Nouvelle chronique animation pour Beastars - Saison 1- Actus manga
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Dvd Nouvelle chronique animation pour Beastars - Saison 1

Samedi, 24 Juillet 2021 à 16h00 - Source :Univers Animation

Beastars est une œuvre dont la montée fut croissante. Lors de sa parution au Japon, le titre de Paru Itagaki suscita bien des intérêts, au point de remporter certains titres comme la meilleure nouveauté au Prix culturel Osamu Tezuka de 2018, ou le Manga Taisho Award de la même année. De notre côté, il était difficile de ne pas développer une fascination pour ce titre présentant une monde d'animaux anthropomorphes. L'arrivée du manga chez nous, début 2019, se fit en grandes pompes, avec présence de la mangaka au Festival International de la Bande-Dessinée d'Angoulême, tandis que les premiers volumes n'ont pas mis longtemps à convaincre.

Beastars, le manga, était un succès à grande échelle, si bien qu'une adaptation animée était envisageable, et ce bien que l'œuvre de Paru Itagaki affichent une esthétique et un parti pris originaux. L'idée fut concrétisée à l'automne 2019 avec une première saison de 12 épisodes produite par le studio Orange. Ce dernier avait déjà contribué à bon nombre de projets et montra son utilisation de la 3D avec l'anime L'Ere des Cristaux, et c'est ce choix qui est réitéré pour transposer le manga animalier. Une décision qui pouvait surprendre, mais le résultat a su se montrer convaincant en terme de choix d'adaptation purs, comme nous le verrons plus tard.


Le staff est assez intéressant à décortiquer. La série est réalisée par Shinichi Matsumi, un artiste au CV pas forcément étendu mais qui a l'expérience de la variété. Il a œuvré aussi bien sur des séries que sur des longs-métrages, notamment avec le studio Ghibli, ce qui pourrait justifier la dimension très cinématographique de la réalisation (on y reviendra, là aussi). La composition scénaristique est assurée par Nanami Higuchi, dont il s'agit du travail le plus ambitieux à l'heure actuelle. Avant ça, elle est passé sur quelques projets dont une ONA de la licence The Idolm@ster Cinderella Girls, Kill La Kill ou encore Little Witch Academia. On retiendra aussi le character-design de Nao Ootsu, artiste passé sur des postes différents pour les anime Yo-Kai Watch, Gambling School ou L’Ère des Cristaux, ce dernier ayant dû opérer les choix juste pour une modélisation en CGI. Enfin, soulignons la présence de Satoru Kôsaki à la composition musicale. Ce dernier a composé pour plusieurs séries à succès dont la saga « Monogatari », Nisekoi, Monster Strike ainsi que Lucky Star. Un beau casting en ce qui concerne les figures essentielles, dont on note la polyvalence de chacun.

Au Japon, cette première saison de Beastars fut diffusée entre le 10 octobre et le 26 décembre 2019. De notre côté, c'est le 13 mars 2020 que cette première partie de l'anime a débarqué, sur Netflix. Un créneau idéal puisque c'est à cet instant qu'a débuté la crise sanitaire du Covid-19, et par conséquent le premier confinement stricte en France. Pour certains spectateurs, peut-être que la série animée résonnera avec cette période particulière.


Une société animale, un meurtre, une histoire d'amour

A l'instar du manga, Beastars a pour particularité de nous plonger dans une société habitée par des animaux anthropomorphes uniquement. Ce monde est essentiellement scindé en deux catégories : Les carnivores d'un côté, et les herbivores de l'autre. Seulement, un tabou existe : L'interdit de la consommation de viande. Les "carnis" sont ainsi interdits de manger de la chair, ce qui n'empêche pas les "herbis" de les craindre.

Des tensions existent alors dans cette société, et seront renforcées par le tragique événement qui marquera l'institut Cherryton. Tem, un alpaga, est retrouvé mort dans l'enceinte du lycée, ce dernier ayant été dévoré. Il n'en faut pas plus pour placer l'établissement en état d'alerte, et renforcer la scission entre carnivores et herbivores. Grand loup gris, Legoshi est forcément craint des mangeurs de plantes et de légumes. Pourtant, il n'y a pas plus docile que lui. Certes grand, il reste un adolescent timide et un poil introverti. Ce membre du club de théâtre ne ferait pas de mal à une mouche, d'autant plus que Tem était son ami. C'est d'ailleurs pour honorer sa mémoire qu'il approche une autre alpaga pour lui confier les sentiments que Tem éprouvait pour elle.


Pourtant, l'instinct de prédateur de Legoshi le rattrape un jour, quand il croise la route d'une petite lapine en pleine nuit : Haru. A deux doigts de recevoir un coup de croc, elle parvient toutefois à fuir, avant que le loup reprenne ses esprits. Plus tard, Legoshi se retrouve face à face avec Haru, et ne pourra plus la congédier de son esprit. Serait-il possible que le loup soit tombé amoureux de celle qu'il a manqué de croquer ? Une étonnante amitié est sur le point de débuter, tandis que le club de théâtre auquel appartient Legoshi sera sans cesse frappé par les tensions entre les deux types d'animaux.

