Manga Les auteurs de la Danseuse de Mao nous parlent de leur oeuvre
La Danseuse de Mao, premier roman graphique tiré d’une œuvre de Qiu Xiaolong, le maître du polar chinois, va sortir chez Pika Edition le 16 janvier. À cette occasion, l'éditeur a pu poser 3 questions, concernant l’origine et la mise en place de ce projet, à chacun des auteurs ayant participé à sa création: l’auteur du roman à l’origine du présent ouvrage, Qiu Xiaolong, le scénariste, Olivier Richard et le dessinateur Hza Bazant.
Qiu Xiaolong, l’auteur de l’œuvre originale, le roman La Danseuse de Mao
• Que ressentez-vous à l’idée qu’un de vos romans soit adapté, pour la première fois, en roman graphique ?
Enfant, j’adorais les albums et bandes dessinées chinois mais jamais je n’aurais pu penser qu’un de mes propres livres aurait pu être adapté en roman graphique. C’est une agréable surprise, et ce d’autant plus que la satire de la situation absurde de la Chine d’aujourd’hui est montrée de façon aussi frappante que remarquable dans le roman graphique français.
• Est-ce que vous retrouvez dans la Danseuse de Mao, les personnages que vous aviez imaginés ?
Oui tout à fait ! Les dessins sont très beaux ! J’avais seulement imaginé l’inspecteur Chen, le personnage principal, un peu plus « intello » mais d’après mes amis, il semblerait que cela soit plutôt dû à un phénomène de projection inconsciente de ma part dans ce personnage. L’inspecteur Chen pourrait donc bien ressembler à son personnage de la Danseuse de Mao en roman graphique.
• D’après vous, est-ce que le changement de medium (un roman graphique à la place d’un roman) change quelque chose au message délivré dans votre œuvre ?
Non, je ne pense pas. Dans le cas du roman graphique, je pense que ce medium apporte même plus de force aux détails absurdes, cruels et délirants de la vie sous le régime autoritaire gouverné par un parti unique.
Olivier Richard, scénariste en charge de l’adaptation
• Quelle est la genèse de l'adaptation du roman de Qiu Xiaolong en roman graphique ?
Il faut savoir que ce projet a été initié il y a au moins six ans. La direction de Pika Édition de l'époque voulait lancer des BD made in China et/ou qui parlaient de la Chine. C'est Alain Kahn, le PDG de l'époque qui a eu l'idée d'adapter ce roman. Comme on parlait souvent de faire ensemble des choses sur la Chine, ils m'ont proposé d'adapter le roman en BD. Je l'ai lu et l'ai trouvé intéressant pour les raisons expliquées ci-dessous. Ensuite, il a fallu chercher un dessinateur. Tous mes contacts en Chine ont décliné parce qu'ils avaient peur que, comme le roman parle de Mao, cela leur donne une mauvaise image et leur pose des problèmes. J'ai donc cherché autour de moi et ai proposé le projet à Hza que j'ai rencontré grâce à sa sœur Ktaiwanita (excellente dessinatrice ceci dit en passant mais pas dans le style de notre Mao), avec qui je faisais des BD (une histoire de chien détective qui affronte un peuple de cafards) pour le magazine du dessinateur chinois Benjamin (qui allait signer peu après chez Pika Édition).
• Pourquoi ce roman de Qiu Xiaolong vous a attiré en particulier ?
Il se déroule à une époque charnière pour la Chine (les années 90), dans une ville-carrefour (Shanghai) sur trois périodes différentes. J'aime bien son côté "histoire à tiroirs" et j'adore l'époque des Concessions (cf. "Le Lotus Bleu"), l'ambiance feutrée des soirées où les personnages écoutent de vieux 78 tours poussiéreux de jazz chinois. J'aime aussi le personnage de l'inspecteur poète qui essaie de conserver son intégrité dans un monde chaotique. Qiu Xiaolong a aussi un talent assez impressionnant pour imaginer des personnages féminins forts (le roman en comporte plusieurs), c'est rare.
• Comment avez-vous travaillé avec Qiu Xiaolong pour l’adaptation de son roman ? Et avec Hza Bazant, le dessinateur ?
Je n'ai aucun contact avec Qiu Xiaolong. Il a seulement été présent lors des étapes de validations du projet.
