Interview de l'auteur
Publiée le Jeudi, 15 Novembre 2018
Au printemps dernier s'est tenue la nouvelle édition des Tsume Fan Days, événements dédié aux productions du fabricant, et marqué par son lot d'invités. Parmi eux, Saori Nakashiki, une animatrice qui a eu l'occasion de travailler sur bon nombre de séries et qui s'est illustrée il y a quelques temps sur Jojo's Bizarre Adventure Diamond is Unbreakable, adaptation animée de la quatrième partie du manga de Hirohiko Araki.
Ainsi, nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec l'artiste qui se livre sur ses expériences et son travail sur la fresque Jojo.
Pouvez-vous vous présenter pour le public français, et nous parler de votre parcours ?
Saori Nakashiki : Je travaille depuis neuf ans dans l'animation. Je fais de l'animation clé et suis aussi directrice de l'animation.
Concernant mon parcours, j'ai toujours aimé dessiner. A 18 ans, je me suis inscrite dans une école spécialisée. Après deux années d'études, j'ai intégré le studio Artland.
Pourquoi avoir voulu faire ce métier ?
Saori Nakashiki : En effet, j'aime dessiner mais j'aurais finalement pu faire du manga ou autre chose. J'ai pu ressentir le potentiel de l'animation japonaise et son dynamisme grâce à Evangelion. C'est pour ça que j'ai voulu rejoindre le milieu de l'animation japonaise.
Quel a été le premier anime sur lequel vous avez travaillé ?
Saori Nakashiki : C'était l'anime Reborn !, tiré du manga d'Akira Amano et prépublié dans le Shônen Jump. C'est un projet sur lequel j'étais intervalliste.
Quand avez-vous commencé à travailler sur Jojo's Bizarre Adventure ?
Saori Nakashiki : Même si j'avais déjà un peu aidé sur la série auparavant, ma vraie première participation a commencé sur la quatrième partie, Diamond is Unbreakable. C'est grâce à Terumi Nishii, character-designer sur cette même partie, que j'ai pu rejoindre David Production et le projet Jojo's Bizarre Adventure.
Quel est votre rôle, au jour le jour, sur la production de Jojo's Bizarre Adventure ?
Saori Nakashiki : Comme son nom l'indique, le storyboarder créé le storyboard. Les animateurs clés, eux, établissent un brouillon des plans principaux. Vient ensuite le directeur de l'animation, mon rôle, qui doit corriger ces plans et donner des directives pour harmoniser le dessin. Les animateurs clés finalisent ensuite leurs plans et j'apporte de nouvelles corrections. Mon rôle consiste surtout à corriger les animations clés.
Quelles sont les difficultés dans l'adaptation du manga Jojo en anime ?
Saori Nakashiki : Jojo est connu pour son style très dynamique mais aussi exagéré et disproportionné, dans le bon sens du terme. La difficulté vient dès le storyboard car il faut reproduire cette ambiance en anime. Évidemment, la tâche est aussi difficile pour un directeur de l'animation.
Quelle est l'implication de Hirohiko Araki, l'auteur de Jojo, dans votre travail sur la saga ?
Saori Nakashiki : Dans le cas de Jojo, en qualité de directrice de l'animation, je n'ai aucune interaction avec l'auteur. Par contre, Terumii Nishi, le character-designer de l'anime, a eu l'occasion de le rencontrer plusieurs fois et d'organiser des meeting pour la production de la série.
Est-ce que le fait de travailler dans l'animation a impacté votre vision de cet art et votre passion ?
Saori Nakashiki : Globalement, la relation que j'ai avec l'animation est devenue plus professionnelle. Dans le cas de Jojo, j'aimais de base le manga original. Jusqu'à la partie 3, je lis l’œuvre en tant que fan. Mais sur Diamond is Unbreakable, j'ai un regard différent et plus professionnel. Cette relation a évolué mais ne s'est pas détériorée.
Plus globalement, ça dépend des personnes. Certains adoraient les anime durant leur jeunesse et vont devenir désabusés en voyant la réalité du milieu. Ou, au contraire, d'autres continueront de regarder leur série préférée chaque semaine. Dans le cas de Jojo, les gens qui travaillent sur la série sont des fans qui viennent travailler avec leurs accessoires et goodies de la série. Chaque personne appréciera les choses à sa manière.
