait d'une référence, mais il a fallu la mort tragique de Toriyama, l'adaptation de ce même titre en animé et en jeu vidéo pour que je m'intéresse à la réédition de Sandland! Pour le coup, ce n'est pas vraiment une nouveauté, mais je pense que beaucoup ont pu profiter de cette réédition cette année pour découvrir ce titre comme moi! Et force est de constater que bien que le titre soit très court (un seul volume), c'est un condensé de perfection! Tout y est excellent: les personnages, l'univers, l'intrigue, les rebondissements... C'est frustrant parce qu'on a envie d'en découvrir davantage, mais ce seul et unique tome suffit à nous faire vivre une aventure incroyable!

7. Crescent Moon : Fujita! Rien de plus à dire! Bon, ok, je développe un peu... C'est du Fujita! Tout y est remarquable! Pour son dernier titre en date, l'auteur se paye le luxe de revisiter le mythe de Frankenstein, pour nous offrir un retour au sein de sa grandiose série du Black Museum! Pour être tout à fait honnête, j'ai été déçu par le troisième opus, le dernier sorti, mais les deux premiers étaient tellement incroyables, que je ne pouvais pas ne pas mettre ce titre dans ce top! Et puis, même un génie comme lui peut trébucher une fois dans sa carrière! Il n'en demeure pas moins un génie!

8. The Bugle Call : Jojo ou les X-men dans un univers de dark fantasy! Que faut -il de plus pour avoir un titre excellent? Ou en tout cas un titre qui me parle et qui fait mouche sur le type de lecteur que je suis! L'idée de départ ne semble pas incroyable, des possesseurs de pouvoirs sont recrutés pour mener une guerre opposant plusieurs royaumes, certains possèdent des pouvoirs incroyables, d'autres moins étonnants...et tout va reposer sur la faculté à contrer ces mêmes pouvoirs! Rien d'original donc, pourtant l'univers, le ton sombre et mélancolique, l'originalité du pouvoir du héros font de ce titre une petite pépite qui fut l'une des plus agréables surprises de cette année.

9. Reflection : Au même titre que Fujita, Kei Sanbe fait partie de mes auteurs préférés, et tout ce qu'il touche devient là encore, pour moi, des chefs d’œuvre! Sa dernière série en date, possédant elle aussi une touche de fantastique, bien que courte, possède toutes les qualités auxquelles nous a habitué l'auteur: une narration et des situations intrigantes, des personnages forts et attachants, une ambiance pesante mais qui laisse entrevoir une lueur d'espoir au milieu de toute cette noirceur! Et puis un trait, que certains ne qualifierait pas de beau, mais tellement vivant, qui donne vie à des personnages incroyablement expressifs! Vivement sa prochaine série!

10. Le Palais des assassins : Au départ j'ai pensé (comme beaucoup je suppose) qu'il s'agissait d'un nouveau clone, en moins réussi, des Carnets de l'apothicaire! Mais rapidement le titre a su imposer son identité propre, avec un personnage principal qui, bien que possédant des points commun avec Mao Mao, se montre aussi très différent mais surtout incroyablement attachant! Ainsi au bout de quelques chapitres, on ne fait plus le parallèle, et on découvre cette intrigue soignée pour ce qu'elle est, devinant un potentiel remarquable! Là encore une des plus belles surprises de l'année...alors que je n'en attendais vraiment pas grand chose!

Koiwai

Voici déjà plusieurs années que, dans un marché français surchargé en nouveautés, il est devenu très difficile à la fois de suivre tout ce qui me fait envie... et de ne retenir que dix nouveautés sur l'année ! Car 2024 a, à nouveau, été une année riche en séries de qualité sur ce plan-là, si bien que je regrette de ne pas pouvoir faire apparaître ici LAND, #DRCL, Kotaro en solo, Be Blues!, Mission in the Apocalypse, l'essentiel Shinkirari, Helck qui fut ma bonne petite claque de ces derniers mois en manga d'aventure, les créations françaises Run to Heaven et Les Héritiers d'Agïone qui ont frappé fort sur leurs débuts, ACCA 13 que j'ai écarté à cause de l'état de son éditeur, JOJOlands que je n'ai toujours pas eu le temps de commencer... sans oublier Jimbôchô Sisters, Le monde dans leurs yeux, HER - Portraits de femmes ou encore 365 Days to the Wedding qui ont tous marqué le retour en France de mangakas que j'adore. Mais bon, il faut faire des choix, et les voici !

