Jeux Video Test du jeu-vidéo Persona5 Royal
Il n'y avait donc pas de quoi être surpris quand fut dévoilé Persona5 Royal, version complétée du cinquième opus. Une annonce teintée de mystère vu que le soft fut d'abord teasé à la fin des deux TV Spéciaux de Persona5 the Animation, avant d'être précisé lors du concert dédié à la licence qui s'est tenu en 2019. Sorti en octobre de cette même année, le jeu nous parvient le 31 mars 2020, un sacré bon timing afin d'occuper les journées de confinement des joueurs. Fait important au regard de la licence : Le jeu est proposé avec des textes français, une première pour un épisode principal de la saga. Persona3 Dancing in Moonlight et Persona5 Dancing in Starlight ont aussi eu droit à l'honneur de la traduction, mais il n'en restent pas moins des spin-offs ciblant un public assez restreint, et suffisamment limité pour ne pas être considérés comme premier véritable tentative de traduction dans la licence.
Persona5 étant un jeu chronophage (il ne fallait pas compter moins de 100 bonnes heures pour en venir à bout), la formule de Royal devait se montrer attractive pour que le plus grand nombre signe de nouveau pour une si grande aventure. Au programme : Des ajouts en terme de gameplay, quelques affinements ci et là, un mode inédit, et plusieurs personnages justifiant la disponibilité d'un nouveau trimestre, et donc un arc scénaristique supplémentaire.
Retour à Tokyo
Le scénario de P5 (nous l'abrègerons ainsi tout le long de cette chronique par pure commodité) demeure inchangé. Accusé à tort pour avoir secouru une femme se faisant agresser, le héros anonyme et avatar du joueur est contraint de déménager, là où le seul lycée du Japon a bien voulu de lui : à Tokyo. Il emménage chez Sôjirô Sakura, tenancier d'un petit café de ruelle un poil ronchon, et le grenier de l'établissement sera sa chambre.
Alors que l'étiquette de « criminel en réhabilitation » lui est collée dessus, le jeune homme fait sa rentrée au lycée Shûjin. Sur le chemin, aux côtés d'un nouveau camarade lui aussi considéré comme racaille, il tombe sur un mystérieux château, en lieu et place de l'école. Sans le savoir, le duo a atterrit dans une autre dimension régie par la psyché humaine, et où les désirs pervertis des individus prennent forme. Un monde où les héros peuvent éveiller leurs Personae, des matérialisations de leurs inconscients incarnées par leur désir de révolte, une fois leurs masques sociaux brisés. Maniant ce pouvoir, lui et ses futurs acolytes, ce protagoniste va créer les Voleurs Fantômes, une bande utilisant ce métavers pour pousser les adultes corrompus à la confession, et ainsi soigner les maux de la société. Un double quotidien commence alors : Celui de justicier de l'ombre dans un monde cognitif, et adolescent devant assumer une vie de lycéen.
Une aventure toujours aussi immersive et sublimée
Les forces du P5 d'origine sont multiples. Le jeu se veut comme une expérience sociale adolescente à part entière, forçant le joueur à manier un agenda précis afin de mener sa vie de Voleur Fantôme comme celle de lycéen de la vie de tous les jours. Les explorations du métavers flirtent avec le temps passé avec nos nouvelles relations, mais aussi avec le quotidien scolaire ou les petits boulots. Une fois encore, Katsura Hashino fait de ce Persona une simulation de vie quotidienne typiquement nippone, ce qui a déjà un quelque chose de dépaysant et de très envoutant pour un joueur occidental. On ne reviendra pas sur chaque spécificité de ce pan « naturel » du jeu tant il y aura à dire. Gardez néanmoins à l'esprit de vivre une existence épanouie d'ado reste primordiale à l'égard de l'autre phase du jeu.
Car l'exploration des Palais (les donjons nés des désirs pervertis de quelques tokyoïtes) et celle du Mémento (le Palais de toutes les âmes) occupe une place très importante, et contribue à développer le scénario. Donjons parsemés de batailles contre les fameuses Ombres, ils bénéficient chacun d'un level-design propre et précis pour chacun d'entre-eux, incluant quelques petites énigmes et casses-tête. Rien de bien compliqué d'une manière générale, mais une formule qui pousse à une exploration complète des lieux, là où les épisodes 3 et 4 faisaient dans le donjon-crawler de lieux générés aléatoirement. C'est d'ailleurs le cas de Méménto, sorte d'hommage gigantesque au Tartarus de P3.
