Dvd Chronique animation - Kanojo to Kanojo no Neko - Everything flows
Makoto Shinkai est un nom qu'il n'est sans doute plus nécessaire de présenter. Auteur et réalisateur de différents succès (The Voices of a Distant Star, 5 cm par seconde, La tour au-delà des nuages, Garden of Words...), il a peaufiné au fil de ses oeuvres une patte aisément identifiable, portée par des thématiques qui font désormais partie de son univers... et que l'on entrevoyait déjà dès 1999-2000 dans Kanojo to kanojo no neko (She and Her Cat), l'un de ses tout premiers courts-métrages (quelques mois auparavant, il avait réalisé le très court clip expérimental Tooi Sekai - Other Worlds). D'une durée de 5 minutes, ce bref récit proposait de suivre une jeune femme à travers les yeux de son chat Chobi, pour un résultat simple et touchant, essentiellement fait de vues panoramiques quasiment contemplatives évoquant l'avancée inexorable du temps, et de paroles issues des pensées du félin mettant notamment en valeur l'importance des instants passés avec ceux que l'on aime. Rencontrant un important succès d'estime, cette courte réalisation a permis de mieux faire connaître l'artiste qui travaillait alors dans une entreprise de jeux vidéo, de jeter les premiers éléments qui feront ensuite l'unicité de son oeuvre globale, et de lui offrir un premier pont réel vers l'animation, avant qu'il réalise en 2002 The Voices of a Distant Star (Hoshi no koe), son premier moyen-métrage qu'il a confectionné quasiment seul de A à Z. She and her cat peut être visionné facilement sur le net, ou en bonus dans l'édition collector de 5cm par seconde et Voices of a Distant Star sortie chez Kazé.
Près de 17 années plus tard, c'est presque avec surprise que l'on a vu l'oeuvre refaire parler d'elle, par le biais d'une adaptation en minisérie animée comportant 4 épisodes de 7min50 chacun (génériques compris). Diffusée au Japon en mars 2016 dans le créneau horaire de 30 minutes "Ultra Super Anime Times (USAT)" (qui réunit trois productions au format court dont le concept cherche généralement à innover), Kanojo to Kanojo no Neko - Everything flows (ou She and her cat - Everything Flows) a été diffusé en France dans la foulée, en simulcast sur la plateforme Crunchyroll, où elle est toujours visionnable.
Produite par le studio Liden Films (Terra Formars, Arslan, Sekkô Boys...) avec notamment la collaboration de J.C. Staff (Food Wars, Wixoss, Bakuman...) pour les CGI 3D et certains designs, la série comporte un staff limité, dont Makoto Shinkai ne fait pas partie, celui-ci étant simplement crédité en auteur original. Au sein de ce staff réduit, on retient le chara design confié à Senbon Umishima (qui a auparavant occupé cette fonction sur Black Bullet), la direction artistique assurée par Takanori Tanaka (qui a déjà occupé ce poste sur Wake up, Girls!, mais est surtout spécialisé dans le travail sur les décors dans diverses oeuvres comme Patema, Black Butler ou Dennô Coil), et la réalisation sous la houlette de Kazuya Sakamoto, qui signe ici sa première réalisation de série (il a auparavant réalisé des épisodes sur plusieurs séries dont K-on!, Haruhi Suzumiya ou Lucky Star).
On pouvait s'interroger quant à la pertinence de l'arrivée soudaine d'une adaptation en série 17 ans plus tard, qui plus est sans rôle majeur de Makoto Shinkai dessus, et avec pour base un court métrage qui se suffisait amplement à lui-même. Une fois les 4 épisodes vus, les craintes ont largement eu le temps de s'envoler, car le staff a su éviter de tomber dans les pièges de ce genre d'adaptation.
En effet, Everything Flows n'est pas une simple reprise rallongée du court-métrage original, et a bel et bien son propre intérêt. En troquant le chat Chobi et la fille anonyme du court métrage pour les remplacer par Miyu, jeune femme en pleine recherche d'un travail, et Daru, son chat qui est toujours à ses côtés chez elle, la série donne d'emblée le signe qu'elle ne souhaite pas faire une bête repompe. Et tout en reprenant les thématiques essentielles du court-métrage (le temps qui passe inexorablement, la construction d'un lien indéfectible entre la demoiselle et son animal, l'importance des moments passés avec les êtres aimés...) et certains gimmicks visuels et narratifs de Shinkai (les vues contemplatives soulignant ce temps qui passe, la narration suivant de façon bavarde les points de vue du chat...), l'oeuvre, de par sa durée un peu plus longue, peut se permettre plus d'approfondissements autour de la relation entre les deux protagonistes, de l'apparition du personnage de la mère de Miyu, et d'autres thématiques que Shinkai ne renierait pas.