Que regardez-vous comme anime, si vous continuez à en regarder ?
Saori Nakashiki : Je n'ai pas le temps de regarder la télévision à heure fixe, donc je regarde plutôt des anime sur Netflix et Amazon Prime. Cette année, j'ai adoré Devilman Crybaby.
Et lisez-vous des mangas ?
Saori Nakashiki : J'en lisais beaucoup auparavant. Je continue à en lire, mais un peu moins aujourd'hui. J'adore les shônen, mais impossible de me souvenir du dernier que j'ai lu. (rires)
Un dernier mot pour nos lecteurs français ?
Saori Nakashiki : On espère que les français sauront apprécier les nouveaux anime japonais et continueront de nous encourager.
Interview réalisée par Dkrevenge. Remerciements à Saori Nakashiki et à l'équipe des Tsume Fan Days.
Interview n°2 de l'auteur
Publiée le Vendredi, 18 Octobre 2024
Fin juin, le salon Japan Tours Festival accueillait quelques invités animation intéressants parmi lesquels Saori Nakashiki.
Animatrice et chara-designer, celle-ci a démarré sa carrière au sein du fameux Studio Artland. Elle fait ses débuts en tant qu’intervalliste sur la série Reborn! ainsi que sur d’autres productions comme Berserk The Golden Age et Deadman Wonderland. Devenant animatrice-clé par la suite, elle participe à plusieurs épisodes de Saint Seiya Omega, et Mushishi avec notamment son mentor Nishii Terumi. Cette dernière étant la chara-designer de JoJo’s Bizarre Adventure : Diamond is Unbreakable, elle invite Saori Nakashiki au studio David Production en tant que chef animatrice pour ce projet. Forte de son talent, elle participe aussi au film One Piece Red en tant que directrice de l'animation. Et plus récemment, elle occupe le poste de character designer sur les séries The Great Jahy will not be defeated, Sasaki and Peeps et Tales of Wedding Rings.
Bien que nous l’ayons déjà rencontrée en 2018 pour une interview 100 % JoJo, c’est avec plaisir que nous sommes repartir à sa rencontre, pour une interview que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui.
Saori Nakashiki en pleine représentation publique de dessin sur tablette.
Saori Nakashiki, bonjour et merci d'avoir accepté cette interview. Vous avez fait vos débuts chez Artland, studio très réputé et aujourd'hui disparu. Quel souvenir gardez-vous du travail chez ce studio et de vos premiers postes là-bas ? Et qu'est-ce que ces premières expériences vous ont apprise ?
Saori Nakashiki : Enchantée, et merci de vous intéresser à moi !
A la base, chez Artland, j'étais surtout intervalliste, et mon objectif était vraiment de devenir animatrice-clé.
Mes premières expériences en tant qu'intervalliste m'ont permis de me rendre compte de la difficulté de ce métier, et m'a permis de découvrir différentes facettes du travail dans l'animation.
On sait que Terumi Nishii est une vraie mentor pour vous. Elle vous a même poussée à rejoindre le studio David Production pour travailler sur JoJo's Bizarre Adventure. Pour quelles raisons en particulier ?
Terumi Nishii est du genre à prendre énormément d'initiatives, et pas uniquement dans son travail dans l'animation.
L'artiste en train de réaliser pour nous un joli dessin de Jahy.
Pourquoi admirez-vous Terumi Nishii, et que vous a-t-elle appris quand vous avez eu l'occasion de travailler ensemble ?
Elle m'a appris des astuces et méthodes pour réaliser correctement les poses-clés, puisque c'est le domaine vers lequel je m'orientais.
Egalement, elle m'a beaucoup aidée quand j'ai eu l'occasion d'être directrice de l'animation: elle était constamment à mes côtés, et c'était beaucoup plus facile de travailler en ayant quelqu'un sur qui me reposer et en qui j'avais confiance.
Et quelle est votre relation aujourd'hui ?
Aujourd'hui, elle reste toujours une partenaire de travail précieuse.
