Dvd Interview d'Akemi Takada (Lamu, Creamy, Maison Ikkoku, Kimagure Orange Road, Patlabor...)
Nous avions déjà eu la chance de la rencontrer en 2009 à Japan Expo, puis en 2013 à Paris Manga pour la présentation de son projet de groupe d'idoles SAYUra dont le concept était la métamorphose de personnages de l'animation vers des personnages réels, mais c'est toujours avec plaisir que nous partons à la rencontre d'Akemi Takada, grande dame du character design ayant notamment officié sur Creamy, Lamu, Maison Ikkoku, Orange Road ou encore Patlabor.
Présente à la dernière édition de Rétro Made in Asia à Namur, l'artiste, entre deux séances de dédicaces (ou deux partie de Pokémon GO dont elle est fan !), accepta de nous rencontrer pour un long et très détendu entretien, nous ayant permis d'aborder plusieurs facettes de sa carrière : ses influences, la conception de Creamy, sa vision du personnage de Madoka Ayukawa, ses relations de travail avec Mamoru Oshii, son rôle méconnu sur Jin-Roh... Compte-rendu !
Akemi Takada, merci beaucoup d'avoir accepté de nous rencontrer une nouvelle fois ! Quand nous vous avions interviewée en 2009, vous évoquiez l'influence sur votre travail d'Alfons Mucha pour les couleurs, et de Yoshitaka Amano en tant que maître. Pourriez-vous développer un peu plus ce que ces deux artistes vous ont apporté ?
Akemi Takada : Concernant Alfons Mucha, il travaillait à partir de photographies pour ses peintures, et c'est cet aspect-là ainsi que son utilisation des couleurs qui m'ont beaucoup influencée. D'une manière générale, c'est l'aspect Art Nouveau qui m'a marquée.
Pour ce qui est de Yoshitaka Amano, avant de finir l'Université j'étais juste une jeune fille qui aimait lire des mangas et n'avais pas vraiment de repères dans le domaine du character design. Mr Amano fut pour moi une sorte de guide qui m'a aidée à trouver mes marques dans ce domaine.
On sait que Creamy reste un projet qui vous tient à coeur car vous avez dû créer le design des personnages de A à Z. Aviez-vous eu des consignes pour les créer, ou étiez-vous libre de les faire comme vous le souhaitiez ?
Etant donné que l'un des sponsors était la section jouets de Bandai, j'ai eu beaucoup de demandes de modifications au niveau du chara design de leur part.
J'insiste bien sur le fait qu'il ne s'agissait pas de Bandai Visual, mais de la maison-mère s'occupant des jouets, car leur objectif avec Creamy était de pouvoir ensuite vendre des poupées de la série. Sur ce point, c'était assez strict.
Dans l'optique de faire des poupées pour les filles, l'une de leurs principales demandes était de faire une grosse tête. Moi, dans mon esprit j'avais l'idée d'un design typé shôjo manga, et j'ai donc dû faire beaucoup d'efforts pour parvenir à faire des têtes pile de la taille qu'ils voulaient.
Quels éléments du design de Creamy vous sont venus en premier ? Quel a été le processus de création du personnage ?
C'est assez difficile pour moi de répondre, car étant donné que c'était un projet destiné à être décliné en poupées, j'ai dû fournir beaucoup de dessins différents que j'allais montrer aux responsables de Bandai pour qu'ils me disent quoi modifier. J'ai dû faire des allers-retours constants pendant une durée interminable jusqu'à ce qu'ils soient satisfaits. Ca a été une création très évolutive jusqu'à l'obtention du design final.
Vu que Bandai donnait énormément de consignes et vous demandait sans cesse des modifications, vous êtes-vous sentie frustrée sur le plan artistique, par exemple en voyant rejetés des éléments que vous appréciiez ?
Non, pas vraiment, car au bout du compte j'ai pu concevoir un design qui nous satisfaisait tous, que ce soit moi-même ou les personnes de Bandai.
En 2009 vous disiez aussi avoir été très marquée par votre travail sur Patlabor car il vous a fallu beaucoup de temps pour comprendre les personnages. Pouvez-vous développer ? Qu'est-ce qui a été le plus compliqué dans ce travail ?