Le premier épisode débute alors que Daru est déjà bien installé dans la vie de Miyu, demoiselle semblant tout juste entrer dans la vie adulte, et cherchant désespérément un travail sans savoir exactement où elle en est. L'occasion pour l'oeuvre de flirter d'entrée de jeu avec un sujet concernant beaucoup de monde : la difficulté de trouver ses repères à cette période charnière de la vie, où l'on quitte la longue époque des études pour trouver sa voie vers le monde professionnel. Par la suite, chaque épisode va se construire au détour de différents éléments entre le présent où la jeune femme observée par son chat tente de trouver sa place, et le passé via les souvenirs dont le félin se souvient de mieux en mieux tandis qu'il vieillit de plus en plus. Une construction parallèle habile, qui dans le passé laisse entrevoir les grandes étapes du lien qui s'est construit entre les deux êtres (l'adoption de Daru alors que Miyu était encore une fillette, les premiers pas un peu difficiles entre ce chat et cette gamine qui a un temps envisagé de l'abandonner...) et permet d'entrevoir d'importants éléments de la vie de la jeune femme (l'absence de père, la façon dont elle a quitté le nid familial en espérant que le remariage possible de sa mère se concrétise...), et dans le présent permet de mieux comprendre certains éléments, à commencer par la relation de Miyu avec sa mère. Sur ce dernier point, la série aborde une autre thématique très humaine, et qu'on retrouve souvent dans les oeuvres de Shinkai : les séparations et retrouvailles qui forgent une vie.
Daru, lui, ne s'est jamais séparé de Miyu. Depuis qu'elle est enfant et qu'il a été adopté, il est à ses côtés, l'observant, et étant depuis de nombreuses années le témoin privilégié de la vie encore balbutiante de sa maîtresse, et de l'espace intime qu'elle s'est construite dans son studio où il l'attend parfois longuement, recherchant par exemple son odeur en s'allongeant sur son lit. Et toute la magie de la série est de nous faire découvrir et comprendre la jeune femme en n'affirmant pourtant quasiment rien, puisque nous suivons le tout du point de vue d'un félin qui ne retient que les souvenirs les plus importants et qui, du haut son statut d'animal, ne cerne pas forcément tout. Des tourments typiquement humains de Miyu, comme la recherche de travail, il ne capte évidemment pas grand-chose, voire s'en fiche. Dans ces cas là, on ne suit que très peu ses pensées, puisqu'il ne peut rien en penser vraiment. La perception qu'a le chat de sa maîtresse va alors être plutôt de l'ordre du ressenti et de l'instinct : quand il la voit allongée sur son lit un peu perdue il va venir se poser près d'elle, quand elle répète devant le miroir on voit pointer le bout de sa tête ou de sa queue, il l'observe, il aime constater qu'elle est jolie ou qu'elle sent bon... On voit alors arriver avec une certaine empathie la suite et fin de cette longue relation. Le chat vieillit, a de plus en plus de mal à se mouvoir et à faire des gestes qu'il faisait avant, choses que Miyu ne voit pas forcément. Ce final prévisible n'est pas larmoyant pour autant, et trouve une conclusion pertinente dans la scène finale après le générique du dernier épisode, en bouclant en quelque sorte la boucle, soulignant que la vie est une sorte de cycle, un perpétuel recommencement... toujours fait de ce temps qui s'écoule, et de ces rencontres.