Avec Hza, nous avons travaillé sur le chara-design, l'ambiance générale du dessin. Nous avons réalisé plusieurs pages tests qui ont été validées par Pika Édition puis par les éditions Liana Lévi et enfin par Qiu Xiaolong. Idem pour le scénario que j'ai écrit en anglais et en français. Comme j'étais un peu en retard, je l'ai fini à Oulan-Bator où j'étais parti faire un reportage sur le hip-hop mongol et la nightlife de la ville pour VSD. Une fois validé par Pika Édition, il a été envoyé à Qiu Xiaolong qui l'a validé. En bon professeur, il a juste corrigé mes (quelques seulement - j'étais fier !) fautes d'anglais. Hza a ensuite retravaillé mon découpage et m'a envoyé un storyboard. Nous en avons parlé puis l'avons envoyé à Pika Édition qui le validait au fur et à mesure pendant que Hza dessinait. Nous avons eu quelques réunions pour nous mettre d'accord sur des paramètres artistiques comme le choix d'ajouter des couleurs, etc. La chance de travailler avec Hza, c'est que c'est un artiste au sens complet du terme. Il s'intéresse au poids du papier, etc. Il est vraiment dans une démarche artistique.
Hza Bazant, le dessinateur
• Comment vous êtes-vous organisé pour répondre aux besoins de Qiu Xiaolong, l’auteur du roman à l’origine du roman graphique, et Olivier Richard, le scénariste ?
J’ai d’abord lu le roman original de Qiu Xiaolong puis j’ai reçu un premier story-board en français avec une traduction en anglais de la part du scénariste Olivier Richard. Ensuite, la partie la plus difficile et chronophage a commencé pour moi : j’ai refait le story-board de toute l’histoire en incluant toutes mes recherches en matière iconographique. Nous souhaitions que La Danseuse de Mao soit vraiment fidèle à la réalité historique et que le lecteur puisse s’imprégner de l’ambiance du Shanghai de 1994, époque à laquelle se déroule l’histoire. Au cours de mes recherches, j’ai pu constater comment l’ère numérique avait changé notre rapport au monde. À partir de l’an 2000, tout ce qui fait notre quotidien a commencé à être documenté sur Internet via des photos, vidéo, articles etc... Mais, aujourd’hui, trouver des informations sur la vie quotidienne d’une famille du Shanghai de 1994 voire même le contenu de son réfrigérateur, s’est avéré beaucoup plus difficile qu’il n’y parait. Nous avons ensuite discuté de l’histoire de manière générale avec Olivier puis avons fait valider ce projet à Pika Édition et à Qiu Xiaolong jusqu’à avoir le feu vert pour commencer les dessins que vous pouvez voir dans le livre.
• Quelles ont été les techniques spécifiques de dessin utilisées pour la Danseuse de Mao ?
Pour ce roman graphique, j’ai décidé de travailler avec des pinceaux à encre (Pentel) en diluant l’encre. J’ai ajouté des touches de couleurs seulement dans certaines situations car elles devaient attirer l’œil pour l’aider à se concentrer sur le sujet important de la page. J’ai aussi utilisé une méthode spéciale pour passer du story-board aux dessins définitifs : j’ai agrandi les pages de celui-ci, les ai mises sur une tablette lumineuse et ai ainsi fait les dessins finaux par- dessus. J’ai procédé de cette manière car je voulais garder l’aspect très spontané et souple des dessins du story-board. A travers ces traits amples, je cherchais donner à mes dessins un aspect proche de la calligraphie chinoise.
• Est-ce que le fait de dessiner un roman graphique à propos d'une révolution communiste et des atrocités commises en son nom eut un écho particulier en vous qui venez d’un pays occupé par L’URSS entre 1968 et 1990 (la Tchécoslovaquie) ?
• Que ressentez-vous à l’idée qu’un de vos romans soit adapté, pour la première fois, en roman graphique ?
Enfant, j’adorais les albums et bandes dessinées chinois mais jamais je n’aurais pu penser qu’un de mes propres livres aurait pu être adapté en roman graphique. C’est une agréable surprise, et ce d’autant plus que la satire de la situation absurde de la Chine d’aujourd’hui est montrée de façon aussi frappante que remarquable dans le roman graphique français.