On y revient alors, entretenir vos liens sociaux aura un impact dans le Métavers. Les fusions de Personae seront bien plus efficaces, et bon nombre de liens auront une efficacité dans la dimension exploration du soft, vous garantissant effets et bonus plus qu'appréciables. Aussi, les actions débloquables de vos camarades manieurs de Personae qui vous sauveront de mauvais pas à bon nombre de reprises. Dès lors, le tour par tour, mode assez daté et globalement boudé, devient riche et dynamique. Ceci mêlé à un système inventif d'exploitation de faiblesses et de gestion des ressources (il sera important de garder vos fameux PC, par exemple), et on obtient un gameplay aussi prenant qu'addictif, sublimé par la direction artistique tellement stylisée de P5. De la même manière, chaque donjon parvient à proposer une ambiance propre et chacun sera marqué à sa propre manière en matière d'esthétique. Du musée désert au bateau voguant sur la fin du monde, en passant par un casino chatoyant et une pyramide baignée de mélancolie, difficile de nier la volonté de l'équipe autour de de Persona de vouloir créer moult atmosphère afin de renouveler sans cesse l'expérience de jeu.
Et les ajouts, alors ?
Maintenant que les aspects de P5 premier du nom ont été évoqués, passons au cœur de cette version Royal : Les ajouts promis, et voués à proposer une expérience inédite. Ils sont essentiellement de l'ordre du gameplay et du scénario, et ont pour volonté d'enrichir le jeu plus que le chambouler. Car les nouvelles mécaniques ne substituent jamais les anciennes, tandis que le nouvel arc narratif s'appuie sur le scénario principal tout en développant des idées qui lui sont propres, et qui n'entacheront jamais le chemin parcouru par le joueur.
L'exploration des donjons constitue une exception, dans le sens où certains phases des Palais sont modifiées, tandis que chaque boss à en général droit à des affinements ou l'addition d'une phase inédite, ce qui tend parfois à rendre le jeu un poil plus corsé. Un gain en difficulté atténué par l'ajout des attaques showtime, des combos entre deux personnages qui pourront être déclenchés ponctuellement et qui sont synonymes de nombreux dégâts, voire très souvent de one-shot sur les ennemis standards. Et parmi les rajouts, on saluera le renouveau de l'expérience du Mémento. Long donjon laborieux et peu amusant, Atlus a cherché à l'enrichir en le rendant plus attractif, et en donnant à joueur des objectifs à accomplir en son sein auprès de José, l'un des mystérieux nouveaux personnages, avec rétributions à la clé. De quoi pousser chacun à passer plus de temps dans ces longs couloirs répétitifs.
Et puisqu'on parle de nouveaux personnages, impossible de ne pas évoquer Kasumi Yoshizawa et Takuto Maruki, respectivement élève de première année à Shûjin et conseiller scolaire à mi-temps. Il s'agit d'abord de nouveaux Confidents (ces fameux liens sociaux à développer soi-même) particulièrement attachants, et qu'il vous faudra chouchouter pour accéder au nouveau segment du jeu. Dans la même optique, le détective lycéen qu'est Goro Akechi a droit à un Confident retravaillé, non automatique cette fois, et qui permettra au personnage de dévoiler une toute nouvelle facette dans les segments inédits de Royal.
Vient alors le sujet épineux du nouveau trimestre, incluant un arc scénaristique inédit. Sujet épineux dans le sens où nous n'en dirons pas grand chose, afin de ne pas spoiler à travers cette chronique. Mais ce ne serait pas trop en dire que de confirmer le statut très particulier de ce scénario additionnel. C'est d'abord un Palais en plus à explorer, ainsi qu'un complément bien intelligent au scénario d'origine, amenant quelques réflexions qui lui sont liées. Car si l'intrigue principale de P5 nous questionne sur notre rapport à la société et la manière dont on peut retirer notre masque sociale pour la confronter, le nouvel arc développe l'idée d'endosser les maux qui peuvent naître de cette société contemporaine et de ses différents facteurs. Ceci ajouté à de nouveaux plot-twist menant à des choix plus que difficiles, à de nouveaux développements de personnages pertinents et à une dimension nekketsu, par moment, tout à fait délicieuse, autant dire que ce complément (qui rajoutera de nombreuses heures de jeu selon le rythme de chacun) se veut aussi efficace qu'intelligent dans son développement.
Et il nous faudrait bien plus de temps pour évoquer chaque petit ajout de Royal, puisque la vie quotidienne des personnages en est parsemée. Outre le vaste quartier de Kichijoji à visiter, celui-ci propose bien des activités, dont un bar jazzy et cosy, ou encore un bar à fléchettes qui inclura non seulement un mini-jeu, mais aussi une nouvelle manière d'aborder les relations entre les personnages jouables.
