Chronique ciné asie - L'ivresse de l'argent- Actus manga
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Ciné-Asie Chronique ciné asie - L'ivresse de l'argent

Jeudi, 04 Décembre 2014 à 11h00 - Source :RogueAerith

« Je comprends ce que vous ressentez, mais l'argent vous enivrera ».
Depuis 10 ans, Joo Young Jak est le secrétaire de la puissante famille Baek, dirigeant un très grand conglomérat coréen. Il est chargé de s’occuper des affaires privées de ses richissimes employeurs. Les pratiques de tous les membres de la famille le mèneront à sa perte : entre adultère, jeux sexuels, corruption, secrets en tous genres, Young Jak est partagé entre le désir de grimper les échelons et accéder à un rang plus élevé (l'obtention d'un poste à responsabilité dans le groupe industriel) ou la dénonciation des dérives de ses maîtres qui n'ont aucune morale.




Présenté au Festival de Cannes en 2012 et sorti sur les écrans français début 2013, « L'ivresse de l'argent » (« The Taste of money » étant le titre international) est la suite de « The Housemaid », précédent film du réalisateur sorti en 2010. On retrouve les personnages environ trente après...mais leurs mœurs n'ont guère évolué. Une référence rapide est faite à « The Housemaid » au détour d'un dialogue, mais chaque film peut être vu séparément. Aucune importance donc si vous n'avez pas vu « The Housemaid »...même si je serais tenté de vous conseiller le visionnage exclusif de ce dernier, au détriment de cette « Ivresse de l'argent », qui fait doublon et n'apporte pas grand-chose.




La comparaison est effectivement inévitable ! Autant ne pas tourner autour du pot : si « L'ivresse de l'argent » est une nouvelle offensive contre les puissants et les ultrariches de Corée du Sud, la redite avec « The Housemaid » se fait clairement sentir. « L'ivresse de l'argent » ne se paie pas le luxe (oups, le jeu de mots qui va bien) de faire mieux que son prédécesseur. Si certains éléments ont été intégrés, ils ne sont pas aussi approfondis qu'ils auraient dû l'être, si bien que le réalisateur tourne en rond en nous ressassant le même discours. Les riches sont pourris, leur pouvoir immense leur permet d'éviter la justice et de se livrer à toutes sortes de délits financiers ou crimes de sang, le sexe et le luxe sont leurs principales échappatoires face à leur condition qu'eux-mêmes jugent difficile.




Rien de nouveau sous le soleil, « The Housemaid » avait déjà montré tout cela avec brio. Pourquoi donc revenir dessus ? On ne sait pas vraiment. Certes, le message politique est plus appuyé : on entrevoit bien une Corée à l'économie ultralibérale totalement permissive laissant beaucoup de monde sur le carreau et permettant aux plus riches de toujours en avoir plus (et, quelle que soit votre opinion politique, sachez que la Corée du Sud fait bien pire que les pays occidentaux dans ce domaine). L'intervention d'un nouveau personnage, un entrepreneur américain, bellâtre parlant un coréen impeccable et adepte de jeunes call-girls, donne lieu à des dialogues renforçant la dénonciation politique, insistant sur le fait que la Corée du Sud est en quelque sorte un paradis des magouilles financières, que même les Etats-Unis ne pourraient pas suivre en la matière. Il y a aussi ce message social, avec une référence aux licenciements de masse pratiqués par la famille Baek.




Toutefois, jamais ces dialogues ne sont suffisamment subversifs, et donc savoureux. On dirait tant que le cinéaste a de lui-même pratiqué une autocensure pour ne pas rencontrer de problème (par exemple pour financer ces prochains films) qu'on se contente d'observer sans être vraiment convaincu. Montrez « L'ivresse de l'argent » à un spectateur ne connaissant pas particulièrement le contexte politique et économique coréen, celui-ci ne prêtera pas franchement attention au message que le réalisateur veut faire passer, preuve que le cinéaste a totalement manqué son coup. Et que dire du parallèle voilé entre la famille Baek et la famille, réelle celle-ci, Samsung ? A peine esquissée, faisant que la fiction ne parvient jamais à faire grincer des dents autant que la réalité (on sait que la famille Samsung est l'une des plus riches du monde et a un pouvoir exorbitant dans son pays d'origine), la comparaison est si timide que l'on passe rapidement à autre chose. « L'ivresse de l'argent » n'est donc pas assez grinçant sur le fond, notamment lorsque l'on voit tout ce qui parvient à sortir de Chine depuis quelques mois (« A touch of sin », « Black blood », « Black coal »...). Im Sang soo se fait le triste représentant (et il n'est malheureusement pas le seul) d'un cinéma sud-coréen rentré dans les rangs, qui peine à retrouver son intelligente puissance subversive du début des années 2000, là où le génie du cinéma chinois explose.