Je n'ai pas toujours l'occasion de collaborer avec elle, mais quand on me propose du travail où elle fait partie de l'équipe j'accepte toujours car c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup.
De plus, au sein du studio Shiokaze (studio pour lequel Terumi Nishii et Saori Nakashiki travaillent, ndlr), on organise souvent des sorties entre collègues pour aller voir des films, ce qui est l'occasion de sortir du cadre du travail tout en restant en contact.
Ces dernières années, vous avez connu une nouvelle avancée importante dans votre carrière, en vous voyant confier le character design de The Great Jahy Will Not Be Defeated, Tales of Wedding Rings et Sasaki and Peeps, or il semble que c'est un poste qui vous plaît beaucoup. En quoi ?
Ce n'est pas spécialement mon poste préféré, car en réalité j'aime bien toucher à tout.
A partir du moment où je commence à faire du doga j'ai envie de faire du genga, puis j'ai envie de passer sur du character design... Vous voyez l'idée: j'apprécie de varier souvent les plaisirs, j'ai des envies très diverses, et je ne veux pas me limiter à un seul rôle. Alors quand on m'a offert l'opportunité d'ajouter une corde à mon arc avec du character design, ça m'a réjouie.
Du coup, aimeriez-vous continuer à étendre vos postes dans l'animation à l'avenir ? Par exemple, pourquoi pas la réalisation un jour ?
Je serais plutôt branchée par la conception de storyboards et par la mise en scène.
Bien sûr, ça me plairait aussi beaucoup d'être réalisatrice,mais je pense que pour l'instant je n'ai pas encore les fondations pour ça.
Quels challenges avez-vous pu rencontrer pour bien vous réapproprier les designs d'origine de The Great Jahy Will Not Be Defeated, Tales of Wedding Rings et Sasaki and Peeps, sachant qu'à la base Jahy et Wedding Rings sont des mangas, et Sasaki and Peeps un light novel comportant donc moins d'éléments visuels ?
Ce que je fais dans chaque cas, c'est que j'essaie de dessiner les personnages une première fois, puis je compare chaque détail différent entre ma version et la version d'origine, et je corrige petit à petit, à plusieurs reprises, jusqu'à obtenir le résultat escompté.
Auriez-vous une anecdote sur une difficulté que vous avez pu rencontrer sur ces designs ?
Si vous me demandez si j'en ai bavé parfois, en fait c'est constamment le cas ! (rires)
Par exemple, dans le cas de Tales of Wedding Rings, ça a été très compliqué car dans le manga d'origine il y a énormément de traits. Or, mon travail, c'est aussi de faire en sorte que mes designs soient facile à reproduire pour le reste de l'équipe. J'ai donc dû cravacher pour trouver comment limiter le nombre de traits sans dénaturer les design d'origine de Maybe, et l'équilibre a été très dur à trouver. Cela ne convenait pas à tout le monde: certaines personnes me disaient que le manque de traits leur rendait la tâche plus compliquée que s'il y avait des détails. En somme, ça dépendait vraiment de chaque personne, et mon travail à moi était de satisfaire chacune.
Un bel instant du salon: l'illustre Shigeyasu Yamauchi (Saint Seiya, Dragon Ball Z, Casshern Sins...) admirant le travail de sa collègue !
On connaît aussi votre attrait pour le manga ! Quelles sont vos références en la matière, et les mangas récents qui vous ont le plus plu, et pourquoi ?
J'en lis énormément, donc j'ai un peu de mal à me décider !
Je lis surtout des magazines numériques car la lecture sur écran m'apparaît plus simple, et en ce moment je suis à fond sur Isshô Senkin. Si vous avez l'occasion de le lire en France, ce serait ma recommandation du moment.
A part ça, l'une de mes grandes références restera toujours Evangelion, même si je préfère l'anime au manga. Cependant, je serais incapable de donner mon manga numéro 1, car j'en ai énormément qui me traversent l'esprit.
Envisageriez-vous, un jour, vous lancer dans un nouveau challenge en créant votre propre manga, vous qui aimez justement vous diversifier ?
J'adorerais essayer d'en dessiner un un jour !
Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Saori Nakashiki, à son interprète Caroline Alexandre, et aux équipes de Japan Tours Festival.