Avant Patlabor, que ce soit sur Lamu, Creamy, Orange Road ou Maison Ikkoku je n'avais travaillé que sur des séries assez fantaisistes. Alors que Patlabor, bien qu'axée mecha/SF, est une oeuvre ayant des personnages très imbriqués dans la vie réelle. Travailler sur des personnages pareils était une première pour moi et j'ai dû fournir beaucoup d'efforts pour avoir une approche de la vie réelle dans le dessin animé.
Du coup, est-ce que ça a changé quelque chose dans votre façon de travailler ?
Quand je devais faire des illustrations de Patlabor pour les jaquettes et magazines, c'était très difficile. Je me suis replongée dans les mangas qui étaient publiés à l'époque pour avoir une idée de la composition des images que je devais fournir.
En particulier, la composition des arrières-plans était compliquée.
J'ai également eu beaucoup de mal à cerner le personnage de Noa, jusqu'à ce que je le dessine en train de pleurer pour un recueil d'illustrations. C'est à partir de là que j'ai commencé à mieux le cerner.
Artbook japonais de Patlabor par Akemi Takada.
On sait que Mamoru Oshii est un artiste de caractère mais aussi très talentueux, or vous avez eu l'occasion de travailler avec lui sur certains projets, comme les films Urusei Yatsura: Beautiful Dreamer et Patlabor 2. Quel souvenir en gardez-vous ?
En effet, c'est quelqu'un qui ne cède rien et qui fait toujours en sorte que ce soit sa vision des choses qui passe en premier. Parfois c'est un peu difficile de travailler avec lui. Cela dit, concernant Patlabor 2, j'ai d'abord travaillé avec trois autres personnes et Mr Oshii est arrivé après. Du coup, on y ressent certes la patte de Mr Oshii, mais notre travail à tous les quatre est resté lui aussi bien implanté dans le résultat final. Ca reste un film de Mr Oshii, mais vu qu'il n'était pas sur le projet dès le départ, il reste assez fidèle à l'image que nous quatre en avions initialement.
Parmi les séries sur lesquelles vous avez travaillé il y a Urusei Yatsura et Maison Ikkoku, deux oeuvres qui sont à la base des mangas de Rumiko Takahashi. Comment avez-vous fait, à l'époque, pour vous réapproprier le design original de cette immense mangaka ?
Concernant Urusei Yatsura/Lamu, à l'époque où l'animé a commencé à se faire il n'y avait que 4 ou 5 volumes du manga qui étaient parus, et il s'agissait de la première série de Rumiko Takahashi. Du coup le design du manga commençait à peine à bien trouver ses marques, des choses changeaient. J'ai dû beaucoup étudier les premiers tomes du manga pour déterminer comment aborder le design de l'animé.
Pour Maison Ikkoku / Juliette je t'aime, le trait de Mme Takahashi était déjà beaucoup mieux implanté sur l'ensemble du manga, donc ça a été beaucoup plus facile de m'en imprégner.
Cette année on vous a retrouvée au chara design d'une série animée au format court, CoCO & NiCO. Comment vous êtes-vous retrouvée sur ce projet ? Quel a été le challenge pour vous ?
C'est un producteur de NHK World qui m'a contactée en me demandant si j'avais une idée pour un projet. J'ai réfléchi, me suis dit « j'aime les chats » puis « toutes les petites filles rêvent d'être des princesses », et ai fini par décider de combiner ces deux idées.
J'ai commencé à travailler sur cette base, ai soumis plusieurs versions au producteur qui m'a dit de faire quelque chose d'un peu plus simple, et c'est comme ça que ça a débuté.
Au départ j'avais imaginé des chats un peu plus humains au niveau du design.
Vous avez travaillé sur des séries dont les personnages féminins sont restés de véritables icônes. Que ce soit Creamy, Lamu, Kyôko Otonashi, ou Madoka Ayukawa, toutes conservent une aura forte pour toute une génération de fans. Quel est votre ressenti en pensant à cela ?
A l'époque, quand j'ai participé à ces différents animés, j'étais un peu dans un cocon où toute l'équipe travaillait d'arrache-pied pour les faire. Aujourd'hui, quand je regarde en arrière, je vois que Creamy a plus de 32 ans, Patlabor 28 ans, que Lamu est encore plus vieux que ça... Je vois que Creamy a toujours beaucoup de fans en Italie, à Hong Kong ou à Taïwan, que des jouets se font toujours dessus... A l'époque je ne faisais que travailler sur des séries et je n'avais aucune idée qu'elles perdureraient aussi longtemps, qu'on en parlerait encore aujourd'hui et qu'il y aurait toujours des fans.
