Bokurano, notre enjeu - Actualité manga

Bokurano, notre enjeu : Critiques

Bokurano

Critique de la série manga

Publiée le Lundi, 30 Décembre 2013

Encore des ados qui contrôlent des robots géants pour sauver la Terre ? Oui, mais en fait non. Glénat avait fait l’erreur d’estampiller Narutaru de Mohiro Kitoh comme manga tout public, Asuka sait à quoi s’en tenir. Il faut être averti pour apprécier la complexité et la noirceur de Bokurano. Ou alors, avoir l’esprit ouvert et un peu torturé.

Pour une fois, on ne va pas faire les présentations, ne pas remettre tout de suite le manga en contexte ou en perspective. Non, on va se mettre à votre place, qui un jour de shopping ou de flânerie tombez au détour d’une librairie sur le premier volume de Bokurano, notre enjeu de Mohiro Kitoh chez Asuka. Un design épuré, des adolescents, un robot géant… tout semble réunit pour un bon petit shônen, au pire un nouvel ersatz de Neon Genenis Evangelion. 15 camarades de classe, 8 garçons et 7 filles passent leurs vacances d’été dans un petit village au bord de la mer. Ils s’amusent, crient, rigolent, jouent aux grands avec insouciance et sans rendre de comptes à quiconque, leurs parents comme la société. Un constat que se fait le jeune Waku, avant que Machi ne remarque une petite grotte sur la crique. Ils s’y engouffrent tous et tombent avec surprise sur une salle aménagée et remplie d’ordinateurs. Le maître des lieux est un drôle de numéro, un scientifique du nom de Kokopelli aux cheveux longs et lunettes rondes qui n’y va pas quatre chemins. Est-ce que les enfants ont envie de jouer à un jeu ? C’est tout simple, ils contrôlent un robot géant et combattent des ennemis. Pour sceller leur contrat en tant que héros et élus, ils doivent tous toucher un étrange objet et dirent leur nom. Seule la petite Kana n’y participe pas sur ordre de son grand frère Jun. Puis le blanc, comme un écran de télévision déréglé, et les voilà sur la plage. Ont-ils rêvé ? La preuve que non, bientôt le robot géant, noir, massif apparaît sur la mer. Sorte d’insecte humanoïde avec une armure, il fait en effet penser aux EVA et aux Anges d’Evangelion, voire aussi à RahXephon, Escaflowne… en fait à toute cette nouvelle génération de robots qui tente de relancer le genre démocratiser par Macross, Gundam et Patlabor. C’est ensuite l’ennemi, une sorte d’araignée blanche, qui apparaît à travers une faille spatio-temporelle ainsi qu’une petite créature volante, à mi-chemin entre la souris et le lapin qui les téléporte dans le cockpit où Kokopelli va leur faire une démonstration. Ils doivent atteindre le noyau vital de l’ennemi pour le convaincre, sinon il ne cesse de se régénérer.  C’est maintenant à leur tour de jouer. De jouer ? Vraiment ? Pourquoi alors Kokopelli a-t-il glissé un « Je suis désolé » avant de disparaître.

Protégez-nous !

Et en effet, en une poignée de chapitres, le manga instaure un climat inattendu où la notion de jeu (vidéo, virtuel, grandeur nature ou autre) laisse vite place à une curiosité et une inquiétude. Il faut dire aussi que l’auteur Mohiro Kitoh a sa manière bien à lui de mélanger les genres. Des ados, un robot géant, une peluche vivante, mais un ton sérieux, presque grave. En fait, avec 15 personnages principaux, le lecteur ne sait pas vraiment où mettre de la tête, à qui s’identifier. Quoi que le jeune fou Waku s’impose très vite, il a d’ailleurs peut-être le physique de Shinji d’Evangelion, mais son caractère est tout à fait opposé. Il adorait être aux commandes du robot et zigouiller du méchant. D’ailleurs, il faudrait lui trouver un nom à ce robot. Il est là pour protéger la Terre, allez va pour The Earth… Zearth ! Waku est ainsi le premier pilote désigné pour contrôler Zearth contre un nouvel ennemi, une sorte d’épée géante. Son passé, son histoire vont alors rythmer son combat. Sa passion pour le foot, son statut de star de l’école, mais aussi son père préoccupé, absent, loser. Mais lorsqu’il a appris que son père jouait aussi au football, ses convictions sont ébranlées, il croyait être différent de lui. Heureusement, aujourd’hui, aux commandes de Zearth, il est un vrai héros. Sauf qu’après sa victoire, il tombe dans l’eau, sans vie. Le héros meurt. En fait, Kokopelli avait oublié de leur expliquer que le Zearth fonctionne à l’énergie humaine, et que chaque victoire coûte la vie du pilote. Donc, ils ont le choix entre perdre et mourir avec le reste de l’humanité ou gagner et mourir en sauvant l’humanité. Un dilemme auquel sera confronté chaque enfant, puisque le manga suivra l’un après l‘autre, le point de vue de chacun sur un ou plusieurs chapitres, avec à chaque fois la même issue fatidique.

