Chronique animation - Mobile Suit Gundam : L'Éclat de Hathaway, film 1- Actus manga
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Dvd Chronique animation - Mobile Suit Gundam : L'Éclat de Hathaway, film 1

Dimanche, 25 Juillet 2021 à 14h00 - Source :Univers Animation

Pour le plus grand bonheur de ses fans, la saga Gundam semble immortelle. Après avoir existé essentiellement par ses univers alternatifs dans les années 2000 (ce qui a amené des portes d'entrées efficaces telles que Gundam SEED et Gundam 00), la série est revenue à son calendrier principal avec les années 2010, via des projets globalement salués comme Gundam Unicorn, Gundam Thunderbolt et Gundam : The Origin. En avril 2018, le studio Sunrise présente le projet UC Next 100, visant à faire évoluer la chronologie de l'Universal Century, ce qui débuta avec le film Mobile Suit Gundam Narrative qui reçut un accueil plutôt mitigé.

Le prochain projet de cet univers clé, c'est la production de la trilogie Mobile Suit Gundam : Senkô no Hathaway, baptisée sobrement Mobile Suit Gundam Hathaway à l'international, et Mobile Suit Gundam : L’Éclat de Hathaway chez nous. La sortie dans nos contrées est d'ailleurs un sujet dense sur lequel nous reviendrons plus tard.


A l'origine, Hathaway est une série de trois light novel écrite à la fin des années 80 par Yoshiyuki Tomino, le créateur de Gundam, sur les illustrations et couvertures de Haruhiko Mikimoto. Une série courte de romans à l'enjeu défini : Narrer les événements suivant le film Char contre-attaque, véritable point décisif de l'Universal Century à plus d'un égard. Aujourd'hui, ce statut est à nuancer car des récits comme Unicorn ont vu le jour, et nous ont permis de découvrir le monde après la fameuse rébellion de Char Aznable.
Concernant les light novel, il est à noter qu'une réédition a vu le jour pour résonner avec l'adaptation animée, Mikimoto ayant signé les nouvelles couvertures.

Ainsi, ces romans sont le socle du nouveau projet anime ambitieux rattaché à l'Universal Century. Prévue comme une trilogie, cette saga dans la saga est dirigée par Shukô Murase, un animateur à l'éventail large que les fans ont d'abord pu voir à la direction de l'animation de Gundam F91 ainsi qu'au character-design de Gundam Wing. Ces deux exemples montrent bien la polyvalence du réalisateur qui a su mener un résultat fascinant, sur lequel nous nous exprimerons après cette phase de présentation. Au scénario, c'est Yasuyuki Muto qu'on retrouve, un choix logique puisque l'auteur adapta aussi l'intrigue des romans Gundam Unicorn pour les OVA. Il est donc particulièrement rompu au travail d'adaptation d'une œuvre littéraire pour des formats de moyens et longs métrages. Parmi les rôles principaux, on notera l'adaptation du character-design de Haruhiko Mikimoto par Pablo Uchida, une autre force indéniable de ce premier film. Hiroyuki Sawano, après avoir fait des merveilles sur Unicorn et Narrative, rempile pour la bande-originale. Une tâche ardue pour ce compositeur dont certains reprochent le manque de capacité à se renouveler, sachant que l'histoire de L’Éclat de Hathaway est suffisamment dense pour mettre en relief des registres avec lesquels Sawano a peut-être moins l'habitude de composer.


Le fils du prodige, porteur d'une révolte terroriste

En l'an 0105 de l'Universal Century, douze années se sont écoulées depuis la rébellion de Char Aznable qui n'a pas abouti à la migration spatiale massive de l'humanité que le leader de Neo Zeon espérait tant. La Fédération conserve son hégémonie sur la Terre et ses colonies, mais c'est sans compter la naissance d'un nouveau groupe d'opposants : Mafty. Cette armée terroriste agit pour des desseins similaires à ceux de feu Char Aznable, tout en pointant du doigt le régime fédéral, porté par une poignée de puissants, qui doit changer.