Une question spécifique sur Madoka Ayukawa d'Orange Road, qui déjà dans le manga d'origine a une personnalité très marquée et souvent difficile à cerner. Elle peut être colérique, plus douce, très mystérieuse, assez insaisissable... Via votre design dans l'animé Orange Road, vous avez su transcender la Madoka du manga. Qu'avez-vous cherché à faire le plus ressortir quand vous avez créé son design ?
Dans un manga les auteurs dessinent les personnages case par case et leurs expressions changent d'un dessin à l'autre. En animé ce n'est pas du tout la même conception, il faut bien prendre en compte toute une série d'émotions-types. Il faut trouver un certain équilibre et pour un personnage comme Madoka qui change constamment d'humeur, il faut faire attention à ce que cela ne la fasse pas passer pour une personne psychotique. Donc j'ai voulu accentuer son aspect difficile à cerner, qui est peut-être un peu moins visible dans le manga. Mais c'est son trait de personnalité qui m'a le plus marquée.
Vous avez été aussi impliquée dans une moindre mesure sur le film Jin-Roh en tant que designer de l'insigne de la police. Comment êtes-vous arrivée sur ce travail ?
Le proposition vient de Mr Oshii. Il faut savoir que le budget du film était de seulement 20 millions de yen, ce qui était ridicule, et qu'il a dû faire appel à beaucoup d'amis qui ont travaillé gratuitement. Il y en a un qui a conceptualisé le costume, un autre qui a écrit l'histoire... Beaucoup de monde a accepté d'aider bénévolement Mr Oshii.
Concernant l'emblème de la police, vu qu'auparavant j'avais déjà conçu le design de plusieurs emblèmes on m'a demandé si je voulais faire aussi celui de Jin-Roh.
Bien plus tard, lorsqu'on a vendu les DVD et Blu-ray du film, il y a eu assez d'argent pour que les petits problèmes de droits soient réglés.
Reproduction en métal de l'insigne.
Depuis déjà plusieurs années l'arrivée de l'outil informatique, du numérique, a eu un fort impact sur le travail de designer ou d'illustrateur. Vous qui avez connu ce milieu avant, quel avis avez-vous sur ces nouvelles technologies ?
Je pense que beaucoup d'artistes sont très doués pour dessiner sur ces nouveaux supports que sont les ordinateurs ou les tablettes. Mais personnellement, je pense que je donne le meilleur de moi-même sur le bon vieux papier. J'aimerais apprendre comment utiliser ces nouveaux outils, mais à mon avis mon style s'exprime mieux en peinture sur le papier.
Que ce soit via Creamy à laquelle vous restez très attachée, ou SAYUra qui en reprenait certains codes, vous semblez apprécier le concept de magical girl...
Je ne dirais pas que j'y suis très attachée, mais en effet, concernant SAYUra je souhaitais développer un concept d'idoles qui prennent vie du virtuel vers le réel. Mais étant donné que le budget ne suivait pas et qu'il manquait des sponsors, j'ai dû laisser en plan ce projet trop ambitieux.
En réalité, ce que j'aimerais surtout faire, ce sont des magical girls qui ne se battent pas.
Deux artbooks d'Akemi Takada.
Auriez-vous une anecdote à nous raconter sur votre carrière ?
J'ai le sentiment qu'au lieu de vouloir devenir character designer par moi-même, c'est ce travail qui est venu à moi. Quand j'étais petit,e comme beaucoup d'enfants lisant des mangas, je voulais devenir mangaka, en fin de compte je me suis retrouvée avec un contact à Tatsunoko juste avant de finir l'université et je me suis retrouvé là-bas. Ensuite je me suis retrouvée par hasard sur Urusei Yatsura... En fait, je crois que c'est un série d'accidents et de hasards qui fait que je suis devenue chara designer sur la longueur.
Beaucoup de personnes aimeraient devenir chara designer, moi ce n'est pas forcément ce que je voulais à l'origine, mais ça m'est tombé dessus. Ce que je ne regrette pas.
Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Mme Akemi Takada, à Rétro MiA pour la mise en place idéale de cette rencontre, et à l'interprète Fabrice Renault pour la qualité de sa traduction !