Enfin, il convient d'évoquer le tout nouveau mode de jeu qu'est le Repaire des Voleurs Fantômes, qu'on pourrait qualifier de mode galerie géant. Sorte de micro-musée à décorer par vos soins, dans lequel la bande des voleurs peut se réunir, le repaire proposera de débloquer (moyennant des pièces à acquérir en remplissant certaines conditions) différents contenus allant de simples artworks aux musiques de la bande originale, et en passant par des cinématiques, voire l'OVA The Day Breakers, initialement sorti juste avant l'opus original. Petit bémol à ce sujet : celui-ci n'est qu'en japonais non sous-titré, étrange puisqu'une version traduite existe sur Wakanim. Néanmoins, cette petite lacune n'entachera certainement pas la collectionnite de ceux qui iront jusqu'à débloquer l'ensemble du contenu du repaire.
Une traduction de l'ordre du challenge
La surprise de ce Royal était aussi la présence d'un texte intégralement en français. Un choix qui relevait du challenge puisque P5R est un jeu extrêmement verbeux, si bien que le joueur passera autant de temps à lire les échanges entre personnages qu'à arpenter les donjons. Le jeu n'a pas un côté visual-novel pour rien, puisque de nombreuses heures de dialogues viennent enrichir les situations, les réflexions, et les développements de chacun.
Un état de fait qu'il convient de souligner pour comprendre la traduction française, et aussi les quelques coquilles qui ont filtré. A plusieurs reprises, des fautes sont commises, et relèvent très souvent du potentiel manque de contexte dans le script fourni aux traducteurs. On retient des vouvoiement et tutoiement peu appropriés bien souvent, ce qui fait rapidement tiquer. Reste que sur un texte si dense, le ratio de fautes est plutôt faible, et qu'un patch pourrait facilement corriger ces micro-bourdes. Étant donné le travail colossal accompli, difficile de ne pas se montrer compréhensif, surtout que le travail d'adaptation est globalement de bien bonne facture, notamment dans les interactions entre personnages rendues vivantes et crédibles. Fidèle à la racine latine du terme, Persona est bien utilisé au féminin, et l'intitulé Personae est choisi pour le pluriel. Une subtilité à côté de laquelle les traductions françaises des autres supports sont malheureusement passés.
On notera aussi que le « changement de cœur » devient ici la métanoïa, un choix qui a fait un peu de bruit... Mais qui a du sens. Le terme provient des réflexions de Carl Gustav Jung, à qui l'on doit aussi le concept de Persona. Chez Jung, la métanoïa est la repentance, le fait de corriger notre conduite pour la rendre meilleure à l'égard de nos prochains. En choisissant ce terme plutôt que le stylisé « changement de cœur », les traducteurs rendent aussi bien hommage aux travaux de Jung qu'au rapport que Persona entretient toujours avec ces réflexions sociales. Difficile alors de parler de travail fait par-dessus la jambe, puisqu'il y a ici une véritable réflexion.
Dans la lignée d'un Golden
Il reste difficile de répondre à la question du « meilleur Persona », tant les directions, ambiances et thématiques de chaque opus sont tellement distinctes qu'il est avant tout question du ressenti du joueur. Néanmoins, Atlus ne s'est en rien moqué de nous avec cet épisode Royal, donnant une nouvelle dimension au jeu d'origine, avec des ajouts de gameplay et scénaristiques dont on ne saurait se passer si on souhaite relancer une aventure. Tout comme Persona4 Golden le fut, Persona5 Royal est une version encore plus aboutie de l'opus d'origine, et qui ne peut être résumé au simple DLC tant l'expérience s'en voit renouvelée. Il en résulte un jeu captivant, immersif, passionnant et surprenant, où l'expérience sociale se vit intégralement aux côtés de personnages qu'on apprécie comme de véritable congénères, tandis que le scénario piqué de maturité nous porte et se dote de petites réflexions plus que bienvenues.
La métanoïa n'est pas finie !
Persona5 Royal confirme toute l’expérience qu'était P5, mais en plus poussée. Si la perfection est difficilement qualifiable, cette nouvelle version du soft se rapproche de la forme ultime que l'épisode d'origine aurait pu avoir. Le plus dur, c'est de quitter le jeu, une fois l'aventure menée à terme. Car cela signifie quitter les Voleurs Fantômes, aussi l'effet de déprime post P5, que beaucoup ont connu avec la version initiale, est encore accru. Reste que tout n'est pas terminé puisque Persona5 Scramble : The Phantom Strikers paraîtra logiquement en Europe, et constituera une suite directe à l'histoire. Sans compter qu'étant donné l'efficacité de la machine, Atlus ne compte certainement pas en rester là autour du cinquième épisode... On peut être sûrs de revoir les Voleurs Fantômes à l'avenir, tout comme on avait pu retrouver les personnages de P4 dans les spinoffs.
De Baihous [0 Pts], le 02 Mai 2020 à 12h20
Merci pour cette super chronique