Dans une navette prête à rejoindre la Terre se trouvent certains puissants en lien avec le gouvernement fédéral. Quand l'engin est pris d'assaut par un groupe qui se prétendent être Mafty, un jeune garçon entre en scène et permet de mettre les terroristes en déroute. Hathaway Noah est ce sauveur, comme il est le véritable leader de Mafty, et a donc compris que les assaillants n'étaient que des faussaires. Cet événement l'amène à rencontrer deux individus : Kenneth Sleg, jeune capitaine des forces fédérales, et Gigi Andalucia, une jolie jeune fille au tempérament imperceptible, et qui rappellera à Hathaway le fantôme de Quess Paraya. Arrivé à Davao, ville accueillant le luxueux hôtel abritant les collaborateurs forts de la Fédération, Hathaway va devoir faire des choix, et ne pas oublier le combat qu'il mène...

Un film qui demande des prérequis

Gundam : L’Éclat de Hathaway est un film particulier. S'attirant les louanges de ses spectateurs et même de certaines personnalités telles que Hideo Kojima, le métrage ne peut pourtant pas être conseillé comme une première approche de Gundam. Ce à juste titre, puisque le film est l'adaptation de romans de Yoshiyuki Tomino a écrit comme suite à sa réalisation précédent d'époque, Char contre-attaque. C'est donc comme une séquelle que ce premier volet doit être considéré, sans quoi le spectateur prendrait le risque de passer à côté de bien des points cruciaux de l'intrigue.


Ce premier métrage met en avant un Hathaway que nous avons autrefois connu comme un adolescent un poil braillard, et qui a assisté malgré lui aux drames de la guerre. Nous le quittions sans trop savoir ce qu'il était devenu après le film et sa fin abrupte, et nous le retrouvons en qualité de jeune leader d'une organisation terroriste. Ce statut en lui-même est peu commun, car rares sont les films à porter en figure héroïque un meneur utilisant la terreur comme outil de progression scénaristique. Et ça tombe bien, car Hathaway n'est jamais montré comme un héros, lui non plus. Et pour comprendre cet état d'esprit du film, c'est Char contre-attaque qu'il faut avoir en tête, en se remémorant les actions du garçons et les pertes qu'il a subies. En partant de là, et à l'écoute des paroles poignantes du générique d'ouverture qu'est la chanson Mobius, alors le personnage prend beaucoup de sens. L'un des intérêt du scénario se trouve déjà planté : Nous allons découvrir la situation du monde dans une autre ère post rébellion de Char Aznable, mais nous nous apprêtons surtout à découvrir un personnage principal complexe, tiraillé, ambigu et contradictoire. Depuis le début de Gundam, Yoshiyuki Tomino se montrait audacieux avec ses têtes d'affiche, un leitmotiv qui ne l'a pas quitté lors de l'écriture des romans Hathaway.

Un premier épisode calme, jouant sur la psychologie et la tension

Le spectateur davantage porté par l'aspect scénaristique pur sera peut-être décontenancé par la trame de ce premier film. Pas de grandes péripéties ni de guerre qui chamboulera les enjeux de l'univers, puisque l'histoire proposée par Yoshiyuki Tomino est plus solennelle, voire intimiste. Le récit est donc celui de Hathaway, garçon hanté par les horreurs auxquelles il a assisté autrefois, au cœur de quelques événements qui vont le mener à s'interroger, tandis que certains rencontres le mettront de nouveau face aux fantômes du passé. Sa relation avec la jeune Gigi Andalucia revêt alors un intérêt central, puisque qu'elle renvoie à l'amour qu'a éprouvé le garçon pour Quess Paraya dans le film Char contre-attaque, confirmant l'importance d'avoir vu quelques productions Gundam précédentes avant de s'attaquer à L’Éclat de Hathaway.