Présente à la dernière édition de Rétro Made in Asia à Namur, l'artiste, entre deux séances de dédicaces (ou deux partie de Pokémon GO dont elle est fan !), accepta de nous rencontrer pour un long et très détendu entretien, nous ayant permis d'aborder plusieurs facettes de sa carrière : ses influences, la conception de Creamy, sa vision du personnage de Madoka Ayukawa, ses relations de travail avec Mamoru Oshii, son rôle méconnu sur Jin-Roh... Compte-rendu !
Akemi Takada, merci beaucoup d'avoir accepté de nous rencontrer une nouvelle fois ! Quand nous vous avions interviewée en 2009, vous évoquiez l'influence sur votre travail d'Alfons Mucha pour les couleurs, et de Yoshitaka Amano en tant que maître. Pourriez-vous développer un peu plus ce que ces deux artistes vous ont apporté ?
Akemi Takada : Concernant Alfons Mucha, il travaillait à partir de photographies pour ses peintures, et c'est cet aspect-là ainsi que son utilisation des couleurs qui m'ont beaucoup influencée. D'une manière générale, c'est l'aspect Art Nouveau qui m'a marquée.
Pour ce qui est de Yoshitaka Amano, avant de finir l'Université j'étais juste une jeune fille qui aimait lire des mangas et n'avais pas vraiment de repères dans le domaine du character design. Mr Amano fut pour moi une sorte de guide qui m'a aidée à trouver mes marques dans ce domaine.
On sait que Creamy reste un projet qui vous tient à coeur car vous avez dû créer le design des personnages de A à Z. Aviez-vous eu des consignes pour les créer, ou étiez-vous libre de les faire comme vous le souhaitiez ?
Etant donné que l'un des sponsors était la section jouets de Bandai, j'ai eu beaucoup de demandes de modifications au niveau du chara design de leur part.
J'insiste bien sur le fait qu'il ne s'agissait pas de Bandai Visual, mais de la maison-mère s'occupant des jouets, car leur objectif avec Creamy était de pouvoir ensuite vendre des poupées de la série. Sur ce point, c'était assez strict.
Dans l'optique de faire des poupées pour les filles, l'une de leurs principales demandes était de faire une grosse tête. Moi, dans mon esprit j'avais l'idée d'un design typé shôjo manga, et j'ai donc dû faire beaucoup d'efforts pour parvenir à faire des têtes pile de la taille qu'ils voulaient.
Quels éléments du design de Creamy vous sont venus en premier ? Quel a été le processus de création du personnage ?
C'est assez difficile pour moi de répondre, car étant donné que c'était un projet destiné à être décliné en poupées, j'ai dû fournir beaucoup de dessins différents que j'allais montrer aux responsables de Bandai pour qu'ils me disent quoi modifier. J'ai dû faire des allers-retours constants pendant une durée interminable jusqu'à ce qu'ils soient satisfaits. Ca a été une création très évolutive jusqu'à l'obtention du design final.
Vu que Bandai donnait énormément de consignes et vous demandait sans cesse des modifications, vous êtes-vous sentie frustrée sur le plan artistique, par exemple en voyant rejetés des éléments que vous appréciiez ?
Non, pas vraiment, car au bout du compte j'ai pu concevoir un design qui nous satisfaisait tous, que ce soit moi-même ou les personnes de Bandai.
En 2009 vous disiez aussi avoir été très marquée par votre travail sur Patlabor car il vous a fallu beaucoup de temps pour comprendre les personnages. Pouvez-vous développer ? Qu'est-ce qui a été le plus compliqué dans ce travail ?
Avant Patlabor, que ce soit sur Lamu, Creamy, Orange Road ou Maison Ikkoku je n'avais travaillé que sur des séries assez fantaisistes. Alors que Patlabor, bien qu'axée mecha/SF, est une oeuvre ayant des personnages très imbriqués dans la vie réelle. Travailler sur des personnages pareils était une première pour moi et j'ai dû fournir beaucoup d'efforts pour avoir une approche de la vie réelle dans le dessin animé.
Du coup, est-ce que ça a changé quelque chose dans votre façon de travailler ?
Quand je devais faire des illustrations de Patlabor pour les jaquettes et magazines, c'était très difficile. Je me suis replongée dans les mangas qui étaient publiés à l'époque pour avoir une idée de la composition des images que je devais fournir.
