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Manga Nouvelle interview avec Maître Gims, Darcy, Yoshiyasu Tamura et Jean-David Morvan autour de Devil's Relics

Samedi, 03 Novembre 2018 à 18h00 - Source :Rubrique Interviews

En juillet dernier, lors de Japan Expo les éditions Glénat mettaient en avant Devil's Relics, création originale initiée par le chanteur Maître Gims. A cet instant où le premier tome n'était pas sorti, nous vous proposions une première entrevue avec les auteurs. Le premier opus venant de paraître, nous avons pu rencontrer de nouveau les quatre artistes afin de parler un peu plus en détail du récit...

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En juillet dernier, vous présentiez pour la première fois Devil's Relics au public. Comment s'est passé le contact avec les futurs lecteurs ?

Maître Gims : J'y repensais justement, il n'y a pas longtemps. Japan Expo s'est très bien passé, nous étions contents de voir autant de monde lors de notre conférence, aussi bien des aspirants mangaka que des curieux qui voulaient voir ce que donnerait le manga. Le but était de rencontrer ces gens et de faire passer notre message : Nous avions un rêve de gosse qui s'est réalisé car on s'en est donné les moyens, notamment en s'entourant de Jean-David Morvan et de Yoshiyasu Tamura. Je voulais vraiment partager ce rêve lors de Japan Expo. Je pense que le message est bien passé.

Jean-David Morvan : Oui, en plus c'était ta première Japan Expo !

Darcy : C'était aussi ma première Japan Expo, et c'était une super expérience. J'ai toujours voulu y aller quand j'étais petit, mais c'était trop loin. Y aller pour la première fois, en tant qu'auteur qui présente son œuvre... c'était un rêve fou. On m'aurait dit ça il y a quelques années, je ne l'aurais pas cru. J'ai aussi été agréablement surpris par le public et les questions. Je m'attendais à des retours fracassants mais, au contraire, le public était vraiment curieux de voir ce qu'on allait proposer. Les gens nous ont encouragés après avoir compris notre projet, et ça fait plaisir. Sans compter nos promenades dans les allées pleines de cosplay et le fait que tous les exemplaires du livret, où était proposé notre premier chapitre en avant-première, ait été épuisé en seulement deux jours... c'était vraiment un week-end riche en émotions.

Yoshiyasu Tamura : Au Japon, les mangaka ont peu l'occasion de rencontrer leurs lecteurs. Ce n'est pas la première fois que je me rendais à Japan Expo, mais c'est la première fois que j'y allais avec un tel statut. Entendre les lecteurs français m'a beaucoup réjoui, c'était une très bonne expérience. J'ai notamment rencontré un enfant qui veut devenir mangaka, c'est amusant.

C'est vrai que la tendance générale de Japan Expo est la présentation au public français de mangas d'origines japonaises. Dans notre cas, c'était différent dans le sens où il s'agit d'une collaboration franco-japonaise, ça n'a pas dû arriver si souvent que ça. Jusque là, les jeunes lecteurs français voyaient des œuvres japonaises, ça pouvait leur paraître lointain. Peut-être que pour la première fois, sachant qu'ils ont vu des français sur un manga, ils ont ressenti la possibilité de concrétiser leur rêve, de pouvoir devenir eux-mêmes mangaka. J'étais content de pouvoir leur dire que s'ils en ont vraiment envie, ils pourront dessiner du manga.


DEVIL’S RELICS © 2018 – Maître Gims, Darcy, JD Morvan, Tamura – Éditions Glénat / Éditions Fayard

Lors de notre première rencontre, nous avions parlé du foreshadowing, le fait de planter des éléments qui seront développés plus tard, dans la série. On le ressent beaucoup de ce premier tome avec le premier chapitre qui se démarque du reste du volume, qui se déroule deux ans auparavant. Peut-on s'attendre à ce que vous jouiez avec les époques dans Devil's Relics ?

Darcy : Non, il n'y aura pas d'autre flashforward dans la série. On voulait mettre la scène du premier chapitre en avant. Maintenant que c'est fait, l'histoire peut vraiment commencer. Les lecteurs ont maintenant en tête cette séquence avec les enchères et ces autres détenteurs de pouvoirs, mais on ne reviendra pas dessus... du moins pas de cette manière-là. Il n'y aura pas d'autre voyage vers le futur. On peut dire qu'on a volontairement intégré une scène de "spoil" au tout départ pour que les gens se questionnent, avant de repartir vers autre chose. Ça se voit dès le deuxième chapitre du côté du héros, Kaïs : son visage est différent, on ne dirait pas le même personnage. C'est le brouillard, il y a de quoi être un peu perdu, mais tout va se clarifier petit à petit. Il y a un effet que j'aimerais apporter : celui de la surprise des lecteurs quand ils comprendront le pourquoi du comment.

Jean-David Morvan : On va aussi recroiser des personnages aperçus dans la première scène, sauf que nos héros les rencontreront pour la première fois. Le lecteur, lui, se rendra bien compte qu'il les a déjà vus auparavant.

