Manga Interview de Tommy Ohtsuka, l'auteur de Hawkwood, par Doki-Doki
Tandis que le troisième volume de Hawkwood paraît aujourd'hui en librairie, son auteur Tommy Ohtsuka a été interviewé récemment par les éditions Doki-Doki qui viennent d'en proposer le compte-rendu.
Voici, ci-dessous, cet entretien qui permet d'en apprendre beaucoup plus sur la série, sur sa genèse, sur les choix et la démarche du mangaka, ou encore sur les difficultés qu'il a pu rencontrer en la concevant !
Tommy Ohtsuka est un auteur japonais confirmé, ayant signé de nombreux mangas dans des genres et styles variés. En France, il a ainsi signé la série d’heroic fantasy Slayers – Knights of the Aqua Lord (chez Ki-oon). Il a également mis en scène les super-héros de Marvel dans une série Marvel Mangaverse. Il est l’auteur de Hawkwood depuis 2010, série qu’il conclut en 2016 dans le 8e volume.
Doki-Doki : En France, John Hawkwood n’est que rarement mentionné dans les livres d’histoire. Pourquoi avoir centré votre récit sur ce mercenaire anglais ?
Tommy Ohtsuka : En fait, je n'avais absolument pas prévu de faire de Hawkwood, le principal protagoniste du récit. Mon postulat de départ était surtout de traiter de la bataille de Crécy. De montrer qu'elle marquait un tournant et qu'avec elle commençait la fin des grandes batailles de chevaliers. Surtout que c'était également le début de la montée en puissance des mercenaires avec l'arrivée du système monétaire. L'opposition naissante entre chevaliers et mercenaires constitue pour moi l'ossature du récit. Ce n'est qu'ensuite que je me suis dit qu'un mercenaire marquant cette époque devait exister et que j'ai découvert Hawkwood. J'ai alors décidé d'en faire mon personnage principal.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lorsque vous avez effectué des recherches sur ce personnage ? Quelle période de sa vie trouvez-vous la plus intéressante ?
À vrai dire, c'est surtout sa période italienne qui est connue. J'ignore si c'est vrai, mais il aurait dit : "Je ne crois pas en Dieu. Je ne crois qu'en moi-même." À cette époque, visiblement très marquée par la religion catholique, ce genre de déclaration pour le moins téméraire équivalait à se comparer aux pape ou autres seigneurs, ce qui montrait bien son courage et son extraordinaire confiance en lui.
Quelle part prend le souci d'authenticité historique dans votre récit ?
Pour ce qui est de la progression anglaise et des principaux événements militaires, je me suis attaché à les reproduire le plus fidèlement possible : les dates, les endroits, tout a été respecté pour le mieux. Les protagonistes principaux de l'histoire ont également tous existé, mais les hommes de troupe ou les personnages tels que Gabin et Perrier sont bien évidemment des inventions.
Est-il difficile de se documenter sur cette partie de l’Histoire, d’autant plus pour un auteur japonais ? Qu'est-ce qui vous a le plus surpris en découvrant cette période de l'histoire européenne ?
Oui, ce fut extrêmement difficile. En plus du peu de documentation disponible, les transcriptions japonaises des noms français étant très variables d'une source à l'autre, j'ai eu un mal fou à retrouver la bonne à chaque fois.
Qu'est-ce qui vous a le plus surpris en découvrant cette période de l'histoire européenne ?
Plus qu'une surprise, ce fut plutôt un étonnement d'apprendre qu'à l'époque, les Européens ne se lavaient pas souvent… (rires) Au Japon, à la même période, cela faisait déjà très longtemps qu'on savait apprécier le plaisir des bains.
Le 7e volume aborde la célèbre bataille de Crécy. Comment parvenez-vous à mettre en scène les combats médiévaux de la série, et une bataille aussi dramatique que Crécy en particulier ?
Quand on écoute le récit de la bataille en entier, on se dit : "Oui, évidemment". Il n'empêche qu'il reste tout de même de nombreux points difficiles à comprendre. Par exemple : pourquoi l'armée française n'a pas renoncé aux charges de cavalerie qui lui coûtaient des pertes énormes ? Que devaient penser les chevaliers anglais en voyant leurs homologues français se faire massacrer par les archers ? S'ils avaient été plus objectifs et rationnels, les chevaliers français n'auraient jamais eu à se sacrifier en aussi grand nombre. D'un autre côté, avec un peu plus d'esprit chevaleresque, on peut se dire que les chevaliers anglais n'auraient sûrement pas laissé les archers faire tout le travail.