Un mangaka unique

On vous avait prévenu, ou plutôt non, on vous a laissé la surprise. Drôle de surprise il est vrai, mais vous n’auriez pas été les seuls, et surtout pas les premiers. En effet, le mangaka Mohiro Kitoh est unique, lorsqu’il s’attaque à une œuvre et souvent un genre précis, il le détourne très vite pour parler de ce qui l’intéresse, voire l’obsède : l’âme humaine, torturée bien entendu. Et Bokurano n’est pas son premier forfait, puisqu’il a été bien malgré lui au cœur d’une polémique en France lorsque l’édition par Glénat de Narutaru en 1999. Séduit par les dessins enfantins et par le postulat de départ, où une fillette de 12 ans rencontre un extra-terrestre en forme d’étoile, Glénat sort le manga pour un public jeune. Mais après seulement deux volumes (sur 12 au total), la série est arrêtée sans autre forme de procès. Pourquoi ? Tout simplement, parce que l’éditeur a « découvert » que le manga allait de plus en plus loin dans la noirceur, la violence, le gore et le déviant. Parler d’un revirement dans l’histoire est un peu fort, puisque dès les premiers chapitres ou volumes, une ambiance lourde et inquiétante est posée. Ne pas s’être renseigné sur l’auteur ou sur la série avant de l’éditer est un manque de professionnalisme qui a servi d’exemple, mais Glénat en a peut-être moins payé le prix que Mohiro Kitoh. Il a ainsi fallu attendre 8 ans avant qu’un autre de ses mangas soit édité en France, et Bokurano date de 2004 et compte déjà 8 volumes. Asuka a d’ailleurs pris ses précautions, le manga est réservé à un public averti, à vrai dire pas aux moins de 15 ans.

Un grand pouvoir implique des grandes responsabilités

Un vrai seinen donc, qui à travers chaque enfant sonde les travers, violences et frustrations de la société moderne. Car chacun n’est ni tout noir et surtout pas tout blanc. Individualisme, libéralisme, lâcheté, meurtre, abus sexuel… tout y passe avec non pas un sens de la provocation ou de l’immoralité, mais plutôt un réalisme, un naturel qui tient au presque au naturalisme. Le mangaka ne juge pas ses personnages ni leurs choix, mais de par la situation extraordinaire, intenable où il les met, les questions et ouvertures viennent d’elles-mêmes. Brisés par le monde des adultes, ces enfants n’ont-ils pas enfin les moyens de leur répondre, voire de se venger ? Que feront-ils de ce pouvoir, des conséquences et des responsabilités qui en découlent ? Qui sera finalement le plus humain d’entre eux ? Des interrogations métaphysiques auxquels font écho d’autres, plus terre-à-terre, plus suspens. Comme savoir quel est vraiment le plan de Kokopelli et sa peluche et qui sont-ils exactement ? Il ne fait rapidement aucun doute qu’il s’agit bien de la réalité, puisque l’armée est bientôt de la partie, mais Mohiro Kitoh réserve quelques surprises, macabres, qui mettront encore plus à mal la foi, l’innocence et l’humanité des 15 héros malgré eux. Et si le jeu auquel il jouait n’était autre que la vie ? Et si Mohiro Kitoh ne jouait pas avec eux, et donc avec le lecteur ? En 2007, le studio Gonzo a produit une adaptation animée du manga en 24 épisodes, qui a engendré une petite polémique, car le réalisateur Hiroyuki Morita n’était pas fan de l’œuvre originale, voire la détestait, et a donc effectué de nombreux changements par exemple ne pas faire mourir les enfants. Il a donc demandé aux fans du manga de ne pas regarder l’animé.


Hoagie


Note de la rédaction

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

16.00,17.00,17.00,17.00,16.00,17.00,16.00,14.00

Les critiques des volumes de la série