Darcy : Dès le deuxième tome, on apercevra des personnages qui apparaissent lors de la vente aux enchères, tandis que d'autres réapparaitront dans un moment. Mais d'une manière globale, tout va s'accélérer, et les choses vont bien s'imbriquer.

En effet, Kaïs apparaît très différent entre le premier chapitre et la suite du tome qui se déroule deux ans avant... Il apparaît comme un héros tragique, ce qui prend à contrepied ce qu'on a l'habitude de voir dans les mangas d'aventure classiques. Comment s'est faite la construction de Kaïs ?

Maître Gims : Kaïs et un héros qui se cherche. Il ne connait pas ses parents et dès qu'il cherche à en apprendre plus, il y a une sorte de blocage étrange du côté de sa tante. On voit qu'il est perdu, mais que c'est quelqu'un de bien, c'est ce qu'on sait de lui. Son regard est triste mais il a un visage de héros, un regard fort, sans vouloir s'en vanter. Kaïs est ce genre de personnage, et il garde d'ailleurs une part de mystère puisqu'on ne sait pas d'où vient sa cicatrice. L'élément déclencheur, c'est ces policiers qui saccagent la boutique de sa tante parce que Kaïs leur fait perdre de l'argent dans les combats clandestins, c'est le départ de l'aventure. Il est à la recherche de lui-même et en a ras-le bol de ce monde injuste, de cet écart de vie entre les autorités et les citoyens. Il part en cavale avec deux camarades dont un qu'il retrouve par hasard, Magnum. Voilà où se situe le premier tome, et la suite nous permettra de découvrir ces personnages. C'est là qu'il nous faudra créer de l'affect chez le lecteur. Tout se jouera dès le deuxième tome.

Jean-David Morvan : Ces trois personnages trouvent leur monde injuste, et ils visiteront des lieux encore plus injustes durant leur voyage. Les découvertes ne seront pas idylliques, mais c'est ce qui leur permettra de se construire ensemble mais aussi individuellement.


DEVIL’S RELICS © 2018 – Maître Gims, Darcy, JD Morvan, Tamura – Éditions Glénat / Éditions Fayard

Toujours dans notre première entrevue, vous nous avez confié que Devil's Relics fera écho à notre monde et à notre société, par plusieurs aspects. Dans ce premier tome, la société civilisée du passage des enchères entre en opposition avec le monde post-apocalyptique de la suite. Est-ce un premier aspect du parallèle par rapport à notre propre réalité ?

Maître Gims : Bien-sûr. Je trouvais intéressant de faire passer des messages importants, par exemple le parallèle entre le tiers-monde et l'occident. Qu'on le veuille ou non, il existe bien cet écart de plusieurs siècles qui est là, devant nous, et que des gens meurent de faim alors qu'il y a un surplus de nourriture sur Terre et énormément de gaspillage. C'est ce qui sera mis en avant lorsqu'on découvrira, dans l'intrigue, que des gens se gavent. Pour le moment, on ne comprend pas pourquoi les gens meurent de faim dans le quartier de Kaïs dirigé par des policiers corrompus. On comprendra que certains profitent de ce contexte et n'ont rien à faire de ce qui se passe autour d'eux, tout comme dans notre monde.

Jean-David Morvan : Ça rappelle aussi les élections qui viennent d'avoir lieu au Brésil... C'est vraiment un pays où, littéralement, 1% de la population détient 50% des terres. Les brésiliens sont des gens supers, c'est d'autant plus étrange.

Maître Gims : C'est exactement ça. Dans Devil's Relics, il existe les ripoux, puis des gens obligés de voler et dealer pour vivre, mais aussi ceux qui cherchent les reliques, ces objets qui n'ont pas de prix.

Darcy : Dans la série, les reliques sont un vrai mythe. Que ce soient les gentils, les méchants, le gouvernement, les hors la loi... tout le monde souhaite les obtenir.

Maître Gims : Pour d'autres, elles ne sont qu'une fantaisie. Le gouvernement sait qu'elles ont un pouvoir sans limite, c'est pour ça qu'il les cherche à travers le monde et s'en donne financièrement les moyens.


DEVIL’S RELICS © 2018 – Maître Gims, Darcy, JD Morvan, Tamura – Éditions Glénat / Éditions Fayard

Justement, le synopsis de la série parle de ces reliques, mais le premier tome reste très évasif, sauf dans le première chapitre, celui des enchères. On sent une volonté d'instaurer un flou dans ce début de série, pour ensuite éclaircir les choses par la suite...

Darcy : C'est exactement cet effet qu'on a voulu donner. On n'a pas voulu présenter les mécaniques de manière trop linéaire, par exemple en présentant les parures puis en donnant à Kaïs la localisation de celles-ci, avant d'amener leur recherche qui passera par le rassemblement de compagnons autour du héros... Ce n'est pas ça que nous voulions faire. Kaïs ne se connait pas lui-même et ne connait ni ce monde, ni son passé. C'est quelqu'un qui a grandi difficilement, et il lui fallait se battre pour survivre. Le lecteur est un peu comme Kaïs : il est dans le flou mais plus le récit avance, et plus les choses s'éclairciront pour lui.