• Est-ce que vous retrouvez dans la Danseuse de Mao, les personnages que vous aviez imaginés ?
Oui tout à fait ! Les dessins sont très beaux ! J’avais seulement imaginé l’inspecteur Chen, le personnage principal, un peu plus « intello » mais d’après mes amis, il semblerait que cela soit plutôt dû à un phénomène de projection inconsciente de ma part dans ce personnage. L’inspecteur Chen pourrait donc bien ressembler à son personnage de la Danseuse de Mao en roman graphique.
• D’après vous, est-ce que le changement de medium (un roman graphique à la place d’un roman) change quelque chose au message délivré dans votre œuvre ?
Non, je ne pense pas. Dans le cas du roman graphique, je pense que ce medium apporte même plus de force aux détails absurdes, cruels et délirants de la vie sous le régime autoritaire gouverné par un parti unique.
Olivier Richard, scénariste en charge de l’adaptation
• Quelle est la genèse de l'adaptation du roman de Qiu Xiaolong en roman graphique ?
Il faut savoir que ce projet a été initié il y a au moins six ans. La direction de Pika Édition de l'époque voulait lancer des BD made in China et/ou qui parlaient de la Chine. C'est Alain Kahn, le PDG de l'époque qui a eu l'idée d'adapter ce roman. Comme on parlait souvent de faire ensemble des choses sur la Chine, ils m'ont proposé d'adapter le roman en BD. Je l'ai lu et l'ai trouvé intéressant pour les raisons expliquées ci-dessous. Ensuite, il a fallu chercher un dessinateur. Tous mes contacts en Chine ont décliné parce qu'ils avaient peur que, comme le roman parle de Mao, cela leur donne une mauvaise image et leur pose des problèmes. J'ai donc cherché autour de moi et ai proposé le projet à Hza que j'ai rencontré grâce à sa sœur Ktaiwanita (excellente dessinatrice ceci dit en passant mais pas dans le style de notre Mao), avec qui je faisais des BD (une histoire de chien détective qui affronte un peuple de cafards) pour le magazine du dessinateur chinois Benjamin (qui allait signer peu après chez Pika Édition).
• Pourquoi ce roman de Qiu Xiaolong vous a attiré en particulier ?
Il se déroule à une époque charnière pour la Chine (les années 90), dans une ville-carrefour (Shanghai) sur trois périodes différentes. J'aime bien son côté "histoire à tiroirs" et j'adore l'époque des Concessions (cf. "Le Lotus Bleu"), l'ambiance feutrée des soirées où les personnages écoutent de vieux 78 tours poussiéreux de jazz chinois. J'aime aussi le personnage de l'inspecteur poète qui essaie de conserver son intégrité dans un monde chaotique. Qiu Xiaolong a aussi un talent assez impressionnant pour imaginer des personnages féminins forts (le roman en comporte plusieurs), c'est rare.
• Comment avez-vous travaillé avec Qiu Xiaolong pour l’adaptation de son roman ? Et avec Hza Bazant, le dessinateur ?
Je n'ai aucun contact avec Qiu Xiaolong. Il a seulement été présent lors des étapes de validations du projet.
Avec Hza, nous avons travaillé sur le chara-design, l'ambiance générale du dessin. Nous avons réalisé plusieurs pages tests qui ont été validées par Pika Édition puis par les éditions Liana Lévi et enfin par Qiu Xiaolong. Idem pour le scénario que j'ai écrit en anglais et en français. Comme j'étais un peu en retard, je l'ai fini à Oulan-Bator où j'étais parti faire un reportage sur le hip-hop mongol et la nightlife de la ville pour VSD. Une fois validé par Pika Édition, il a été envoyé à Qiu Xiaolong qui l'a validé. En bon professeur, il a juste corrigé mes (quelques seulement - j'étais fier !) fautes d'anglais. Hza a ensuite retravaillé mon découpage et m'a envoyé un storyboard. Nous en avons parlé puis l'avons envoyé à Pika Édition qui le validait au fur et à mesure pendant que Hza dessinait. Nous avons eu quelques réunions pour nous mettre d'accord sur des paramètres artistiques comme le choix d'ajouter des couleurs, etc. La chance de travailler avec Hza, c'est que c'est un artiste au sens complet du terme. Il s'intéresse au poids du papier, etc. Il est vraiment dans une démarche artistique.
