Retour sur la conférence des éditions H2T sur le manga français à la convention Jonetsu- Actus manga
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Manga Retour sur la conférence des éditions H2T sur le manga français à la convention Jonetsu

Dimanche, 15 Avril 2018 à 18h00

H2T et la création d'oeuvres originales


Lors de la convention Jonetsu, nous sommes allés à la rencontre de Mahmoud Larguem, le directeur éditorial des éditions H2T, d’Art Of K (Euterpe) et de Caly (Hana No Breath).

Dans une première partie de la conférence, Mahmoud Larguem nous a expliqué le fonctionnement de cette maison d’édition, un peu différente des autres.

Contrairement à d’autres, L’hydre à deux têtes n'importe pas de licences japonaises mais effectue un véritable travail de création manga en éditant des auteurs locaux.

Ces auteurs français, italiens ou parfois venus d’Amérique, ont peu, voire, très peu publié dans leur vie d’un point de vue professionnel. H2T cherche donc de nouveaux auteurs qui ont été influencés par le manga et qui peuvent l’utiliser en tant que « meilleur vecteur possible pour exprimer leurs idées ».

Parmi les nombreux dossiers d’édition reçus, se démarquent ceux qui ont des idées originales et qui expriment la personnalité des auteurs.

« Si c’est pour proposer l’histoire d’un mec avec un chapeau de paille qui veut devenir le roi des pirates, il se trouve que ça a déjà été un peu vu. »

La maison préfère les sujets plus personnels et plus intimes mais cherche aussi à savoir si le manga peut durer dans le temps et jusqu’où l’auteur peut aller dans le raisonnement de ses personnages.

En plus de ces propositions, elle va, elle-même, au-devant des auteurs lors des conventions, sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) mais aussi sur les sites spécialisés (Deviantart, Patreon, Tipeee.com).

Quand un contrat est signé, un vrai travail collaboratif commence afin d’optimiser la production. H2T cherche à s’adapter à ses auteurs, qui par exemple choisissent le sens de lecture qu’ils préfèrent pour leur création.

Des conseils sont aussi donnés aux mangakas, car les ajustements et les aller-retours entre l’éditeur et auteurs font partie intégrante du travail de création.

A gauche : Premier jet. Au milieu : proposition. A droite : Second jet.

Bien sûr, la maison doit également faire attention au manga dans sa finalité et prendre garde à des éléments techniques (impression des trames…). Elle fait aussi attention à ce qu’une illustration majeure ne se retrouve pas coincée dans le pli ou à ce que la typographie soit sensiblement la même durant toute la durée du manga afin que l’œil n’ait pas à faire un travail d’ajustement continu.




Comme nous le savons, le Japon a la chance d’avoir un système de prépublication. En France, la maison d’édition H2T a mis en place un système de prépublication similaire sur internet : Weeklycomics.

Comme au Japon, c’est un système participatif où les lecteurs peuvent réagir aux chapitres publiés et voir l’avancée des mangas. Le fonctionnement de ce site n’est donc pas auto-suffisant, il a besoin d’être relayé sur les réseaux sociaux pour pleinement fonctionner.



Présentations des auteures


Art of K :

Bonjour, je suis Art of K ou Emilie, auteure de Euterpe aux éditions H2T. Je n’ai pas du tout fait des études d’illustration ou de bandes dessinées. Je suis issue d’un cursus de graphisme multimédia et web design donc je fais plus de la programmation, du graphisme et un peu d’animation. Mais j’ai toujours aimé faire des conventions comme Japan Expo, Paris Manga et compagnie. Avec des amis on a fait des fanzines et grâce à cela on a pu s’étendre sur plein de conventions et c’est comme ça que j’ai été repérée par les éditions H2T.

Ils m’ont demandé de faire de mon one shot de soixante pages une série en deux tomes. Deux tomes, cela fait presque 200 pages par tome, ça fait 400 pages, à l’époque j’étais étudiante et je ne savais pas si j’allais avoir du boulot. Finalement nous avons réussi à nous mettre d’accord et ça s’est bien passé.

Euterpe est l’histoire d’un jeune pianiste qui à la mort de son grand-père devient un peu dépressif. Il décide de se rendre là où vivait le défunt, la maison de son enfance, pour se ressourcer. Mais il se rend compte que ce dernier avait pris une nouvelle assistante. Avant sa mort il a caché son héritage et les deux jeunes gens doivent s’aider pour le retrouver.

Il s’agit d’un Josei, un genre qui n’est pas très représenté en France où on a plus de Shôjo, de Shônen et de Seinen. Mais je n’en dirais pas plus sur l’histoire.

J’ai choisi la musique parce que j’ai fait 10 ans de conservatoire, en piano. Je connaissais la pression des concours, la pression des professeurs aussi, le fait de pouvoir essayer de s’exprimer au travers de la musique même si on n’y arrive pas.  J’aimais aussi dessiner alors j’ai voulu combiner les deux.