D'une manière très globale, les relations entre personnages et les doutes qui parcourront ces derniers constituent tout l'intérêt de ce premier film. La situation géopolitique est rapidement fixée et n'évoluera pas spécialement, alors c'est aux parcours de protagonistes de nous subjuguer sur ce premier long métrage. Ça ne manque pas, ne serait-ce par la patte de Yoshiyuki Tomino très présente, que ce soit par les échanges piqués entre les personnages, leurs facettes multiples, voire des enjeux intimes (pour ne pas parler de tension sexuelle) qui ne seront jamais vraiment dissimulés. En ce sens, les plus naïfs verront en Gigi une simple allumeuse, convoitise de ses messieurs au tempérament qui joue constamment au yoyo, mais ce serait ne pas lire entre les lignes. On pourrait dire que Gigi façonne les figures que sont Hathaway et Kenneth, l'ambiguïté de la demoiselle jouant sur son impeccable aura mystérieuse, tandis que sa présence seule permet au protagoniste diverses remises en question qui ne font qu'enrichir sa propre complexité. Au-delà de ça, on y verra une occasion pour Tomino de parler de nouveau, à sa manière, des rapports entre homme et femme, caractérisés par le désir et la dualité, un aspect immuable de ses premiers écrits Gundam.

Mais ne cantonnons pas ce premier épisode de Hathaway à une simple histoire calme entre personnages : Leurs réflexions mettent toujours en exergue les problématiques de l'univers de manière plus frontale, notamment via des jeux d'ambiance permanent, tandis que la deuxième moitié joue davantage dans l'action entre une évasion en plein territoire de conflit, puis une mission sauvetage qui plante les graines de rivalités qui pourrait émerger par la suite. Le premier film de Hathaway a une balance équilibrée, afin que l'épisode ait en besace suffisamment d'éléments pour plaire aux différents profils de spectateurs.

Shukô Murase, sa vision cinématographique de Gundam

Comme dit précédemment, Shukô Murase est un artiste aux multiples facettes, mais qui n'avaient pas eu les rennes d'une œuvre Gundam jusqu'à maintenant. Il avait imposer sa patte à sa manière, que ce soit par des character-design ou des direction d'animation, son travail ayant d'ailleurs contribué à l'excellente qualité visuelle du film F91. Avec L’Éclat de Hathaway, voilà l'occasion pour l'animateur d'endosser la casquette de réalisateur et de proposer sa vision.


Ainsi, l'atmosphère si particulière, sombre et envoutante, de ce premier film semble attester d'une véritable proposition. Le scénario écrit initialement par Yoshiyuki Tomino n'est pas la seule pierre à l'édifice du métrage sort du lot par son ambiance, puisque la réalisation a un impact à chaque instant. Pour accompagner le script de Tomino, Shukô Murase passe par énormément de jeux de regard et de gestuelle. Le travail de character-design de Pablo Uchida résulte probablement d'une collaboration forte entre les deux artistes tant l'expressivité des personnages est au service de la mise en scène, et la mise en scène au service de ces protagonistes subtiles dans leurs expressions. Les dialogues ne font pas tout, aussi il faut prêter attention aux jeux de regards voire aux détails des contacts tactiles pour saisir les nuances des personnages, et la manière dont Shukô Murase cherche à expliciter l'histoire complexe de Yoshiyuki Tomino. Comme pour Char contre-attaque, chaque visionnage apportera son lot de perspectives nouvelles mais sur un plan différent : Celui des intentions de réalisation à l'égard des psychologies dépeintes. Les intentions de réalisations concernent aussi les moments d'action, parfois sombres et violents, qui appuient davantage les dilemmes moraux et politiques que l'épique par le prisme des robots géants. Le rendu est certes différent des autres œuvres Gundam, mais la proposition esthétique et de mise en scène demeure évidente, afin de donner à L’éclat de Hathaway une identité propre, à laquelle le spectateur adhèrera ou non.


Qu'attendre de la suite ?