En particulier, la composition des arrières-plans était compliquée.
J'ai également eu beaucoup de mal à cerner le personnage de Noa, jusqu'à ce que je le dessine en train de pleurer pour un recueil d'illustrations. C'est à partir de là que j'ai commencé à mieux le cerner.
Artbook japonais de Patlabor par Akemi Takada.
On sait que Mamoru Oshii est un artiste de caractère mais aussi très talentueux, or vous avez eu l'occasion de travailler avec lui sur certains projets, comme les films Urusei Yatsura: Beautiful Dreamer et Patlabor 2. Quel souvenir en gardez-vous ?
En effet, c'est quelqu'un qui ne cède rien et qui fait toujours en sorte que ce soit sa vision des choses qui passe en premier. Parfois c'est un peu difficile de travailler avec lui. Cela dit, concernant Patlabor 2, j'ai d'abord travaillé avec trois autres personnes et Mr Oshii est arrivé après. Du coup, on y ressent certes la patte de Mr Oshii, mais notre travail à tous les quatre est resté lui aussi bien implanté dans le résultat final. Ca reste un film de Mr Oshii, mais vu qu'il n'était pas sur le projet dès le départ, il reste assez fidèle à l'image que nous quatre en avions initialement.
Parmi les séries sur lesquelles vous avez travaillé il y a Urusei Yatsura et Maison Ikkoku, deux oeuvres qui sont à la base des mangas de Rumiko Takahashi. Comment avez-vous fait, à l'époque, pour vous réapproprier le design original de cette immense mangaka ?
Concernant Urusei Yatsura/Lamu, à l'époque où l'animé a commencé à se faire il n'y avait que 4 ou 5 volumes du manga qui étaient parus, et il s'agissait de la première série de Rumiko Takahashi. Du coup le design du manga commençait à peine à bien trouver ses marques, des choses changeaient. J'ai dû beaucoup étudier les premiers tomes du manga pour déterminer comment aborder le design de l'animé.
Pour Maison Ikkoku / Juliette je t'aime, le trait de Mme Takahashi était déjà beaucoup mieux implanté sur l'ensemble du manga, donc ça a été beaucoup plus facile de m'en imprégner.
Cette année on vous a retrouvée au chara design d'une série animée au format court, CoCO & NiCO. Comment vous êtes-vous retrouvée sur ce projet ? Quel a été le challenge pour vous ?
C'est un producteur de NHK World qui m'a contactée en me demandant si j'avais une idée pour un projet. J'ai réfléchi, me suis dit « j'aime les chats » puis « toutes les petites filles rêvent d'être des princesses », et ai fini par décider de combiner ces deux idées.
J'ai commencé à travailler sur cette base, ai soumis plusieurs versions au producteur qui m'a dit de faire quelque chose d'un peu plus simple, et c'est comme ça que ça a débuté.
Au départ j'avais imaginé des chats un peu plus humains au niveau du design.
Vous avez travaillé sur des séries dont les personnages féminins sont restés de véritables icônes. Que ce soit Creamy, Lamu, Kyôko Otonashi, ou Madoka Ayukawa, toutes conservent une aura forte pour toute une génération de fans. Quel est votre ressenti en pensant à cela ?
A l'époque, quand j'ai participé à ces différents animés, j'étais un peu dans un cocon où toute l'équipe travaillait d'arrache-pied pour les faire. Aujourd'hui, quand je regarde en arrière, je vois que Creamy a plus de 32 ans, Patlabor 28 ans, que Lamu est encore plus vieux que ça... Je vois que Creamy a toujours beaucoup de fans en Italie, à Hong Kong ou à Taïwan, que des jouets se font toujours dessus... A l'époque je ne faisais que travailler sur des séries et je n'avais aucune idée qu'elles perdureraient aussi longtemps, qu'on en parlerait encore aujourd'hui et qu'il y aurait toujours des fans.
Une question spécifique sur Madoka Ayukawa d'Orange Road, qui déjà dans le manga d'origine a une personnalité très marquée et souvent difficile à cerner. Elle peut être colérique, plus douce, très mystérieuse, assez insaisissable... Via votre design dans l'animé Orange Road, vous avez su transcender la Madoka du manga. Qu'avez-vous cherché à faire le plus ressortir quand vous avez créé son design ?
