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Dvd Chronique Animation - A Silent Voice

Vendredi, 31 Août 2018 à 17h00 - Source :Chronique Animation

Longuement attendu en France, le film A Silent Voice est enfin sorti dans nos cinémas, la semaine dernière. Nous ne pouvons pas ne pas parler de ce long-métrage d'animation, longuement attendu, aussi en voici notre chronique...


La parution du premier tome de A Silent Voice, en janvier 2015, nous a permis de connaître la touchante série de Yoshitoki Oima, autrice qui continue de nous captiver aujourd'hui avec To Your Eternity. Œuvre traitant du handicap et du harcèlement scolaire, A Silent Voice a vite acquis un statut de titre incontournable, aussi bien chez nous qu'au Japon, au point de donner naissance à un film d'animation par le studio Kyoto Animation en 2016. Annoncé chez Kazé, le long-métrage a pourtant fait l'objet d'une grande arlésienne. La film a énormément tardé à sortir chez nous, pour finalement atteindre quelques cinémas de France grâce au jeune distributeur Arthouse Films. La sortie a bénéficié d'une bonne campagne de communication et même d'un financement participatif, la rendant encore plus attendue.


Pour les lecteurs du manga, l'intrigue reste très fidèle au matériau d'origine. Enfant, Shôya Ishida a persécuté l'une de ses camarades, Shôko Nishimiya, à l'époque nouvelle élève atteinte de surdité mais qui ne demandait qu'à s'intégrer. Contrecoup pour l'écolier : le changement d'établissement de Shôko a retourné la classe contre lui, si bien que sa réputation le suit jusqu'au lycée et lui vaut un isolement total. L'idée du suicide traverse alors l'esprit de Shôya. Mais plutôt que fuir ses fautes passées, ne devrait-il pas se tourner vers l'avenir pour tenter de se racheter ? C'est ce qu'il fait en allant retrouver Shôko, des années plus tard, afin de s'excuser...


Adapter une série de sept tomes en un seul film d'animation constituait un pari audacieux. La lourde tâche de Kyoto Animation était donc de retranscrire l'âme du manga de Yoshitoki Oima en un temps plus limité, sans donner l'impression de pertes pour le récit. Une prise de risque honorée puisque le film A Silent Voice dégage une aura aussi puissante que le manga original, abordant sans tabou des sujets graves qui peuvent aussi trouver leur écho en France. Évidemment, ceux qui ont adoré le manga d'origine regretteront l'absence de certaines scènes, mais l'essentiel est que l'identité du titre demeure intact et que le film véhicule les mêmes messages que le manga original, malgré un tout petit changement sur la manière de conclure ce long-métrage, apportant alors une symbolique un poil différente de celle du titre initial.


Et même sans le comparer au manga, A Silent Voice est un film aussi fort qu'envoutant. Partant d'une situation de harcèlement scolaire montrant Shôya persécuter sa camarade sourde, Shôko, l'histoire se montrait audacieuse, d'un certain point de vue, en se concentrant sur le harceleur plutôt que sur la harcelée. Justement, ce choix est essentiel pour pointer du doigt les actions commises par le protagoniste durant son enfance. Le comportement de Shôya le suit depuis ses années d'écolier, un retour de bâton que le film ne cherche jamais à remettre en question. Au lieu de ça, c'est sur la manière qu'aura le jeune homme de se racheter auprès de Shôko qui sera retranscrite dans le scénario, mais pas que. Car il était essentiel que le film s'intéresse aussi à la jeune fille, celle qu'elle est devenu et quel est son ressenti sur Shôya après toutes ces années. Et là est la force du récit : celle de développer avec subtilité les liens entre les deux personnages, rapports qui évolueront de manière évidente vers une certaine romance, sans jamais renier les maux que ressentent les deux intéressés et la barrière qui peut se dresser entre eux.


Car si du côté de Shôya c'est ses actions en tant qu'ancien harceleur qui forge le récit, la frontière qui peut séparer Shôko du reste du monde constitue l'une des thématiques les plus fortes du film. Derrière une ambiance ampli de douceur, Kyoto Animation a apporté un certain contraste marqué par les troubles ressentis par les personnages principaux. Ceux de Shôko sont beaucoup plus subtils et délicats car ils mettent un certain temps à se dévoiler, amenant même une séquence aussi inattendue que poignante vers la fin du film, montrant que la souffrance de la lycéenne ne se limite pas aux brimades qu'elle a subi durant son enfance.