Une fable sociale, et une tranche de vie sentimentale

Beastars a de quoi interpeller d'entrée de jeu, par son esthétique. Voir une série d'animation japonaise moderne présentant un casting uniquement formé d'animaux humanisés est chose rare, et voir une œuvre assumé à 100% ce parti-pris en terme de construction d'univers l'est encore plus. Né de l'imaginaire de la talentueuse Paru Itagaki, Beastars affirme ses codes d'entrée de jeu, plantant ses dilemmes et les us et coutumes de ce monde anthropomorphe qui intrigue dès les premières minutes. Une amorce envoutante donc et qui prendra totalement le non lecteur du manga par surprise : Car si Beastars débute par un événement macabre, c'est plus globalement la poésie de cet univers, marqué par les relations entre personnages souvent conflictuelles, qui construira l'ADN de cette première saison.

Le meurtre de Tem dans le premier épisode lance des hostilités, mais le grand intérêt de cette première partie de l'histoire vient surtout du parcours de trois personnages distincts : Legoshi, le cerf Louis, et Haru. Trois portraits uniques qui viendront former un triangle amoureux qui confirme qu'au-delà du récit de société, Beastars est aussi une tranche de vie sentimentale adolescente, gravitant autour de personnages jeunes et qui se cherchent. D'une manière globale, ce premier segment de l'intrigue peut être appréhendé de bien des manières. Le caractère social ressortira de manière évident aux yeux de certains, tant il y a de parallèles à faire avec notre propre réalité, malheureusement toujours marquée par la crainte de l'autre et de la différence. Mais à côté, d'autres seront davantage émus par les propositions relationnelles de ces douze premiers épisodes, qu'il s'agisse de l'histoire d'amour entre Legoshi et Haru, ou la rivalité si dense qui marquera le protagoniste et le fier Louis, un personnage on ne peut plus charismatique mais certainement pas infaillible.


Beastars évolue donc sur plusieurs plans, et parvient toujours à tomber juste. L'univers créé par Paru Itagaki, mis en image par les animateurs du studio Orange, trouve sans cesse une forme de légitimité, les concepts de l'univers se répondant sans arrêt et parvenant à marquer les personnages dans chaque situation. L'ensemble se lie avec une solidité indéniable, et c'est ce qui donne une force à la série, que ce soit en terme de scénario ou d'univers. Dans cet ordre d'idées, le récit parvient à justifier les quelques instants de tension sexuelle entre les personnages pour ne pas donner dans le furry. Certes, ce sont des animaux qui échangent entre eux, mais ces figures sont avant tout des jeunes gens en proie à des sentiments et des émotions, avec pour fil rouge l'ode à l'acceptation de l'autre, tout en assumant ses différences. Une idée qui, d'ailleurs, sera sublimée dans l'un des arcs à venir qui fera certainement l'objet de la troisième saison, fraîchement annoncée à l'heure où ces lignes sont écrites.

Du papier à l'écran : Une 3D pertinente et des choix de réalisation audacieux

Le manga Beastars est une expérience scénaristique, mais aussi graphique. Le trait de Paru Itagaki est extrêmement expressif, tandis que la mangaka détaille son casting d'animaux visuellement, par son coup de crayon. Les bêtes qui forment la société dépeinte dans ce manga ne paraissent jamais lisses, notamment parce que le dessin permet d'entrevoir les textures des pelages, les crinières des personnages, voire leurs plumes, leurs peaux ou leurs écailles, selon l'origine de la créature en question. En ce sens, le choix de la CGI pouvait surprendre. Les bandes-annonces montraient un rendu très différent de celui du manga, plus lissé, tandis que les personnages ne présentent pas cette énergie cartoonesque propre au manga de Paru Itagaki. Voilà un véritable choix artistique, une décision d'adaptation qui pouvait faire tiquer les fans. Pour autant, cette première saison de Beastars est justement une excellente adaptation, qui choisit de prendre à contrepied un aspect de l’œuvre d'origine pour narrer cette histoire en exploitant au maximum les techniques sélectionnées.

Shinichi Matsumi est un artiste qui fut assistant réalisateur sur Pompoko et Porco Rosso. Dans sa carrière, il a ainsi pu développer une patte cinématographique qu'on retrouve pleinement dans Beastars, anime dont il détient les rennes. La CGI lui permet d'opter pour des angles de caméra qui retranscrivent souvent la grandeur de cette société animale dans laquelle Legoshi peut faire office de figure au dessus des autres, de par sa qualité de grand loup gris. La forte présence du club de théâtre dans cette première saison permet aussi à l'équipe autour de la série de travailler une théâtralité, ce qui n'a rien d'anodin puisque Beastars est une histoire qui met au cœur les tourments d'adolescents en proie à leurs conditions animales respectives. On pourrait dire que le scénario de Beastars a un côté shakespearien, comme l'atteste l'histoire d'amour entre Legoshi et Haru, celle d'un loup et d'un lapin qui n'a a priori pas lieu d'être. La vision ambitieuse de Shinichi Matsumi est donc raccorde avec le scénario raconté par Paru Itagaki. La CGI permet au staff de croquer l'ambiance confirme au manga d'origine et d'exploiter différemment certaines idées, via des jeux de mises en scène particulièrement bien trouvés. Les exemples sont nombreux, avec en tête un Legoshi dont la bestialité ponctuelle est mise en exergue par des jeux de rouge. La narration se fait parfois moins littéraire, jouant d'effets techniques pour raconter son histoire ou sublimer ses enjeux, une chose difficile à établir sur le support papier.