• Comment vous êtes-vous organisé pour répondre aux besoins de Qiu Xiaolong, l’auteur du roman à l’origine du roman graphique, et Olivier Richard, le scénariste ?
J’ai d’abord lu le roman original de Qiu Xiaolong puis j’ai reçu un premier story-board en français avec une traduction en anglais de la part du scénariste Olivier Richard. Ensuite, la partie la plus difficile et chronophage a commencé pour moi : j’ai refait le story-board de toute l’histoire en incluant toutes mes recherches en matière iconographique. Nous souhaitions que La Danseuse de Mao soit vraiment fidèle à la réalité historique et que le lecteur puisse s’imprégner de l’ambiance du Shanghai de 1994, époque à laquelle se déroule l’histoire. Au cours de mes recherches, j’ai pu constater comment l’ère numérique avait changé notre rapport au monde. À partir de l’an 2000, tout ce qui fait notre quotidien a commencé à être documenté sur Internet via des photos, vidéo, articles etc... Mais, aujourd’hui, trouver des informations sur la vie quotidienne d’une famille du Shanghai de 1994 voire même le contenu de son réfrigérateur, s’est avéré beaucoup plus difficile qu’il n’y parait. Nous avons ensuite discuté de l’histoire de manière générale avec Olivier puis avons fait valider ce projet à Pika Édition et à Qiu Xiaolong jusqu’à avoir le feu vert pour commencer les dessins que vous pouvez voir dans le livre.
• Quelles ont été les techniques spécifiques de dessin utilisées pour la Danseuse de Mao ?
Pour ce roman graphique, j’ai décidé de travailler avec des pinceaux à encre (Pentel) en diluant l’encre. J’ai ajouté des touches de couleurs seulement dans certaines situations car elles devaient attirer l’œil pour l’aider à se concentrer sur le sujet important de la page. J’ai aussi utilisé une méthode spéciale pour passer du story-board aux dessins définitifs : j’ai agrandi les pages de celui-ci, les ai mises sur une tablette lumineuse et ai ainsi fait les dessins finaux par- dessus. J’ai procédé de cette manière car je voulais garder l’aspect très spontané et souple des dessins du story-board. A travers ces traits amples, je cherchais donner à mes dessins un aspect proche de la calligraphie chinoise.
• Est-ce que le fait de dessiner un roman graphique à propos d'une révolution communiste et des atrocités commises en son nom eut un écho particulier en vous qui venez d’un pays occupé par L’URSS entre 1968 et 1990 (la Tchécoslovaquie) ?
Même si la Tchécoslovaquie n’est pas vraiment un pays de l'ex-URSS mais seulement un pays occupé entre 1968 et 1990 par l’armée soviétique, nous avons tout de même fait partie du bloc de l’Est, ce qui entraîna, en effet, une forte résonance en moi en travaillant sur Danseuse de Mao. J’ai vécu mon enfance dans l'atmosphère grise et terne des années 1980 dans un pays du bloc de l’Est : période dite de normalisation par Moscou. Mais mon adolescence pris place au cours des sauvages années 1990, je dis « sauvages » parce que le capitalisme émergeant se mélangeait avec les anciennes structures communistes, la performance économique était la nouvelle idole de tout le pays et nous avions l'impression que tout était possible et réalisable. J’ai essayé de retranscrire l’atmosphère de ma jeunesse dans la Danseuse de Mao car il m’a semblé qu’un sentiment similaire se dégage de la vie dans un pays totalitaire, et ce peu importe le pays en question. En plus, comme je me suis toujours intéressé à la culture chinoise et que j’ai beaucoup voyagé à Taïwan, cela m'a permis de mettre en retard mon vécu avec la mentalité et le mode de vie chinois.
De nolhane [6891 Pts], le 13 Janvier 2019 à 14h50
Merci pour ces questions/réponses intéressantes :)
De Mitsuko62 [3753 Pts], le 12 Janvier 2019 à 20h53
Je ne sais pas encore si j'achèterai ce nouveau manga, mais en tout cas, je trouve les questions (et surtout leurs réponses) très pertinentes et éclairantes !