Ciné-Asie Critique - Coffret Suicide Club
Aujourd'hui, la rédaction de Manga-news vous propose une chronique de RogueAerith sur un coffret comprenant deux films : Suicide club, et sa préquelle, Suicide club 0 - Noriko's dinner table. Un sujet difficile à aborder au Japon, où le taux de suicide est extrêmement élevé.
La genèse de « Suicide club » est complexe. Au départ, « Le Cercle du suicide » est une nouvelle du célèbre romancier écossais Robert Louis Stevenson, histoire qui a elle-même inspiré de nombreux films. Expatrié à San Francisco, le réalisateur Sion Sono écrit un roman sur le suicide, « Jisatsu Sakuru » (« Le Cercle du suicide », le même nom que la nouvelle de Stevenson donc), à forte connotation ésotérique, assez peu accessible et compréhensible. Il retourne au Japon et demande au mangaka Usamaru Furuya d'adapter son roman en manga. Usamaru refusera dans un premier temps, avant d'accepter lorsque Sono Sion lui promet plus de liberté. Parallèlement, le romancier Sadamu Yamashita écrit une autre version du roman de Sion Sono, dont la fin est plus explicite. Quelques temps plus tard, Sono Sion se charge lui-même d'adapter son roman sur grand écran. C'est ainsi que sort au Japon en 2002 « Suicide club ». Le film a été projeté lors du festival du film asiatique de Deauville de 2003. Notons également que le manga "le cercle du suicide" de Usamaru Furuya est paru en France chez Sakka en 2005. Quelques années plus tard, Sion Sono signe une préquelle, « Suicide club 0 – Noriko's dinner table ». Vous suivez ? Tant mieux, parce que les deux films présents dans ce coffret ne vous donneront pas forcément cette chance.
Comme son compatriote Takashi Miike, le réalisateur Sono Sion jouit d'une réputation assez particulière. Se réclamant plus jeune des milieux anarchistes, activiste et engagé, ayant œuvré notamment dans le porno gay et le documentaire, il se distingue par un cinéma sans concessions, mêlant critique de la société nippone, violence et provocation. Oui mais voilà, « Suicide club » et sa préquelle « Suicide club 0 » sont loin d'être aussi maîtrisés que ses films les plus récents, dont les très bons « Himizu » et « Land of Hope ».
Intéressons-nous d'abord à « Suicide club ».
A Tokyo, en 2001, 54 lycéennes se tenant par la main se jettent sous un train. Ce suicide collectif émeut tout le pays, de nombreuses questions se posent. Mais, très vite, une fascination, et pire, une véritable mode du suicide finit par s'installer. Les forces de l'ordre tentent de mettre à jour un réseau ou des personnes responsables de cette situation, mais les pistes se multipliant, les suicides continuant, elles sont dépassées et directement touchées.
Sur le même modèle que le « Battle Royale » de Kinji Fukasaku, « Suicide club » aborde un sujet de société en y allant pas avec le dos de la cuillère. Oui, sauf que les deux films ont en commun de ne pas faire l'unanimité, à raison. Sous l'apparence d'une dénonciation des dérives de la société japonaise, se cachent une mise en scène indigente, une violence extrême et souvent gratuite, un mélange de thèmes prêtant le plus souvent à confusion. Le début du film, pourtant, est réussi. La séquence où 54 adolescentes sautent du pont fait forte impression, malgré une esthétique de série B assumée, avec des litres d'hémoglobine se déversant sur les rails et sur les passants attendant leur train. Mais qui dit série B ne veut pas systématiquement dire ridicule. Car même si cette scène reste assez surréaliste, le cinéaste a su susciter un certain dégoût. Cette séquence vous restera donc dans la tête un certain moment... avant la suivante, prenant place sur le toit d'un établissement scolaire. « Suicide club » comprend des scènes fortes, c'est certain. Celle des rouleaux de peau, celle proche du snuff movie, celle où une mère de famille se coupe les doigts volontairement en faisant la cuisine... tout ceci est impressionnant. Mais cela ne fait pas un film.
Ainsi, si le début mêlant film d'horreur (la séquence à l'hôpital, terrifiante) et problèmes sociétaux est prometteur, la suite bascule de plus en plus vers l'irrationnel, la confusion, la violence gratuite... et beaucoup d'ennui passée la première demi-heure. Même si l'enquête avance, la sauce ne prend pas, la faute à des pistes multiples et à une mise en scène qui laisse à désirer. Le scénario puzzle aurait pu être intéressant, empruntant les chemins que l'on n'attend pas, et donc imprévisible, mais la dernière piste, la bonne, est tellement ridicule qu'il aurait été plus judicieux, finalement, de céder à la facilité. Aussi, on a du mal à cerner le rôle de beaucoup de personnages (la chauve-souris) et on est dégoûtés face à des séquences ultra-violentes totalement inutiles (désolante séquence d'un entrepôt dirigé par une j-pop star où des animaux et des femmes enveloppés dans des draps sont écrasés et violés). Mais le pire, c'est certainement cette fin détestable, avec des raisonnements pseudo-philosophiques émis par une bande de bambins, censés résoudre l'essentiel des dizaines de questions posées pendant tout le film. N'importe quoi.