1. Sou Bou Tei : Mon amour inconditionnel pour Kazuhiro Fujita depuis presque vingt ans n'est plus à prouver: je considère cet auteur comme l'un des plus inventifs et comme l'un des meilleurs conteurs qui soient, tant on sent à chaque fois sa passion pour raconter des histoires et pour mettre en valeur l'imagination, dans un rendu graphique soutenu qui n'appartient qu'à lui. Après la sublime conclusion de Karakuri Circus en édition Perfect chez Meian, qui fut n°1 de ma sélection des suites/fins en 2023, j'ai forcément accueilli avec joie la double actualité du mangaka en 2024, avec Crescent Moon chez Ki-oon et Sou Bou Tei chez Mangetsu. Et si, à mes yeux, le premier doit encore confirmer ses très bons débuts, le deuxième m'a en revanche déjà totalement happé. Fujita installe d'emblée un univers original que l'on devine très foisonnant tant il y a de choses à y retenir, et pourtant tout nous apparaît toujours très clair derrière la densité permanente de la lecture. Sur un créneau plus teinté d'horreur que les autres travaux du maître (même si plusieurs de ses oeuvres ont déjà touché à l'horreur), il est impossible de ne pas avoir hâte de lire la suite de ce récit fou et bien pensé, et de voir ce qu'il nous réserve comme trouvailles.

2. The Blue Flowers and the ceramic forest : Honnêtement, si on prend en compte le fait que LAND et Jimbôchô Sisters ont échappé de très peu à mon top 10 et que She was'nt a guy a été une excellente surprise aussi, on peut dire que les éditions Mangetsu ont fait mon année 2024. Et si Sou Bou Tei est l'indétrônable premier, la nouvelle série de Yuki Kodama, mangaka que je chéris du plus profond de mon coeur, est l'indéboulonnable deuxième. L'autrice nous offre une tranche de vie adulte, romantique et artisanale à la beauté graphique enchanteresse dans son genre. Avec son dessin précis, clair et raffiné et son travail de découpages et de cadrages aux petits oignons, on la voit décortiquer avec passion ses personnages, leurs sentiments, et leur artisanat pour lequel il y a une précision du geste parfaitement rendue. En résulte la plus belle tranche de vie de l'année, au fil delaquelle cette mangaka de grand talent n'a aucune difficulté à nous emporter.

3. La règle de trois : En seulement deux séries (car n'oublions pas, aux éditions naBan, Vies d'ensemble qui aurait aussi pu figurer dans ma sélection), Fumiya Hayashi s'est immédiatement imposé comme ma meilleure découverte de 2024. Avec La règle de trois, série en deux tomes parue chez Sakka/Casterman, l'auteur nous offre une courte tranche de vie d'une grande subtilité, possédant bien des qualités : une construction scénaristique en or, une délicieuse atmosphère estivale tantôt douce-amère tantôt étonnamment lumineuse malgré le sujet de départ, de très belles trouvailles narratives et visuelles, et une écriture impeccable qui touche facilement. Au vu de cette toute première série de sa carrière, Hayashi s'impose pour moi comme un artiste à suivre de très près dans les années à venir, chose que Vies d'ensemble a immédiatement confirmée dans la foulée.

4. Les quatre frères Yuzuki : Les quatre frères Yuzuki, c'est la série que j'ai testée un peu sans trop y croire, juste par curiosité, et qui m'a conquis toujours plus, au point de me laisser gaga comme je ne l'avais plus été depuis ma découverte de L'Académie Alice il y a presque 15 ans. Même si j'espère que la fraîcheur de l'oeuvre perdurera sur la longueur, en tout cas ses premiers volumes, et en particulier le tome 2 qui est pour moi un modèle du genre, ont ravi mon coeur. Il s'agit d'un vrai bonheur de lecture dans sa catégorie, tant l'autrice y installe et développe intelligemment des personnages bien pensés, crédibles et immédiatement attachants, le tout dans une atmosphère souvent assez mignonne et, mine de rien, réconfortante malgré la situation initiale dramatique. Mais l'oeuvre ne s'arrête pas là, tant elle sait être riche en émotions variées mais aussi en jolis messages humains. Et puis bon, les liens unissant ces frères, ainsi que l'amitié naturelle liant Minato et Uta, sont ce que j'ai lu de plus lumineux cette année.