Comme on ne peut que supputer que les pourquoi des agissements des deux parties, j'ai dû moi-même me plier à l’exercice. Je pense que c'était un travail indispensable. Même aujourd'hui, alors que j'ai terminé le manga, je continue à m'interroger. Qu'est-ce que les chevaliers ont pensé dans cette situation ? Qu'ont-ils ressenti ?
Vous qui avez signé des mangas d’heroic fantasy, voyez-vous des similitudes avec l’univers chevaleresque de Hawkwood ?
À vrai dire, leur nature est assez similaire, il y a des chevaliers, des mercenaires... Mais dans un monde de fantasy, tout est volontairement exagéré, d'où l'impression de grande distance avec la réalité. Visuellement parlant, le thème de la fantasy est tout de même plus clair à identifier, peut-être.
Qu'est-ce qui est le plus difficile à dessiner dans un manga de chevaliers ?
Quand on pense aux chevaliers, on se dit que l'esprit chevaleresque dictait chacun de leurs actes, mais en réalité, c'était sûrement plus complexe que ça. Il devait certainement y avoir des moments ou des circonstances où l'esprit chevaleresque prenait plus de place qu'à d'autres. La difficulté est de savoir quand exactement. Là encore, je n'ai pu faire que des suppositions.
Êtes-vous déjà allé en France ?
Malheureusement, je n'ai encore jamais eu la chance de venir en France. Comme je m'intéresse à la bande dessinée franco-belge, j'aimerais beaucoup m'y rendre un jour.
Qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs français qui souhaiteraient découvrir une partie de l'histoire de France grâce à votre manga ?
Si jamais mon manga peut éveiller leur intérêt pour l'histoire de leur pays, inutile de dire que je serai un auteur comblé. Dans l'Histoire mondiale et en particulier l'Histoire conflictuelle, l'humanité a souvent répété les mêmes erreurs. Je suis convaincu que pour le bien de tous, chacun de nous devrait s'intéresser à l'Histoire et essayer, à son niveau, de tirer des leçons du passé. Surtout que nous sommes déjà en train d'oublier nos erreurs d'il y a à peine 70 ans...
Voici, ci-dessous, cet entretien qui permet d'en apprendre beaucoup plus sur la série, sur sa genèse, sur les choix et la démarche du mangaka, ou encore sur les difficultés qu'il a pu rencontrer en la concevant !
Tommy Ohtsuka est un auteur japonais confirmé, ayant signé de nombreux mangas dans des genres et styles variés. En France, il a ainsi signé la série d’heroic fantasy Slayers – Knights of the Aqua Lord (chez Ki-oon). Il a également mis en scène les super-héros de Marvel dans une série Marvel Mangaverse. Il est l’auteur de Hawkwood depuis 2010, série qu’il conclut en 2016 dans le 8e volume.
Doki-Doki : En France, John Hawkwood n’est que rarement mentionné dans les livres d’histoire. Pourquoi avoir centré votre récit sur ce mercenaire anglais ?
Tommy Ohtsuka : En fait, je n'avais absolument pas prévu de faire de Hawkwood, le principal protagoniste du récit. Mon postulat de départ était surtout de traiter de la bataille de Crécy. De montrer qu'elle marquait un tournant et qu'avec elle commençait la fin des grandes batailles de chevaliers. Surtout que c'était également le début de la montée en puissance des mercenaires avec l'arrivée du système monétaire. L'opposition naissante entre chevaliers et mercenaires constitue pour moi l'ossature du récit. Ce n'est qu'ensuite que je me suis dit qu'un mercenaire marquant cette époque devait exister et que j'ai découvert Hawkwood. J'ai alors décidé d'en faire mon personnage principal.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lorsque vous avez effectué des recherches sur ce personnage ? Quelle période de sa vie trouvez-vous la plus intéressante ?
À vrai dire, c'est surtout sa période italienne qui est connue. J'ignore si c'est vrai, mais il aurait dit : "Je ne crois pas en Dieu. Je ne crois qu'en moi-même." À cette époque, visiblement très marquée par la religion catholique, ce genre de déclaration pour le moins téméraire équivalait à se comparer aux pape ou autres seigneurs, ce qui montrait bien son courage et son extraordinaire confiance en lui.
Quelle part prend le souci d'authenticité historique dans votre récit ?
Pour ce qui est de la progression anglaise et des principaux événements militaires, je me suis attaché à les reproduire le plus fidèlement possible : les dates, les endroits, tout a été respecté pour le mieux. Les protagonistes principaux de l'histoire ont également tous existé, mais les hommes de troupe ou les personnages tels que Gabin et Perrier sont bien évidemment des inventions.