Mahmoud Larguem :

On a une illustration de ce qu’on disait tout à l’heure, il y a le côté personnel et intime des histoires qui nous touchent. Ce n’est pas systématique, on ne choisit pas forcément des séries qui sont des thérapies ou des catharsis pour les auteurs même si parfois ça en fait partie.  En tout cas quand on ressent une émotion qui passe à travers l’expérience personnelle des auteurs parfois l’effet est fantastique, y compris pour le lecteur. Merci beaucoup, nous passons maintenant à Caly.


Caly :

Moi c’est Caly. Alors, j’ai toujours dessiné, quand j’ai découvert les mangas, j’avais envie de créer des histoires. J’ai commencé à l’âge de quinze ans une série que je continue encore aujourd’hui qui s’appelle Maho Megumi. Je n’avais pas d’éditeur mais ça me plaisait beaucoup de la continuer. Quand j’étais au cinquième tome j’ai été repérée par la maison d’édition H2T, ils m’ont proposé de commencer l’aventure avec eux. J’avais beaucoup de projets et l’un d’entre eux était Hana no breath. Je l’ai proposé pour voir si ça allait passer et c’est passé.

Hana no breath c’est une histoire d’amour. Azami (l'héroïne) est amoureuse d’un garçon de l’école qui s’appelle Gwen. Le jour où elle veut lui faire sa déclaration elle l’attend devant le vestiaire mais comme il tarde elle décide d’aller voir et se rend compte que Gwen est une fille. Elle va devoir se remettre en question par rapport à cet idéal qu’elle s’était fait.

Hana no breath était l’une des histoires la plus aboutie que j'avais. J'avais déjà écrit plusieurs chapitres mais que je les ai complètement refaits pour la version éditée. Cela m’a permis d'avoir une meilleure maitrise des personnages ce qui n'est pas toujours le cas quand on commence une série. On a l'impression de les maitriser parce qu’ils sont dans notre tête, mais entre ça et le fait de les maîtriser parce qu'on les a beaucoup dessinés, il y a quand même une marge selon moi.

Pour cette série je savais à quoi ressemblaient mes personnages, j'ai l'habitude de les dessiner et de les voir interagir entre eux. Je pense c'est ce qui a fait que j'ai pu faire cette série.



Temps d’échange avec le public


Pour la partie édition, c’est par rapport à la traduction des textes, comment ça se passe ? Comment contactez-vous les auteurs ?

Mahmoud Larguem : Le prérequis c’est d’essayé de ne pas être trop nul en anglais. Il se trouve que par mon parcours je suis capable de parler plusieurs langues.

Il y a 15, 20 ans de ça, l’Italie était, à la place de la France, le deuxième pays consommateurs de mangas dans le monde.  C’est un endroit où les talents foisonnent alors je voulais commencer par là. Le but ensuite était de s’étendre sur le marché européen et au-delà à l’Europe.

On reçoit les textes dans la langue d’origine et on les traduit en français mais si on édite en russe par exemple, on va plutôt parler en anglais avec l’auteur.

Le but étant, quand on a la chance d’avoir des auteurs de créa, on peut faire ce que fait le japon. On peut faire rayonner leurs œuvres dans leur pays d’origine. Le but c’est que les gens puissent avoir accès à la lecture de leurs mangas à eux même si pour le coup ils sont d’abord disponibles en France.

C’est vrai que nous n’avons pas encore parlé du début sur ce qu’est un manga français… Un manga français est-il forcément fait par un français ? A mon sens non. Est-ce qu’un manga japonais est forcément fait par un japonais ? L’histoire nous montre que non, il y a des auteurs qui sont d’origine coréenne, comme Boichi par exemple qui est un coréen parti s’installer au japon. Il n’est pas le seul dans ce cas.

Nous on regarde en termes de lectorat, notre création est de prendre des œuvres internationales pour le marché français ensuite les œuvres repartent dans leur pays d’origine. C’est ensuite au travail de l’éditeur local de prendre le relais.


Comment nommez-vous vos personnages ?

Caly : Je vais sur quelprenom.com [Rire] … Plus sérieusement, je me demande si le nom va avec la personnalité de mes personnages, mais c'est dans un second temps. Parfois, un prénom est évident, je ne sais pas pourquoi c'est l'inspiration. Sinon j'ai une liste de prénoms que j'adore et comme j'ai énormément de séries je les mets sur Excel.

Quelquefois je me dis que j’ai beaucoup de personnages en A ou en B. J’ai beaucoup trop d'histoires et de personnages.