5. Les Noces de l'or et de l'eau : Autrice m'ayant conquis chez feu Kazé Manga il y a quelques années avec Spiritual Princess, Nao Iwamoto a fait un sublime retour en France grâce aux éditions Akata, avec cet épais one-shot brillamment mené. En plus de régaler dans son travail visuel très clair et frais où elle offre des designs ravissants et se fait plaisir dans sa mise en valeur de belles architectures, la mangaka livre une intrigue forte de personnages truculents et bien campés, de quelques rebondissements, complots et autres dangers efficaces, de deux personnages principaux sortant délicieusement des normes de beauté en se révélant pourtant très beaux dans un autre style... Surtout, elle dépeint dans une atmosphère souvent très légère, positive et même souvent drôle un récit anti-guerre, soulevant l'idée que les alliances, l'entraide et le travail ensemble pour s'apporter mutuellement des choses valent bien mieux que la haine absurde, les manigances politiques et la destruction pour s'accaparer les richesses de l'autre. Ai-je besoin de préciser que j'attends impatiemment sa nouvelle série Les 7 Chevaliers du Royaume des Marronniers, qui sera lancée par Akata dès les premiers jours de 2025 ?

6. Kore Kaite Shine : Manga à la réputation solide avant même son arrivée en France chez Panini, en ayant notamment remporté l'année dernière le prestigieux Prix Manga Taishô 2023 devant Akane-banashi, cette série nous invite à suivre des lycéennes dans leur désir de se lancer dans le manga. Rien de spécial jusque-là, mais c'est sans compter sur les talents, la passion et l'inventivité de l'auteur Minoru Toyoda ! Partant de ce sujet classique et déjà-vu, il séduit pour son approche de l'univers du manga pleine de fraîcheur, pour ses très nombreuses trouvailles visuelles mettant constamment en valeur l'ambiance emballante et les nombreuses vertus de l'imagination, de la création et de l'Art, et pour ses irrésistibles, hautes en couleurs et positives héroïnes. Et puis bon, quand on voit que le personnage de Sachi, ma GOAT de l'année, est une fan absolue de Kazuhiro Fujita et de Sou Bou Tei, comment résister?

7. Cocon : Les éditions IMHO ont démarré fort leur année 2024 avec la publication, en janvier dernier, de ce one-shot assez important, qui nous permet d'enfin découvrir en langue française le travail de Machiko Kyô, une autrice née en 1980 et qui s'est constituée une assez solide base de fans via son site et ses réseaux sociaux, notamment grâce à sa faculté à dépeindre des tranches de vie tantôt délicieusement légères tantôt très profondes voire dramatiques, en lui ayant déjà valu de remporter un petit paquet de récompenses. Avec Cocon, elle offre un récit coup de poing, devant lequel il est impossible de rester insensible, tant la tonalité et le style visuel adoptés par l'autrice frappent fort pour croquer, avec une émotion non-forcée, des portraits d'âmes innocentes bafouées par la guerre et par la folie humaine. A ranger directement parmi les incontournables du genre.

8. Asaki Yumemishi - Le Dit du Genji : Basé sur l'un des romans les plus révolutionnaires et complexes de son temps (si bien qu'il est souvent considéré comme le tout premier roman psychologique de l'Histoire), ce manga culte et indémodable est une adaptation incontournable au Japon, à la fois soignée, précise et immersive, et qui déborde de passion de la part de la mangaka Waki Yamato, l'autrice ayant à coeur de retranscrire toutes les nombreuses thématiques de cette oeuvre colossale, y compris ses aspects les plus dérangeants. Mais au-delà de l'adaptation limpide et riche que l'on attendait, le manga est également un exercice artistique saisissant, où chaque planche, chaque tableau de la mangaka est susceptible de ravir les fans. On ne peut donc que remercier Panini d'avoir pris le pari de publier en France cette pièce-maîtresse, d'autant plus que l'éditeur a bien compris que, pour une telle oeuvre, il fallait un travail éditorial à la hauteur !