En parallèle à ça, le film A Silent Voice offre un formidable message optimiste tourné vers l'avenir. Considérant le harcèlement et le handicap comme des réalités, il développe une histoire riche en espoir par ses deux personnages principaux, tout en prenant soin leur attribuer une véritable bande d'amis qui aura une importance clé dans l'intrigue (mais un peu moins que dans le manga). Ce sont tant de figures qui renvoient immédiatement au déclencheur du récit, à savoir le harcèlement dont a souffert Shôko, des profils différents traités, une fois encore, sans tabou : de l'écolière qui détournait le regard à celle qui assume, encore aujourd'hui, ses actions passées sous couvert de haine... Chaque personnage, même secondaire, symbolise quelque chose vis à vis des thématiques du film. Pourtant, ce que l'on retient, grâce à l'évolution de tous ces personnages, c'est la possibilité de se tourner vers un futur meilleur, et qu'une prise de conscience n'est jamais trop tard afin de mieux protéger les générations futures.


Et si le film est à ce point une réussite, c'est parce que la réalisation de Naoko Yamada rend honneur au récit en tout point. Le défi majeur de l'adaptation est en effet honoré, à savoir retranscrire efficacement l'esprit du manga tout en développant une identité qui est propre au long-métrage. Le lien qui le relie au récit d'origine est marqué par la mise en scène, par exemple les croix présentes sur les visages des personnages qui symbolisent le refus de Shôya de se confronter à autrui et d'accepter leurs regards, tandis que la douceur de l'ambiance s'avère propre au long-métrage. Sa manière de faire ressentir la légèreté et les séquences plus dramatiques est parfaitement gérée, on peut alors saluer le compositeur Kensuke Oshio dont la bande-originale apporte beaucoup à l'atmosphère. Le film sait aussi s'entourer d'une dimension assez pop, par des couleurs vives par exemple, ou encore sa phase d'ouverture présentant le jeune Shôya et ses camarades, une bande d'enfants agités comme les autres à première vue, sur fond de « My Generation » par le groupe de rock The Who.


Il y a aussi beaucoup à dire sur toute la distribution du film et le travail d'adaptation effectué. Si attendre si longuement le long-métrage était déplaisant, force est de constater que des efforts ont été faits pour le proposer en salle, le plus largement possible grâce au financement participatif organisé par le distributeur Arthouse Films.
Le film est alors proposé en vostfr comme en vf, et il semble important de parler de ce doublage pour les choix cohérents effectués. Ainsi, le rôle de Shôko n'a pas été confié à n'importe qui : il paraissait évident qu'une comédienne non sourde se plongerait plus difficilement dans le rôle et pourrait provoquer un décalage dans le rendu finale, aussi l'interprétation a été donnée à Mélanie Lemaistre, vidéaste plus connue sous le pseudo Mélaniedeaf sur YouTube. Un choix qui porte ses fruits puisqu'elle parvient à rendre une Shôko extrêmement touchante et convaincante, ce bien qu'elle ne soit pas comédienne de base. A ses côtés, Bastien Bourlé campe un Shôya renfermé et solitaire totalement crédible, là où Nathalie Bienaimé propose une Yuzuru aussi garçon-manqué que dans le manga d'origine. Globalement, tout le casting se fait à son rôle et donne une belle couleur à son personnage. Il n'y a pas d'interprétation à côté de la plaque, au contraire même : Si on a tendance à regretter la présence massive de certains comédiens dans le doublage français d'animation japonaise, ceux présents sur A Silent Voice se font si bien à leurs rôles qu'il est parfois difficile de les reconnaître à la première écoute.


Fable sociale émouvante et dramatique, A Silent Voice constitue une expérience touchante et qui fait honneur au récit de Yoshitoki Oima. Par ses sujets et son ambiance, le film peut être proposé au plus grand nombre, à condition d'apprécier les tranches-de-vie d'environ 120 minutes. Dans tous les cas, il est plutôt difficile de rester indifférent au long-métrage. Deux ans après la fin de la parution du manga chez nous, aux éditions Ki-oon, il donne même envie de redécouvrir le récit d'origine, et de se replonger aux côtés de Shôko, Shôya et les leurs, une nouvelle fois.


L'avis du chroniqueur
Takato

Vendredi, 31 Août 2018
17 20

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