Manga Tsukasa Hôjô en conférence de presse

Cette année, Japan Expo accueillait une nouvelle fois en invité d'honneur manga un très grand nom en la personne de Tsukasa Hôjô, le célèbre auteur de séries incontournables telles que City Hunter et Angel Heart. Nous avons eu la chance de rencontrer le mangaka lors d'une conférence de presse riche en enseignements, et vous en proposons aujourd'hui un compte-rendu dans lequel vous pourrez notamment découvrir pourquoi l'auteur a choisi d'instaurer Angel Heart dans un univers parallèle à City Hunter, et pas comme une suite directe de son manga-phare.

Bonne lecture!
 

 

En France, la version animée de votre série culte City Hunter est sortie sous le titre francisé Nicky Larson, après avoir subi une forte censure pour être mieux adaptée au public majoritairement enfantin du Club Dorothée. Que pensez-vous de cela?
J'avoue que je ne comprends pas trop cette censure. Mais à vrai dire, je n'ai aucun véritable droit sur les adaptations animées.
 



Vous n'intervenez donc pas sur les productions animées de vos œuvres ?
Généralement, je n'y participe presque pas, mais tout dépend du staff des versions animées, et des œuvres en question.


Quelle est votre méthode de travail pour la conception des scénarii ?
Le travail se partage principalement en deux étapes. Tout d'abord, il y a une réunion avec la maison d'édition, pendant laquelle nous effectuons un échange d'idées pendant une dizaine de minutes. Puis j'écris le scénario à proprement parler. Je ne suis donc pas vraiment inspiré par des choses en particulier, je travaille au fur et à mesure.


Y a-t-il eu des manga qui ont bercé votre enfance ?
Je suis issu d'une famille dans laquelle on n'aimait pas beaucoup lire les manga. Plus que les manga, c'est donc la télévision qui a bercé mon enfance. J'y regardais de tout.


Vous fêtez cette année vos 30 ans de carrière. A présent, quel est votre avis sur vos premières œuvres ? Avec le recul, avez-vous envie d'y changer certaines choses ?
Sincèrement, même si j'ai parfois honte de ce que j'ai pu faire à mes débuts, s'il y avait un trou, j'aimerais me cacher dans ces œuvres. Et même si je le pouvais ou le voulais, je n'y changerais rien, car mes fans les aiment comme elles sont, et les modifier, ce serait un peu les trahir. De plus, je pense qu'elles sont bien inscrites dans l'époque de leur publication.
 
Ci-dessous: L'exposition consacrée à Tsukasa Hôjô à Japan Expo (voir news)
 

 
 
Après avoir travaillé pour la Shueisha, notamment dans le magazine Shônen Jump, vous avez décidé de devenir plus indépendant. Aujourd'hui, avez-vous trouvé cette indépendance que vous recherchiez ?
Je n'ai pas vraiment l'impression d'être indépendant. Quoi qu'il en soit, je reste persuadé qu'un auteur doit rester assez libre vis à vis de son éditeur.


Comment faites-vous pour dessiner des femmes aussi sexy ?
Vous les trouvez belles ? (rires)


Oui, beaucoup ! (rires)
C'est tout simplement parce que j'aime les femmes !


Pensez-vous avoir des points communs avec Ryô Saeba, qui reste votre personnage-phare ?
Je ne peux pas dire que je n'en ai pas. Après tout, je suis moi-même plutôt cool, fort et beau gosse (rires).
 



Votre série en cours, Angel Heart, se déroule dans une sorte d'univers parallèle à City Hunter. Comment avez-vous eu l'idée de cela ? Pourquoi ne pas avoir fait une suite directe à City Hunter ?
Au départ, je voulais continuer City Hunter, mais à l'époque j'ai dû arrêter brusquement la publication de la série. Puis quand j'ai voulu écrire la suite, quasiment 10 ans s'étaient déjà écoulés. Etant donné que City Hunter était bien ancré dans son époque, cela me posait un problème. Poursuivre la série en reprenant son ambiance typique des années 80 aurait été peu judicieux à notre époque, et vieillir les personnages ne me semblait pas être une bonne idée non plus. J'ai donc remis à jour l'histoire dans notre époque actuelle pour que ce soit plus cohérent. C'est un peu comme dans la catégorie de films que l'on appelle "self remakes", j'ai réadapté ma propre oeuvre.


Il y a peu a été annoncée la fin du magazine Comic Bunch, dans lequel était justement prépublié Angel Heart. Quel avenir pour la série ?
Ne vous inquiétez pas, la série va continuer, mais sous une forme différente. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment, mais sachez qu'il s'agit là d'une révélation exclusive !
(depuis la Japan Expo, nous en savons un peu plus sur la suite de la publication d'Angel Heart, cf notre news du 28/07/2010, ndlr)
 
   


De manière générale, on peut constater que vos oeuvres se déroulent très souvent dans l'époque qui leur est contemporaine. Avez-vous déjà envisagé de créer une oeuvre qui se déroulerait à une époque plus ancienne, voire de faire un manga plus historique ?
Faire des récits plus historiques, ou dans un monde plus ancien, est plutôt à la mode au Japon en ce moment, mais personnellement, je n'ai pas de projet de ce genre, il y en a sans doute déjà assez.


Vous avez réalisé de très belles oeuvres courtes, à l'image de Mélodie de Jenny. Pensez-vous reprendre cette histoire un jour ?
C'est une histoire que j'aime beaucoup, j'ai eu envie de la continuer, mais à l'époque mon éditeur m'a dit que ce n'était pas nécessaire et je ne l'ai finalement jamais reprise.




Vous avez conçu beaucoup d'œuvres d'action, comme Cat's Eye et City Hunter, mais aussi des titres plus sociaux comme Family Compo ou Sous un rayon de soleil. Aimeriez-vous revenir vers ce deuxième genre ?
Il y a tout d'abord une distinction à faire, entre séries longues et séries courtes. C'est un peu bizarre à dire comme ça, mais il y a toujours un problème de succès autour des histoires longues, il faut les  adapter de manière assez stéréotypée pour qu'elles continuent de plaire au grand public sur la longueur. Alors, pour me faire plaisir, je crée des histoires destinées à avoir une durée plus courte, des histoires plus sociales, sur des sujets qui m'intéressent. Quant à la question de revenir vers ce type d'histoire, je pense que j'y suis justement avec Angel Heart, qui est, allons-nous dire, un cas un peu particulier. En effet, je pense qu'Angel Heart n'est plus un simple manga d'action, cette série se présente de plus en plus comme une fusion entre ce que je fais dans les séries longues, et ce que j'offre dans les séries courtes à visée plus sociale. Pour moi, Angel Heart représente un peu l'ampleur des différentes facettes de mon travail sur l'ensemble de ma carrière.
 



Votre découpage s'appuie sur une mise en scène très cinématographique, dans laquelle vous imaginez les choses en 3 dimensions et pas seulement en 2, et il n'est pas rare de voir des références au cinéma dans vos histoires. Est-ce que vous pensez votre dessin en mouvement ? Êtes-vous attiré par la mise en scène ou la réalisation dans le milieu du cinéma ou des séries télévisées ?
J'essaie en effet d'offrir des "images en mouvement", quelque chose de très cinématographique que j'essaie de transposer sur papier. J'aime beaucoup le cinéma, et également lire des romans, à vrai dire bien plus que lire des manga (je n'en lis plus du tout). La réalisation pourrait m'intéresser, mais je pense qu'à présent, je suis vieux, et que je vais me contenter de juste finir mangaka.