La réalisation en elle-même est suffisamment soignée. En dehors de certains gimmicks que l'on trouve souvent chez Makoto Shinkai, le staff a eu le bon goût de ne pas chercher à imiter simplement et bêtement le style de ce dernier, et s'offre des éléments de mise en scène posés comme peut l'être un chat. Malgré l'ambiance assez paisible et calfeutrée, l'écran est rarement fixe, il y a toujours quelque chose qui bouge, que ce soit le félin, Mizu, ou une chute de neige. Le design des personnages, lui, se veut réaliste, que ce soit pour les humains ou pour le chat, et de ce côté-là on a un rendu proche de ce que Shinkai offre la plupart du temps. Côté musiques, elles sont présentes quand nécessaires, restent simples pour porter efficacement un récit lui-même simple. Enfin, notons tout de même que si la narration aime jouer sur certains non-dits et silences à compléter, elle se veut tout de même beaucoup plus explicite que dans le court-métrage original... et c'est peut-être en ceci que se trouve la principale limite de l'oeuvre : certains dialogues apparaissent un peu trop insistants sur tel élément que l'on peut pourtant comprendre aisément sans que ce soit dit, notamment dans le final. Mais cela ne gâche pas la réussite globale qu'est cette courte oeuvre.
Près de 17 années plus tard, c'est presque avec surprise que l'on a vu l'oeuvre refaire parler d'elle, par le biais d'une adaptation en minisérie animée comportant 4 épisodes de 7min50 chacun (génériques compris). Diffusée au Japon en mars 2016 dans le créneau horaire de 30 minutes "Ultra Super Anime Times (USAT)" (qui réunit trois productions au format court dont le concept cherche généralement à innover), Kanojo to Kanojo no Neko - Everything flows (ou She and her cat - Everything Flows) a été diffusé en France dans la foulée, en simulcast sur la plateforme Crunchyroll, où elle est toujours visionnable.
Produite par le studio Liden Films (Terra Formars, Arslan, Sekkô Boys...) avec notamment la collaboration de J.C. Staff (Food Wars, Wixoss, Bakuman...) pour les CGI 3D et certains designs, la série comporte un staff limité, dont Makoto Shinkai ne fait pas partie, celui-ci étant simplement crédité en auteur original. Au sein de ce staff réduit, on retient le chara design confié à Senbon Umishima (qui a auparavant occupé cette fonction sur Black Bullet), la direction artistique assurée par Takanori Tanaka (qui a déjà occupé ce poste sur Wake up, Girls!, mais est surtout spécialisé dans le travail sur les décors dans diverses oeuvres comme Patema, Black Butler ou Dennô Coil), et la réalisation sous la houlette de Kazuya Sakamoto, qui signe ici sa première réalisation de série (il a auparavant réalisé des épisodes sur plusieurs séries dont K-on!, Haruhi Suzumiya ou Lucky Star).
On pouvait s'interroger quant à la pertinence de l'arrivée soudaine d'une adaptation en série 17 ans plus tard, qui plus est sans rôle majeur de Makoto Shinkai dessus, et avec pour base un court métrage qui se suffisait amplement à lui-même. Une fois les 4 épisodes vus, les craintes ont largement eu le temps de s'envoler, car le staff a su éviter de tomber dans les pièges de ce genre d'adaptation.
En effet, Everything Flows n'est pas une simple reprise rallongée du court-métrage original, et a bel et bien son propre intérêt. En troquant le chat Chobi et la fille anonyme du court métrage pour les remplacer par Miyu, jeune femme en pleine recherche d'un travail, et Daru, son chat qui est toujours à ses côtés chez elle, la série donne d'emblée le signe qu'elle ne souhaite pas faire une bête repompe. Et tout en reprenant les thématiques essentielles du court-métrage (le temps qui passe inexorablement, la construction d'un lien indéfectible entre la demoiselle et son animal, l'importance des moments passés avec les êtres aimés...) et certains gimmicks visuels et narratifs de Shinkai (les vues contemplatives soulignant ce temps qui passe, la narration suivant de façon bavarde les points de vue du chat...), l'oeuvre, de par sa durée un peu plus longue, peut se permettre plus d'approfondissements autour de la relation entre les deux protagonistes, de l'apparition du personnage de la mère de Miyu, et d'autres thématiques que Shinkai ne renierait pas.