Si le fond peine à convaincre, on ne peut pas dire mieux de la forme, qui est pourtant une force du réalisateur d'habitude. Tout simplement parce que là encore, Im Sang soo nous a déjà tout montré dans « The Housemaid ». S'attarder une nouvelle fois sur le luxe de tous les instants, la demeure, les meubles, la piscine personnelle, le marbre partout, les costumes impeccables, était-ce bien nécessaire ? Surtout, « L'ivresse de l'argent » n'est jamais aussi inventif que « The Housemaid ». Où sont les travellings caressants le haut des commodes, les murs des couloirs, le travail sur les couleurs et les lumières ? Nouveau jeu de mots pas forcément volontaire : « L'ivresse de l'argent » paraît bien plus pauvre dans sa mise en scène que le volet précédent. Il y a bien quelques plans fameux (un plan lointain sur une plage, un 360 degrés autour d'une table à manger), mais rien d'extraordinaire non plus. Le désir permanent de tout esthétiser finit même par agacer et mène à une perte de crédibilité : exemple parmi d'autres, tous ces personnages qui se gavent de fruits de mer, des vins les plus cotés, de drogue, mais sont beaux comme des dieux. Ils sont chanceux dites donc. Dans tous les cas, la mise en scène insistante, mais plus pauvre et moins inventive laisse franchement penser que le cinéaste a cédé à la fascination de ce qu'il voulait initialement dénoncer, question qui ne se posait pas pour « The Housemaid » tant le travail esthétique était plus évident. Message trop calme, esthétique pas transcendante. Et le scénario ? Pas mieux. Les 45 premières minutes sont d'une mollesse impressionnante (tout le contraire de l'attribut du président Hoon, toujours aussi lubrique).




Heureusement, lorsque Madame pète un plomb, l'histoire bouge. Mais l'évolution du scénario est trop évidente, trop prévisible. Il aurait été tellement plus judicieux que le cinéaste brouille les pistes pour entretenir le suspens et les ambiguïtés, et donc concevoir un véritable spectacle ! En bref, on s'ennuie ferme. La grosse nouveauté, le fait d'avoir adopté le point de vue d'un serviteur homme et non plus d'une femme, n'est pas aussi intéressant qu'espéré. C'est même assez affligeant d'observer les réactions du jeune serviteur de cette « Ivresse de l'argent » en parallèle à celles de la servante de « The Housemaid » : de la caricature pure. Femme soumise contre homme se posant beaucoup plus de questions dès le départ, et dont la rébellion est plus forte. Pourtant, il serait injuste de ramener en permanence « L'ivresse de l'argent » à « The Housemaid ». D'abord parce que le changement de ton est radical. « L'ivresse de l'argent » se veut plus ironique, même lorsque la mort survient, là où une ambiance pesante restait en guet-apens dans « The Housemaid ». C'est ici la facétie qui domine, quoiqu'il se passe à l'écran (et il s'en passe !). Problème, le final ultraviolent, mais métaphorique de « The Housemaid » est remplacé ici par une tentative navrante de mélodrame...avec même l'introduction de quelques secondes de fantastique et une dernière scène de fesses. Nul, nul, nul. Il s'agit là, le doute n'est pas permis, de la plus mauvaise conclusion d'un film de Im Sang soo. Elle est loin la finesse des sentiments du « Vieux jardin ». Tout est donc à jeter dans la fin. De plus, le cinéaste avoue indirectement que ses deux films doivent être conçus comme un diptyque en ce qu'un rôle toujours plus important est confié à Hoon Na mi, la petite fille de « The Housemaid » ici devenue une beauté célibataire par obligation. Il semble que la pauvre servante de « The Housemaid » soit finalement parvenue à semer la graine du changement chez sa protégée...




Tout le monde n'appréciera pas la relecture faite de la fin de « The Housemaid » pour faciliter la mise en place de celle de cette « Ivresse de l'argent ». Mais ça, seuls ceux qui auront vu les deux films pourront le déceler, et comme écrit plus haut, ce n'est pas obligatoire, c'est même mieux de n'en voir qu'un seul (et le premier de préférence !). Je fais en tous cas partie de ceux pensant que cette « Ivresse de l'argent », tellement dispensable et répétitif par rapport à « The Housemaid », finit par dénaturer ce dernier. Les interprétations, toutes géniales, des personnages (mention spéciale à la mère Baek) montrent heureusement que le cinéma coréen peut toujours compter sur ses actrices et acteurs pour limiter la casse. Au niveau des bonus, on a droit au strict minimum. Celui-ci devenant rare ces dernières années sur les DVD, autant s'en satisfaire : making of d'un peu plus de quinze minutes, entretien avec le réalisateur et les acteurs de dix minutes. Pas de quoi fouetter une soubrette. Vous connaissez cette désagréable sensation d'avoir tout vu dans la bande-annonce ? Et bien « L'ivresse de l'argent » souffre de ce mal.

Et ça, c'est mauvais signe ! La dénonciation de la folie des grandeurs laisse ici place à la folie de la répétition. Trop lisse dans ce qu'il veut dénoncer, et semblant ne pas s'apercevoir de l'impression de déjà-vu qu'il produit, Im Sang soo tire un coup dans l'eau. « The Housemaid » avait déjà fait le travail, une suite ne s'imposait clairement pas en dépit des nouveaux éléments proposés. Hâte de voir ce que le cinéaste va proposer dans les mois qui viennent pour mettre fin – on l'espère – à cette spirale infernale de la redite.
  
L'avis du chroniqueur
RogueAerith

Jeudi, 04 Décembre 2014
12 20

commentaires

Kureru neko nyan

De Kureru neko nyan, le 08 Décembre 2014 à 03h25

Acheté l'hiver dernier, j'ai été hyper déçue par ce film, je m'attendais à quelque chose de prenant, un truc un peu mons coincé que dans les drama/film mais non. C'est lent, tiré par les cheveux le tout dans un ambiance sombre. Et la fin...

 

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