9. Barbara - L'entre-deux-mondes : Particulièrement mise à l'honneur cette année en France (et il était temps ! ), notamment avec sa venue au FIBD d'Angoulême et la grande exposition qui lui a été consacrée, l'immense Moto Hagio est toujours suivie de près par les éditions Akata, comme en atteste la publication d'un autre de ses chefs d'oeuvre après Le Clan des Poe (qui figurait en bonne place dans mon top de l'année dernière) et son indispensable anthologie chez Glénat (qui a eu droit à une nouvelle édition en début d'année). Avec Barbara, l'incontournable mangaka propose une merveille de science-fiction complexe, aux multiples thématiques et portée par une esthétique saisissante. Il y aurait tant de choses à analyser après plusieurs lectures de cette pure folie SF tantôt onirique, tantôt plus cruelle, et toujours lyrique et maîtrisée, alors allons plutôt à l'essentiel: l'oeuvre est véritablement un morceau de choix dans la carrière de cette très grande dame du manga.

10. Comme une famille : Pour achever cette sélection, il me fallait obligatoirement caler cette oeuvre méritant d'être plus connue, d'autant plus que Shiba reste un éditeur indépendant encore jeune et dont certains choix sont vraiment intéressants et ambitieux (comme River End Café d'Akio Tanaka, qui a lui aussi échappé de peu à mon top). La mangaka Asou Kai, jusque-là surtout connue pour ses boy's love, offre ici une tranche de vie riche en émotion, à la fois très douce et réaliste, et s'appuyant sur l'une des meilleures héroïnes de manga de ces derniers mois (vraiment, il faut voir ses réflexions d'une justesse folle) pour aborder avec justesse, nuances et modernité nombre de choses autour de la notion de famille. Un manga qui touche, qui frappe très juste et qui mérite amplement qu'on lui laisse sa chance.

Takato

Avec cette année 2024, j'ai dû accepter une évidence : face au flot de nouveautés, impossible de lire tout ce que je souhaite. Beaucoup de titre me font de l'œil tandis que des œuvres déjà populaires mériteraient que je les lise, ne serait-ce pour rester à la page. Mais voilà : le manga a un coût, aujourd'hui très important étant donné l'inflation et certaines hausses de prix clairement abusives, tandis qu'il m'est difficile de pousser les murs de chez moi de manière à tout ranger convenablement. Alors, sélectionner mes lectures marquantes de l'année ne fut guère difficile. Non pas que les parutions proposées furent médiocres, loin de là, mais tout simplement que les choix qui s'imposaient furent synonymes de moins de découvertes, et par conséquent moins de coups de cœur parmi les nouveaux titres. Il m'a fallu rester cadrer, ce qui fut difficile, mais ne m'empêcha pas de savourer divers titres dans tous les horizons. Quelques regrets cependant : ne pas avoir eu le temps de me mettre à jour sur l'exceptionnel "Les Héros de la Galaxie", et avoir lu moins de shôjo que je ne le voulais ("Yona, princesse de l'aube" et "Chihayafuru" trônent sur ma pile à lire longue comme un gratte-ciel). De même, certaines mises à jour de lecture telles que Kengan Ashura ou Baki se font attendre... Peut-être l'année prochaine, avec une apparition dans le top de 2025 ?

1. Mobile Suit Gundam - The Origin : En termes de culture populaire nippone, Gundam fait partie de mes vieux amours. Ayant pleinement découvert la licence au collège, Gundam - The Origin m'avait déjà régalé par son ancienne édition. Voir un retour de l'œuvre était inespéré, et d'autant plus par son édition Deluxe. Il y a à redire à ce sujet, comme un prix exagéré de quelques euros et un étrange choix de lettrage en... Inde ? Malgré ça, relire les débuts de cette réinvention du tout premier Gundam par le maître Yoshikazu Yasuhiko, dans un superbe écrin, est un plaisir sans nom. Encore aujourd'hui, je suis étonné par la richesse de la série tandis que le mangaka y apporte un cachet indéniable. Gundam - The Origin, sans doute l'un des meilleurs mangas de SF et de robots géants.