Dans un manga les auteurs dessinent les personnages case par case et leurs expressions changent d'un dessin à l'autre. En animé ce n'est pas du tout la même conception, il faut bien prendre en compte toute une série d'émotions-types. Il faut trouver un certain équilibre et pour un personnage comme Madoka qui change constamment d'humeur, il faut faire attention à ce que cela ne la fasse pas passer pour une personne psychotique. Donc j'ai voulu accentuer son aspect difficile à cerner, qui est peut-être un peu moins visible dans le manga. Mais c'est son trait de personnalité qui m'a le plus marquée.
Vous avez été aussi impliquée dans une moindre mesure sur le film Jin-Roh en tant que designer de l'insigne de la police. Comment êtes-vous arrivée sur ce travail ?
Le proposition vient de Mr Oshii. Il faut savoir que le budget du film était de seulement 20 millions de yen, ce qui était ridicule, et qu'il a dû faire appel à beaucoup d'amis qui ont travaillé gratuitement. Il y en a un qui a conceptualisé le costume, un autre qui a écrit l'histoire... Beaucoup de monde a accepté d'aider bénévolement Mr Oshii.
Concernant l'emblème de la police, vu qu'auparavant j'avais déjà conçu le design de plusieurs emblèmes on m'a demandé si je voulais faire aussi celui de Jin-Roh.
Bien plus tard, lorsqu'on a vendu les DVD et Blu-ray du film, il y a eu assez d'argent pour que les petits problèmes de droits soient réglés.
Reproduction en métal de l'insigne.
Depuis déjà plusieurs années l'arrivée de l'outil informatique, du numérique, a eu un fort impact sur le travail de designer ou d'illustrateur. Vous qui avez connu ce milieu avant, quel avis avez-vous sur ces nouvelles technologies ?
Je pense que beaucoup d'artistes sont très doués pour dessiner sur ces nouveaux supports que sont les ordinateurs ou les tablettes. Mais personnellement, je pense que je donne le meilleur de moi-même sur le bon vieux papier. J'aimerais apprendre comment utiliser ces nouveaux outils, mais à mon avis mon style s'exprime mieux en peinture sur le papier.
Que ce soit via Creamy à laquelle vous restez très attachée, ou SAYUra qui en reprenait certains codes, vous semblez apprécier le concept de magical girl...
Je ne dirais pas que j'y suis très attachée, mais en effet, concernant SAYUra je souhaitais développer un concept d'idoles qui prennent vie du virtuel vers le réel. Mais étant donné que le budget ne suivait pas et qu'il manquait des sponsors, j'ai dû laisser en plan ce projet trop ambitieux.
En réalité, ce que j'aimerais surtout faire, ce sont des magical girls qui ne se battent pas.
Deux artbooks d'Akemi Takada.
Auriez-vous une anecdote à nous raconter sur votre carrière ?
J'ai le sentiment qu'au lieu de vouloir devenir character designer par moi-même, c'est ce travail qui est venu à moi. Quand j'étais petit,e comme beaucoup d'enfants lisant des mangas, je voulais devenir mangaka, en fin de compte je me suis retrouvée avec un contact à Tatsunoko juste avant de finir l'université et je me suis retrouvé là-bas. Ensuite je me suis retrouvée par hasard sur Urusei Yatsura... En fait, je crois que c'est un série d'accidents et de hasards qui fait que je suis devenue chara designer sur la longueur.
Beaucoup de personnes aimeraient devenir chara designer, moi ce n'est pas forcément ce que je voulais à l'origine, mais ça m'est tombé dessus. Ce que je ne regrette pas.
Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Mme Akemi Takada, à Rétro MiA pour la mise en place idéale de cette rencontre, et à l'interprète Fabrice Renault pour la qualité de sa traduction !
De tsubasadow [4303 Pts], le 01 Décembre 2016 à 17h37
Interview intéressante et les dessins sont toujours aussi magnifiques
De Dracnard, le 24 Novembre 2016 à 10h31
Belle interview ^^
De Angelique Lenoble, le 23 Novembre 2016 à 20h17
Merci pour cette interview.
J'aurai tant aimé y être, revoir Akemi Takada que j'adore, et obtenir l'un des ex-libris avec ces magnifiques illustrations *_* (si quelqu'un possédant ces ex-libris me lit, n'hésitez pas à faire un don / vente à ma collection) ;)