Le premier épisode débute alors que Daru est déjà bien installé dans la vie de Miyu, demoiselle semblant tout juste entrer dans la vie adulte, et cherchant désespérément un travail sans savoir exactement où elle en est. L'occasion pour l'oeuvre de flirter d'entrée de jeu avec un sujet concernant beaucoup de monde : la difficulté de trouver ses repères à cette période charnière de la vie, où l'on quitte la longue époque des études pour trouver sa voie vers le monde professionnel. Par la suite, chaque épisode va se construire au détour de différents éléments entre le présent où la jeune femme observée par son chat tente de trouver sa place, et le passé via les souvenirs dont le félin se souvient de mieux en mieux tandis qu'il vieillit de plus en plus. Une construction parallèle habile, qui dans le passé laisse entrevoir les grandes étapes du lien qui s'est construit entre les deux êtres (l'adoption de Daru alors que Miyu était encore une fillette, les premiers pas un peu difficiles entre ce chat et cette gamine qui a un temps envisagé de l'abandonner...) et permet d'entrevoir d'importants éléments de la vie de la jeune femme (l'absence de père, la façon dont elle a quitté le nid familial en espérant que le remariage possible de sa mère se concrétise...), et dans le présent permet de mieux comprendre certains éléments, à commencer par la relation de Miyu avec sa mère. Sur ce dernier point, la série aborde une autre thématique très humaine, et qu'on retrouve souvent dans les oeuvres de Shinkai : les séparations et retrouvailles qui forgent une vie.
Daru, lui, ne s'est jamais séparé de Miyu. Depuis qu'elle est enfant et qu'il a été adopté, il est à ses côtés, l'observant, et étant depuis de nombreuses années le témoin privilégié de la vie encore balbutiante de sa maîtresse, et de l'espace intime qu'elle s'est construite dans son studio où il l'attend parfois longuement, recherchant par exemple son odeur en s'allongeant sur son lit. Et toute la magie de la série est de nous faire découvrir et comprendre la jeune femme en n'affirmant pourtant quasiment rien, puisque nous suivons le tout du point de vue d'un félin qui ne retient que les souvenirs les plus importants et qui, du haut son statut d'animal, ne cerne pas forcément tout. Des tourments typiquement humains de Miyu, comme la recherche de travail, il ne capte évidemment pas grand-chose, voire s'en fiche. Dans ces cas là, on ne suit que très peu ses pensées, puisqu'il ne peut rien en penser vraiment. La perception qu'a le chat de sa maîtresse va alors être plutôt de l'ordre du ressenti et de l'instinct : quand il la voit allongée sur son lit un peu perdue il va venir se poser près d'elle, quand elle répète devant le miroir on voit pointer le bout de sa tête ou de sa queue, il l'observe, il aime constater qu'elle est jolie ou qu'elle sent bon... On voit alors arriver avec une certaine empathie la suite et fin de cette longue relation. Le chat vieillit, a de plus en plus de mal à se mouvoir et à faire des gestes qu'il faisait avant, choses que Miyu ne voit pas forcément. Ce final prévisible n'est pas larmoyant pour autant, et trouve une conclusion pertinente dans la scène finale après le générique du dernier épisode, en bouclant en quelque sorte la boucle, soulignant que la vie est une sorte de cycle, un perpétuel recommencement... toujours fait de ce temps qui s'écoule, et de ces rencontres.
La réalisation en elle-même est suffisamment soignée. En dehors de certains gimmicks que l'on trouve souvent chez Makoto Shinkai, le staff a eu le bon goût de ne pas chercher à imiter simplement et bêtement le style de ce dernier, et s'offre des éléments de mise en scène posés comme peut l'être un chat. Malgré l'ambiance assez paisible et calfeutrée, l'écran est rarement fixe, il y a toujours quelque chose qui bouge, que ce soit le félin, Mizu, ou une chute de neige. Le design des personnages, lui, se veut réaliste, que ce soit pour les humains ou pour le chat, et de ce côté-là on a un rendu proche de ce que Shinkai offre la plupart du temps. Côté musiques, elles sont présentes quand nécessaires, restent simples pour porter efficacement un récit lui-même simple. Enfin, notons tout de même que si la narration aime jouer sur certains non-dits et silences à compléter, elle se veut tout de même beaucoup plus explicite que dans le court-métrage original... et c'est peut-être en ceci que se trouve la principale limite de l'oeuvre : certains dialogues apparaissent un peu trop insistants sur tel élément que l'on peut pourtant comprendre aisément sans que ce soit dit, notamment dans le final. Mais cela ne gâche pas la réussite globale qu'est cette courte oeuvre.