2. Moto Hagio Anthologie : De la rêverie : De Moto Hagio, je ne connaissais que le nom jusqu'à l'année dernière. L'arrivée de l'autrice chez Akata fut l'occasion de la découvrir, et quelle découverte ! L'expérience la plus marquante de cette année fut certainement "De la rêverie", le deuxième ouvrage de son anthologie rééditée par Glénat. Amoureux de SF, j'ai été subjugué par la profondeur des histoires proposées et à quel point le trait de Moto Hagio se marie à des univers qui transcendent notre imagination. Pourtant peu adepte des recueils d'histoires courtes, force est de constater que cette grand dame du manga a totalement déjoué mes goût afin de figurer dans mes meilleures lectures avec une anthologie de one-shot.

3. Jésus : Encore du Yoshikazu Yasuhiko dans mes meilleures lectures de 2025. Il faut dire que le maître, longtemps absent de nos librairies, a profité d'un retour en grande pompe, notamment grâce aux éditions naBan qui ont fait de l'artiste une figure phare de leurs nouveautés de cette année. Sorti en fin d'année, Jésus est un récit qui m'a surpris par son approche historique plutôt qu'ésotérique. Véritable voyage initiatique et conte philosophique, l'ouvrage aborde une tonalité plus intime qui sied parfaitement à l'auteur, tandis que la colorisation totale de l'œuvre donne une autre dimension à l'art de "Yas", déjà phénoménal de base. Après cette lecture, j'ai admis qu'il serait scandaleux de ne pas voir l'auteur profiter d'une exposition chez nous dans les années à venir, et le FIBD serait un excellent lieu d'accueil.

4. #DRCL midnight children : C'est tardivement, durant l'été 2023, que j'ai enfin lu le diptyque "Innocent" de Shin'ichi Sakamoto, une oeuvre dans laquelle l'auteur m'éblouissait par ses personnages et ses élans narratifs plein d'inventivité. Ainsi, j'attendais son dernier né, #DRCL, avec une grande hâte. Les trois tomes proposés chez nous cette année furent aussi déconcertants que fascinants. D'abord troublé par un récit qui semble décousu, j'ai finalement été pris par l'imaginaire visuel de l'auteur dont le niveau est encore monté d'un cran, le tout en contant une histoire qui gagne en fluidité au fil des opus et qui déploient peu à peu des thèmes actuels et des personnages plein de relief. Je comprends cependant que la lecture, si particulière, ne plaise pas. Dans mon cas, force est de constater que #DRCL est l'une de mes meilleures découvertes de 2024.

5. Venus Wars : Troisième apparition de Yoshikazu Yasuhiko dans mon top personnel de l'année. Peut-être que la démarche peut paraître exagérée pour certains, mais elle atteste tout mon amour pour cet artiste polyvalent que je suis depuis ma découverte des films "Mobile Suit Gundam", il y a presque 20 ans. Troisième manga de sa carrière, "Venus Wars" s'impose comme un équilibre parfait entre son expérience sur Gundam et son art en tant que mangaka indépendant. Abordant la guerre entre humains dans un contexte de science-fiction, aux côtés de jeunes laissés pour compte expédiés dans un conflit qui les dépasse, le récit a la fougue visuel de Yasuhiko en plus de proposer un univers riche parsemé de drames poignants et de thèmes profonds. Une lecture puissante et prenante qui fut ma claque de cet été.