Art of K : Moi c’est complétement différent, je cherche un nom qui puisse sonner juste pour qu’un enfant ou qu’un adulte puisse le lire et le retenir facilement. C’est pour ça que dans Euterpe le personnage principal s’appelle Jon. Je n’ai pas cherché plus loin car dans n’importe quelle langue, il sera prononçable. La fille Kal, il y a une raison qui sera révélé dans le tome deux, pas de spoiler. Mais en même temps je voulais un prénom qui marque. Kal, pour une fille c’était beaucoup plus intéressant, son caractère est très explosif.

J’avoue que je trouve souvent mes prénoms à la dernière minute, c’est toujours à 2 ou 3 heures du matin, quand mon cerveau est en mode « veille » que je trouve. C’est comme un enfant, tu t’habitues ensuite.


Est-ce que vous arrivez à vivre de vos mangas ?

Art of K : Disons que ce n’est pas une obsession [Rire] On aimerait bien mais dans l’état actuel des choses c’est très difficile. Si vous êtes un peu sur les réseaux, on peut voir à quel point c’est dur pour un auteur de BD d’en vivre, alors avec une seule série, en plus c’est notre première série et une maison d’édition qui n’a que deux ans. Après ce n’est pas un objectif.


Combien de temps mettez-vous en moyenne pour faire un chapitre ?

Caly : ça dépend de ce que nous avons choisi avec l’éditeur car nous avons un rythme imposé. En moyenne c’est un mois pour un chapitre de 20 pages.

Art of K : On s’est adapté, H2T sait que je travaille à côté et que je ne peux pas être à 100% sur le manga. Donc c’est un chapitre par mois, en plus on n’a pas d’assistant. Que ce soit les décors, les trames et tout, c’est à nous de les faire. Ça demande beaucoup de temps.


En tant que créatrices, quelles sont les œuvres qui vous ont marqué et influencé ?

Caly : J'ai connu les mangas d’abord grâce aux animes même s’il n’y en avait pas beaucoup au début. C'est notamment la série Magical Doremi qui m’a donné envie d'écrire car c'est l'anime de mon enfance. Plus récemment ce sont des auteurs comme Ryôko Fukuyama l'auteure de Masked Noise ou Kozue Amano qui a fait Amanchu !. Il y a aussi Kamatani Yûki qui a sorti récemment un manga qui s'appelle Eclat(s) d’âme et qui est vraiment magnifique. C'est ce genre d'auteurs que j'aime bien et qui m'inspirent dans mon travail.

Art of K : Je lis des mangas depuis que je suis petite. J’avoue que j’ai commencé par des classiques comme Dragon Ball en version française avec les fautes d’orthographes. Ce n’était pas très bon mais j’ai adoré.

Après, j’ai eu la chance de grandir près d’une médiathèque donc tous les après-midis j’y allais. Ce qui a beaucoup influencé mon travail c’est la bande dessinée franco-belge, je suis aussi une grande fan de comics et de Jorge Jiménez.

Question manga j'avoue que j’adore Mizu Sahara pour sa façon de traiter les personnages et leur psychologie. Elle a fait Le chant des Souliers Rouges et le traitement psychologique des personnages est superbe. Sans parole on peut comprendre une scène et c'est ce qui m'intéresse. Pour moi, pour qu'un manga international soit compris, il n'y a pas besoin de paroles, tout doit passer par le dessin et les sentiments.

Mon manga parle la musique et comme le papier ne s’entend pas j’ai dû travailler sur des mangas comme Nodame Cantabile pour apprendre à retranscrire le son par l’image. Ce manga m’a beaucoup touché avec son traitement de la sensibilité du piano et du son.


Même si vous connaissez la fin, avez-vous une bonne idée de comment va se dérouler votre œuvre ? Ou appréhendez-vous au fur et à mesure ?

Art of K : Pour moi c’est un peu particulier car Euterpe était un one-shot de 60 pages. Avec l’éditeur on a essayé de voir comment, à partir du one shot, on pouvait faire une suite. Il fallait créer des étapes du scénario et arriver à un résultat. Dès le début, je savais quelle serait la fin, j’avais même quelques petites étapes incontournables par lesquelles je voulais passer. Après c’est avec l’éditeur que l’on fait vraiment en sorte de pouvoir construire les étapes du scénario. Il y a 9 chapitres dans un manga donc pour un total de 18 chapitres, on réfléchissait à comment ne pas perdre l’intérêt du lecteur.

Caly : Pour Hana j'ai déjà écrit une partie et mentalement ça se continue par épisodes. Il y a 5 épisodes et je me demande dans quel épisode mettre quel chapitre. Mais ce qui se fait quand on écrit, dans mon cas, je ne sais pas le dialogue au mot près.

Parfois un dialogue ou une interaction peut modifier le comportement d’un personnage dans le chapitre suivant. C’est pourquoi on ne peut tout savoir en détail. Ce que je fais peut avoir des influences sur ce que je vais faire après. Dans le fond ça reste la même chose mais la façon de raconter peut être modifiée en fonction de ce qui a été fait.


Article écrit par Zebuline.

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