Est-il difficile de se documenter sur cette partie de l’Histoire, d’autant plus pour un auteur japonais ? Qu'est-ce qui vous a le plus surpris en découvrant cette période de l'histoire européenne ?
Oui, ce fut extrêmement difficile. En plus du peu de documentation disponible, les transcriptions japonaises des noms français étant très variables d'une source à l'autre, j'ai eu un mal fou à retrouver la bonne à chaque fois.
Qu'est-ce qui vous a le plus surpris en découvrant cette période de l'histoire européenne ?
Plus qu'une surprise, ce fut plutôt un étonnement d'apprendre qu'à l'époque, les Européens ne se lavaient pas souvent… (rires) Au Japon, à la même période, cela faisait déjà très longtemps qu'on savait apprécier le plaisir des bains.
Le 7e volume aborde la célèbre bataille de Crécy. Comment parvenez-vous à mettre en scène les combats médiévaux de la série, et une bataille aussi dramatique que Crécy en particulier ?
Quand on écoute le récit de la bataille en entier, on se dit : "Oui, évidemment". Il n'empêche qu'il reste tout de même de nombreux points difficiles à comprendre. Par exemple : pourquoi l'armée française n'a pas renoncé aux charges de cavalerie qui lui coûtaient des pertes énormes ? Que devaient penser les chevaliers anglais en voyant leurs homologues français se faire massacrer par les archers ? S'ils avaient été plus objectifs et rationnels, les chevaliers français n'auraient jamais eu à se sacrifier en aussi grand nombre. D'un autre côté, avec un peu plus d'esprit chevaleresque, on peut se dire que les chevaliers anglais n'auraient sûrement pas laissé les archers faire tout le travail.
Comme on ne peut que supputer que les pourquoi des agissements des deux parties, j'ai dû moi-même me plier à l’exercice. Je pense que c'était un travail indispensable. Même aujourd'hui, alors que j'ai terminé le manga, je continue à m'interroger. Qu'est-ce que les chevaliers ont pensé dans cette situation ? Qu'ont-ils ressenti ?
Vous qui avez signé des mangas d’heroic fantasy, voyez-vous des similitudes avec l’univers chevaleresque de Hawkwood ?
À vrai dire, leur nature est assez similaire, il y a des chevaliers, des mercenaires... Mais dans un monde de fantasy, tout est volontairement exagéré, d'où l'impression de grande distance avec la réalité. Visuellement parlant, le thème de la fantasy est tout de même plus clair à identifier, peut-être.
Qu'est-ce qui est le plus difficile à dessiner dans un manga de chevaliers ?
Quand on pense aux chevaliers, on se dit que l'esprit chevaleresque dictait chacun de leurs actes, mais en réalité, c'était sûrement plus complexe que ça. Il devait certainement y avoir des moments ou des circonstances où l'esprit chevaleresque prenait plus de place qu'à d'autres. La difficulté est de savoir quand exactement. Là encore, je n'ai pu faire que des suppositions.
Êtes-vous déjà allé en France ?
Malheureusement, je n'ai encore jamais eu la chance de venir en France. Comme je m'intéresse à la bande dessinée franco-belge, j'aimerais beaucoup m'y rendre un jour.
Qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs français qui souhaiteraient découvrir une partie de l'histoire de France grâce à votre manga ?
Si jamais mon manga peut éveiller leur intérêt pour l'histoire de leur pays, inutile de dire que je serai un auteur comblé. Dans l'Histoire mondiale et en particulier l'Histoire conflictuelle, l'humanité a souvent répété les mêmes erreurs. Je suis convaincu que pour le bien de tous, chacun de nous devrait s'intéresser à l'Histoire et essayer, à son niveau, de tirer des leçons du passé. Surtout que nous sommes déjà en train d'oublier nos erreurs d'il y a à peine 70 ans...
De AngelMercury [1747 Pts], le 17 Mai 2016 à 09h23
L'interview est très intéresante et je suis d'accord avec l'auteur sur le fait de se pencher sur l'Histoire ! Il a tout a fait raison. En tout cas ça me donne envie de me pencher sur son manga, la série n'est pas très longue en plus, la documentation semble bien fouillée, donc sûrement une bonen surprise en perspective.
De Daehl, le 11 Mai 2016 à 09h41
Interview très intéressante. Le manga donne bien envie. Son graphisme est simple mais efficace et l'histoire semble bien tenir la route ^^