En ce sens, Beastars est ce qui se rapproche le plus d'une adaptation au sens propre du terme : Loin de vouloir simplement transposer l'œuvre de Paru Itagaki, Shinichi Matsumi en apporte une vision différente en se servant de moyens techniques de manière originale. Il condense parfois le récit mais lui reste fidèle dans la trame, dans les événements et dans l'écriture des personnages, pour en apporter une version audiovisuelle utilisant la technique et la narration comme outils pour narrer différemment cette histoire. Le parti pris de l'anime est audacieux, mais surtout assumé et maitrisé avec maestria.

Pour finir sur les petites prouesses techniques, difficile de ne pas évoquer l'opening marqué par son originalité. Sur l'entrainante chanson Wild Side du groupe ALI, on savoure une chorégraphie aux nuances aussi nombreuses que celle de la série, mettant en scène Haru et Legoshi passant de la relation proie/prédateur à cette amitié teintée d'amour, développée dans la première partie de la série. Le tout non pas animé, mais en stop-motion à l'aide de marionnettes conçues pour l'occasion. L'idée est audacieuse, et aboutit à l'un des génériques les plus frais et dansant de ces dernières années.

Une VF aussi théâtrale que son intrigue

Quand bien même les distributions exclusives via Netflix puissent faire tiquer, il est fréquent que les doublages français aient une certaine qualité, au moins en ce qui concerne la variété de leurs castings. C'est le cas pour cette première saison de Beastars qui propose une panoplie de comédiens fournie, avec quelques têtes peu fréquentes sur l'animation japonaise, ce qui donne à cette adaptation vocale une certaine fraîcheur.

Et en ce qui concerne le qualité des comédiens, il n'y a pas de réelle fausse note à soulever dans ces douze premiers épisodes. Le casting en soi est bon, chaque voix s'accordant très bien au personnage cible, du côté des principaux comme des secondaires.
Concernant le trio phare, c'est Jim Redler qui est appelé sur Legoshi. Le fils du regretté Thierry Redler (qui fut la première voix de Son Gokû adulte) se saisit comme il se doit de ce loupe de base introverti, mais qui se découvrira la bestialité des sentiments. A côté de lui, Diane Kristanek incarne la pétillante Haru, cette petite lapine aussi étonnante que caractérielle. Entendue sur Quand Takagi me taquine (Hojo) et tout récemment sur Jojo's Bizarre Adventure : Golden Wind (Trish Una), la comédienne retranscrit toute la polyvalence du personnage... ce qui est aussi le cas de Stéphane Fourreau sur Louis. Surtout entendu pour le cinéma et les séries télévisées, l'acteur a bien compris les nuances derrière ce fier cerf sont les failles se feront visibles au fil des épisodes. Il lui confère son charisme mais aussi ses faiblesses, preuves de son humanité.


Ce constat pourrait, d'une manière globale, s'étendre aux rôles secondaires qui sonnent globalement juste. Citons alors Franck Sportis sur le bourru Gohin, Alexia Papineschi sur la confiante Juno, ou encore Benjamin Bollen sur le si attachant Jack. Un casting assez varié donc, pas systématique sur l'animation japonaise, et qui se prête très bien à l'exercice de Beastars tant chacun a su croquer l'essence de l'univers de Paru Itagaki. Et parce qu'une VF ne serait pas ce qu'elle est sans un directeur artistique, on saluera les bonnes trouvailles et la direction d'Isabelle LePrince, dont les implications dans l'animation japonaise restaient limitées jusqu'à aujourd'hui.

Vers une deuxième saison aussi séduisante ?

La première partie de Beastars, sur 12 épisodes, vient traiter comme il se doit les relations entre personnages et mener le triangle amoureux de base vers une sorte d'aboutissement. Seulement, le dernier épisode nous laisse aussi sur certaines zones d'ombre, notamment en ce qui concerne Louis, d'autant plus que le meurtre de Tem n'a toujours pas été résolu. Voilà qui laisse le champ libre à un beau programme qui sera traité dans la saison 2, diffusée récemment au Japon, et qui est disponible chez nous sur Netflix depuis quelques jours au moment où nous revenons sur cette première fournée d'épisodes. Alors, pourquoi ne pas reprendre une bouchée de l'univers de Paru Itagaki ?

L'avis du chroniqueur
Takato

Samedi, 24 Juillet 2021
17 20

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