Adam et Eve - Actualité manga
Adam et Eve - Manga

Adam et Eve : Critiques

Adam to Eve

Critique de la série manga

Publiée le Vendredi, 17 Novembre 2017

Hideo Yamamoto et Ryoichi Ikegami sont deux auteurs que nous connaissons assez bien en France. Le premier est l'auteur et dessinateur d'Ichi the Killer et Homunculus, le second ayant à son actif pas mal de titres en tant que dessinateur. Parmi-eux, Crying Freeman, Sanctuary, Heat, ou encore Lord. Le duo s'associe pour Adam et Eve, un récit en deux tomes dont les quinze chapitres furent prépubliés dans la revue Big Comic Superior de l'éditeur Shôgakukan. D'un côté, un scénariste qui a créé des titres nerveux, et de l'autre un dessinateur au style plus que présent, de quoi assurer la portée graphique de l'oeuvre au pitch surprenant.




Sept chefs de clans Yakuza se réunissent en compagnie féminine pour soirée où ils se voient refaire le monde. En effet, chacun de ces sept hommes a une particularité, une évidence qui le fait sortir du lot. C'est ensemble qu'ils projettent de balayer la Pègre japonaise actuelle et d'en établir une neuve. Pourtant, les festivités seront de courte durée. En plein milieu de la soirée surgissent deux entités, un homme et une femme, invisibles, qui prennent pour cibles les sept Yakuzas. Par leurs sens aiguisés, pourront-ils éradiquer cette menace aussi mystérieuse qu'inattendue ?



Sept chefs de clans aux talents indéniables, confrontés à deux entités invisibles qui tentent de les éradiquer. Voilà un programme surprenant, mais plein de promesse, que ce soit le style de son dessinateur, Ryoichi Ikegami, ou son immersion dans une Mafia nippone qui s'annonce sombre et sanglante. Et on ne s'y trompe pas, Adam et Eve est une série plutôt trash. Une grande partie du principe du titre repose sur sa linéarité, à savoir les confrontations successives entre des chefs de clans Yakuza aux talents hors du commun contre deux mystérieux individus invisibles. Il demeure alors un certain surnaturel tout le long des deux tomes, que ce soit les facultés des yakuzas qui sortent de l'ordinaire, les auteurs explorant le thème des cinq sens dans tous ces dons, ou la nature des deux entités qui ne sera dévoilée qu'à la toute fin. Pourtant, ça s'arrête là, dans une grosse partie du scénario en tout cas. Les auteurs se sont plu à dessiner un diptyque essentiellement centré sur une action très gore et abracadabrante. Au tour par tour, chaque chef de clan va se heurter à « Adam et Eve », cet homme et cette femme invisibles, utilisant leurs capacités pour venir à bout de cette menace, chacun y voyant un amusement, à sa manière.



Ces confrontations ont pourtant une qualité, celle de la mise en scène. Le dessin de Ryoichi Ikegami et très vivant et à cette patte crédible, notamment dans les expressions de visages parfois réalistes, quitte à apporter un aspect grossier à l’œuvre. Visuellement, les joutes entre les deux camps sont assez délicieuses, gores, mais jouissives, tant elles sont dans l'excès et que le dessinateur maîtrise très bien cette dimension du récit.

Et c'est l'un des problèmes qu'Adam et Eve va vite poser : son absurdité. Sur un tome et demi (la deuxième moitié du second volume étant plus particulière), la longue bataille amène ses situations grotesques et improbables. Plus que les entités invisibles, se sont surtout les dons de ces sept Yakuza qui étonnant tant on se situe dans un certain ridicule. Par exemple, le charismatique Smell a un odorat si prononcé qu'il savoure bien mieux ses boissons en les aspirant... par le nez, quand il n'ingurgite pas d'autres substances de manière surréalistes. L'un de ses collègues, lui, mise davantage sur le goût, au point qu'il aime tartiner ses bouts de pain du sang de ses victimes. Clairement, nous sommes dans une absurdité volontaire, chacune des entrées en scène des chefs de clan amenant son lot de séquences mémorables. L'évidence s'impose donc d'elle-même : Adam et Eve est un titre à prendre au second degré. Le cas contraire, la lecture serait désolante mais considéré comme de l'absurde, difficile de ne pas s'amuser tout le long des deux tomes... ou presque.



A ceci s'ajoute un goût assez prononcé pour les pratiques sexuelles, toujours traité avec un grand raffinement. Ainsi, dans son intrigue, Hideo Yamamoto trouve parfois le moyen d'implanter du sexe, de manière ridicule et non sans une pointe de macho, mais dont l'effet sera à peu près le même que le gore vu précédemment. C'est improbable et parfois sans aucun sens, mais les amateurs d'absurde pourront difficilement retenir leur rire.

Car arrive la conclusion du titre, une fin que les auteurs ont pris soin d'installer puisqu'elle occupe près de la moitié du second volume. Changement total de registre pour expliquer les élans fantastiques du titre, aussi les mangaka explorent la physique quantique, les facultés de notre cerveau, et le fait que certains des individus aient des perceptions tout à fait différentes. Pourquoi pas, après tout ? Seulement, le tout est conté avec un tel sérieux qu'on en vient à se demander si les auteurs n'ont finalement pas fait preuve d'un grand premier degré. L’œuvre penche avec vers le côté nanar de la force tant cette explication invraisemblable amène une succession d'événements décisifs qui font grimper la série dans une surenchère improbable toujours plus folle. Certes, les auteurs nous offrent bien une fin définitive plutôt qu'une conclusion ouverte, mais il est délicat d'être sérieusement convaincu par ce qui nous a été offert... à moins de prendre le titre avec un second degré très prononcé, une fois encore.


En tant qu'histoire sombre et gore prise avec le plus grand sérieux, Adam et Eve est un ratage totalement absurde. En revanche, avec du recul et un esprit taquin d'appréciateur de nanar, alors le titre de Ryoichi Ikegami et Hideo Yamamoto devient un bon mauvais manga désopilant, presque jouissif dans son absurdité à certains instants, et dont les explications finales procureront un amusement certain. A ce propos, la note qui accompagne cet écrit est celle d'un titre élaboré dans le plus grand des sérieux puisque c'est dans cette optique que le récit nous a été vendu à nous, lecteurs français. En revanche, pris sur un autre ton, l'expérience est nettement différente, et son résultat aussi !

Du côté de l'édition, on soulignera le très bon travail offert par Kazé. En dépit d'un papier un peu trop fin, mais justifié par l'épaisseur des tomes, les couvertures sur papier couché mât ont fière allure, bien que les illustrations s'avèrent un poil trop sérieuses donc trompeuses. La traduction de Yohan Leclerc s'avère très convaincante, le texte parvenant à faire ressortir les différentes situations absurdes, donc le cœur du récit.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato

8 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs
11.5/20

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

11.00,11.00

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