Les parures du diable constituent tout un univers. Si le monde de Devil's Relics est ainsi, aussi mauvais, c'est parce que le diable l'a voulu. C'est un parallèle à faire avec notre monde, dirigé par des personnes parfois mauvaises, face aux citoyens opprimés. A côté, en apprenant d'où il vient et quelle est la vérité de son monde, Kaïs se rendra compte du but qu'il doit atteindre.

Jean-David Morvan : Sans compter que Kaïs n'est pas captif des parures. Il ne cherchera pas à les retrouver pour s'emparer du pouvoir, ce n'est pas son but, bien au contraire. C'est sa vision différente des choses qui rend le récit intéressant. Bien-sûr, on ne peut pas tellement en dire plus... (rires)

On remarque beaucoup de poésie dans les textes, notamment dans les passages de narration externe. Maître Gims, étant donné votre métier de chanteur, quelle est votre implication dans cette écriture ?

Maître Gims : Écoutez, honnêtement, j'ai plus validé les textes qu'autre chose. C'est plus à Jean-David qu'il faut demander ça.(rires)

Jean-David Morvan : Ce n'est pas que je suis poète, c'est surtout que les textes ont été écrits en français, puis traduits en japonais, puis retraduits en français. C'est le petit côté poétique de la langue.

Maître Gims : On a laissé libre court à Jean-David, qu'il puisse s'épanouir. Je n'avais pas envie de tout dicter, de dire qui fait ci et qui fait ça... J'interviens bien-sûr, il le faut, mais je laisse chacun s'exprimer comme il l'entend. Devil's Relics est aussi un travail d'équipe. Il ne faut pas que ce soit que le manga de Maître Gims.


DEVIL’S RELICS © 2018 – Maître Gims, Darcy, JD Morvan, Tamura – Éditions Glénat / Éditions Fayard

M. Yoshiyasu Tamura, les bonus du tome présentent votre vie en atelier, avec vos assistantes. Vous est-il déjà arrivé de tous vous rencontrer, que l'équipe entière de Devil's Relics soit réunie ?

Darcy : Nous n'avons pas encore eu l'occasion de rencontrer tout le monde, juste son assistante numéro un, qui est un peu sa secrétaire, elle était notamment là à Japan Expo. Les autres sont actuellement en Italie. Mais vu que la dynamique autour du projet est bonne, je pense que ce n'est qu'une question de temps avant qu'on se rencontre.

Yoshuyasu Tamura : J'aurais pu accepter de travailler sur ce projet depuis le Japon, car des amis et des connaissances auraient pu être mes assistants sans soucis. Mais je ne voulais pas dessiner un manga pour dessiner un manga, je voulais aussi proposer à des jeunes la possibilité de travailler dans le milieu. Je voulais surtout travailler avec des occidentaux, en Europe si possible. C'est la raison pour laquelle je collabore avec la Luca School, une école de manga italienne, et que certains étudiants travaillent avec moi comme assistants.

Au Japon, le mangaka a une image d'être absolu auprès des assistants, et ces derniers n'osent rien lui dire. Mais je suis en Italie, donc ça se passe à l'italienne : mes assistantes me disent ce qu'elles pensent. Mais c'est une ambiance très sympa pour tout le monde.(rires)


DEVIL’S RELICS © 2018 – Maître Gims, Darcy, JD Morvan, Tamura – Éditions Glénat / Éditions Fayard

Comme c'est souvent le cas dans le manga de création française, un nombre de tomes est-il prévu ?


Darcy : A mon avis, la parution s'achèvera en 2058. (rires)
Plus sérieusement, nous ne connaissons pas le nombre de tomes précis, mais nous aimerions aller le plus loin possible. Certains mangas sont destinés à durer 3 ou 4 ans, mais s'étendent sur quinze années. D'autres, à l'inverse, sont destinés à durer douze ans mais sont arrêtés au bout de trois. Nous verrons en fonction de la progression de l'histoire et selon la réception des lecteurs, car, quoi qu'on en dise, c'est un facteur important. Néanmoins, nous avons déjà les grandes lignes établies. Si je le voulais, je pourrais tout vous dire sur Devil's Relics... mais je ne le ferai pas. (rires).

Nous pourrons rajouter des éléments scénaristiques ou en supprimer d'autres... ça dépendra de plusieurs facteurs.

Maître Gims : C'est très compliqué de donner un nombre de tomes. C'est comme pour tout : ça cartonnera peut-être et même au moment de finir, il faudra continuer pour le public et l'intrigue. Mais j'espère qu'on part au grand minimum pour 5-6 ans.


Interview réalisée par Takato. Remerciements à Charlotte Perennes des éditions Glénat, à Maître Gims, Darcy, Jean-David Morvan et Yoshyasu Tamura, ainsi qu'à son interprète, Djamel Rabahi.

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