6. NINE PEAKS : En bon amoureux du genre furyo, je considère chaque sortie chez nous comme un événement. "NINE PEAKS" est sans conteste le récit que j'attendais le plus. A la lecture de son synopsis, je l'estimais comme un "Tokyo Revengers" plus terre à terre, et peut-être plus mature. Finalement, Tetsuhiro Hirakawa m'a surpris en proposant un récit très loin de celui de Ken Wakui et dont la dimension familiale flirte davantage avec "Retour vers le futur" dont le mangaka s'est inspiré. Il en découverte un manga où les bagarre entre voyous, avec la hiérarchie et les guerre de lycée que ça implique, côtoient la comédie familiale et une tranche de vie légère et agréable, pour un ensemble rafraichissant qui me séduit à chaque fois un peu plus.

7. L'Enfant en moi : Dès le départ, le manga de Aoi Mamoru me faisait de l'œil grâce à sa thématique centrale et ses couvertures froides et légères parfaitement ravissantes. Sur ses cinq tomes parus cette année, soit sa première moitié, la série m'a envouté de multiples manières. Emotionnellement, d'abord, car comment ne pas être marqué par cette situation et ses personnages finement écrits, dont les multiples facettes traduisent des perspectives qui ne tombent jamais dans le cliché ? A côté, "L'Enfant en moi" est aussi un récit particulièrement instructif sur le système japonais lié à la natalité. Une œuvre renseignée, donc, qui n'avance pas à la légère et qui profite de la délicatesse du trait de son autrice. La série émeut comme elle met un coup de pied à la fourmilière du patriarcat, ce qui fait du bien.

8. L'aigle écarlate de le yéti : Au départ, je n'attendais pas grand chose du récit de Shikayo Shirakaba, tiré des romans de Mashimesa Emoto, si ce n'est une lecture plaisante, au mieux rafraichissante. C'est d'abord par envie de soutien à l'éditeur naBan que je me suis saisi de cette nouveauté, avant que ce soit elle qui se saisisse de moi. Partant d'un postulat simple, le récit propose un dépaysement savoureux aux côtés de personnages marquants, via plusieurs petites intrigues où la romance ne se fait pas rare, tandis que la toile de fond est une ode aux cultures et aux coutumes, dans une tonalité bienveillante assez forte. En cette période de froid (même si celui-ci n'est pas intense), le manga figure dans les meilleurs challengers parmi les lectures à déguster sous un plaid, avec une boisson chaude. Une série cocooning par excellence qui fait un bien fou.

9. OUT : "OUT" est un furyo que je ne connaissais que de nom, et que je n'attendais pas spécialement. Mais force est de constater que la série de Tatsuya Iguchi et et Makoto Mizuta m'a totalement emballé dans sa proposition. Plus viscérale et frontale que "NINE PEAKS", pour citer l'autre furyo de mon top, "OUT" met très bien en scène un monde de l'ombre réunissant des laissés pour compte, certes dans un esprit de camaraderie où une forme de dignité se fait toujours présente, mais en moins chevaleresque et dans un esprit dramatique poignant. Le tout est magnifiquement sublimé par son protagoniste, Tatsuya, tiraillé entre le bon et le mauvais côté de la force à chaque instant. Derrière ses airs de manga de bagarre bourrin aux côtés de colosses bourrus, "OUT" est une série qui parle très bien de jeunes gens en perdition dans une société qui les délaissent.

10. The JOJOLands : Autre événement de l'année, et pas des moindres : le lancement chez nous de la neuvième partie du mythe Jojo's Bizarre Adventure ! On saluera notamment la politique de Delcourt/Tonkam à avoir multiplié les parutions autour de la saga de Hirohiko Araki, que ce soit à travers les romans et le Jojo Magazine, même si une relecture plus attentive serait bienvenue. Ce bémol éditorial mis à part, les trois premiers tomes de "The JOJOLands" sortis cette année amènent un cadre plutôt intéressant, aux côtés de personnages dont les personnalités mériteraient d'être davantage appuyées, mais dans une démarche assez nouvelle. Dans cette 9e partie, pas question de nous expliquer scolairement les Stands, car c'est au lecteur de comprendre leurs pouvoir. Le parti-pris fonctionne parfaitement avec les premières péripéties dépeintes et dans l'esthétique de l'auteur, toujours aussi unique. S'il est encore bien trop tôt pour juger cette nouvelle partie sur la durée, les débuts proposés sont enthousiasmant, indéniablement !