Si ce premier métrage est une véritable leçon de mise en scène et d'écriture de ses protagonistes, l'histoire ne peut être véritablement jugée pour le moment. Ce volet présente les bribes d'un conflit par le regard d'une poignée de personnages, en gardant une allure toujours très intimiste de manière à laisser de multiples possibilités aux deux épisodes suivants. La saga Hathaway a donc beaucoup à montrer et à dépeindre, d'autant plus que sa trame est assez nébuleuse pour empêcher le spectateur de deviner concrètement la suite du programme, même si on imagine déjà des enjeux politiques abordés de manière plus frontale et élargie, et non pas restreinte sur un petit cercle de personnages. Alors, on pourra regarder ce premier film d'un autre œil une fois que l'histoire sera complétée.


Une sortie française en demi-teinte

L'arrivée des différents films Gundam sur Netflix avait de quoi réjouir, mais fut finalement accompagnée de réactions mitigées. En cause notamment, des retouches de traduction par la plateforme incompréhensibles, sachant que des pistes de sous-titres de très bonne facture existent aujourd'hui.

L’Éclat de Hathaway était attendu au tournant, ce pour une raison encore plus importante : La présence d'un doublage français, soit une première pour Netflix. Mais que ce soit pour la VF ou la version originale sous-titrée, difficile d'être élogieux. Les deux pistes souffrent d'une lacune similaire, celle de l'adaptation teintée de contresens ou de simplifications un peu hasardeuses, nuisant à la subtilité du script dans son ensemble. Rien qui empêche le spectateur de comprendre l'histoire qui lui est présentée, mais il faut admettre que cette fausse note est contraignante dans un film qui appuie autant la richesse de ses personnages et de leurs relations. Si cet aspect peut être nuancé pour la version française, difficile de donner le moindre bénéfice du doute à la plateforme concernant la vost, puisqu'il existe là aussi une traduction française officielle fournie sur les Blu-ray japonais. Netflix a volontairement mis son grain de sel dans cette traduction quitte à la déformer, ce qui est difficilement justifiable.

Et si ce point caractérise aussi la VF, on pourra néanmoins saluer les prestations très bonnes des comédiens, dans l'ensemble. Produit au sein du studio Hiventy sous la direction d'Eric Sola, le doublage s'avère de bonne facture concernant Thomas Roditi et Cindy Lemineur qui campent respectivement Kenneth Sleg et Gigi Andalucia, en parvenant à justement retranscrire leurs identités et leurs nuances. Hathaway, lui, est interprété par Maxime Baudouin, dont la bilan de la prestation est un peu plus mitigée. Si le comédien retranscrit la dualité interne du protagoniste, constamment en proie en doute, il reste en permanence sur cette ambiguïté et change rarement de ton, là où Hathaway est un peu plus riche et vivant dans la version originale. C'est comme une seule intention du personnage avait été saisie, sachant que le protagoniste cache bien plus de nuances. A ceci s'ajoutent des soucis de prononciations de noms et de termes, un couac qu'on n'attribuera pas aux comédiens mais peut-être plus aux conditions de production de ce doublage.


On pourra aussi reprocher le rendu de l'image chez Netflix, parfois bien trop sombre, obligeant le spectateur à s'isoler dans l'obscurité complète lors des scènes de nuit, là où le Blu-ray japonais n'a pas ce soucis. Assez dommage puisque les scènes cruciales sont justement celles qui se jouent de nuit, et appuient l'excellente réalisation de Shukô Murase.

Une nouvelle fois, la version made in Netflix est des plus curieuses. On espère alors que All the Anime se saisira du film pour en proposer une copie Blu-ray accessible avec une meilleure traduction, même si on peut d'ores et déjà exclure la présence du doublage français puisque la politique scandaleuse du géant de la VOD joue sur les tarifs exorbitants de ses VF.

L'avis du chroniqueur
Takato

Dimanche, 25 Juillet 2021
17 20

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