Plus les minutes passent, plus « Suicide club » abandonne une vraie critique de la société pour tomber dans les clichés de la plus mauvaise série B nippone : les enfants ont si bien manipulé les adultes qu'ils pourraient presque diriger la société, les adolescents fashion victim sont écervelés, les adultes sont absents donc coupables... En soi, la critique est bien là, mais l'ironie est telle qu'elle en devient caricaturale et a un air de déjà-vu. Le consumérisme outrancier, le manque de discernement des Japonais, la conciliation entre les notions de groupe et d'individu sont traités de telle manière que caricature et dilettantisme ne sont jamais très éloignés. Tout ce qui tourne autour du Japon interconnecté, par exemple, est mille fois mieux traité chez Kiyoshi Kurosawa. Et ne parlons pas des nombreuses séquences ratées, ridicules, superficielles, notamment les dernières répliques de l'inspecteur principal (« je suis mon pire ennemi »...), ou l'absence totale de puissance émotionnelle lors de la séquence du téléphone, qui a dû faire pleurer de rire Hideo Nakata. Notons que le casting ne fera forte impression qu'auprès des fans les plus zélés du cinéma nippon.
Cumulant les mêmes défauts que « Battle royale », « Suicide club » passe presque totalement à côté de son sujet et n'a donc rien du thriller baroque avec critique sociale acerbe en toile de fond. Ce n'est rien d'autre qu'un film prétentieux, long et ennuyeux de surcroît, qui imagine que ses séquences violentes vont faire passer l'indigence de sa mise en scène et ses questionnements pseudo-philosophiques débouchant sur une fin idiote.
(« Suicide club » : 10/20)
Place maintenant à une critique de « Suicide club 0 – Noriko's dinner table »
Noriko a 17 ans. Elle habite une petite ville. Elle s'ennuie dans sa famille et profite de ses discussions sur Internet pour briser cette solitude. Cette amitié virtuelle va la conduire à fuguer pour rejoindre Tokyo. Noriko sera suivie par sa jeune soeur, Yuka. Toutes deux intégreront un cercle mystérieux censé répondre à leur mal-être. Pendant ce temps, leur famille a éclaté : leur mère s'est suicidée et leur père tente désespérément de les retrouver.
Préquelle à « Suicide club », ce film permet-il de répondre à toutes les questions posées dans le premier film ? Malheureusement non... mais étonnamment, on s'en fiche un peu. Car si toute l'intrigue de « Noriko's dinner table » a pour objectif d'expliquer la fameuse scène d'introduction de « Suicide club » (les 54 lycéennes se suicidant en se jetant sous un train), Sion Sono a eu la mauvaise idée de proposer une mise en scène différente et franchement redondante, si bien que le film finit par être ni appréciable pour lui-même, ni appréciable pour son statut de préquelle.
Il y a donc d'abord, en premier lieu, cette mise en scène, terrifiante (c'est bien le même cinéaste qui a réalisé « Himizu » et « Land of Hope » ?!). « Suicide club 0 » est long à en mourir (pas de jeu de mots s'il vous plaît) : quasiment 3 heures passées avec des séquences caméra à l’épaule et une narration passant essentiellement, non par l'image, mais par les pensées des personnages en voix off. Tellement formel, tellement ennuyeux, en plus d'être relativement classique, finalement. La lenteur chez Kitano est un délice, celle chez Sono un supplice. Et rarement une musique mélancolique, omniprésente, aura été aussi ratée.
Il y a ensuite les personnages, qui apparaissent relativement peu intéressants, notamment les deux ados qui se renferment sur elles-mêmes, alors que ce seraient à elles de s'ouvrir et pas d'être en attente vis-à-vis de leur propre famille ou de la société. On atteint des sommets dans le manque de puissance émotionnelle suscitée par le père, ou le suicide de la mère, qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Et, comme dans « Suicide club », le cinéaste manque sa cible. Il tente encore une fois une critique de la société nippone, mais verse dans le cliché, le déjà-vu. Pour dénoncer la prostitution des jeunes filles au Japon, Sion Sono n'a rien trouvé de mieux qu'inventer un réseau de prostitution tout à fait particulier, où leur rôle est de réconforter des salarymen bon pères de famille contre rémunération. Sono Sion semble nous expliquer Noriko et Yuka trouvent dans cette fiction de nouvelle famille un espace, qui, enfin, répond à leurs questions existentielles, là où la cellule familiale traditionnelle était défaillante... Évidemment, l'idée fait pschiiiittt, la narration, pauvre, lui amenant peu de crédibilité. Les séquences absurdes sont toujours au rendez-vous, la critique sociale ne passant que par une ironie dont seul le cinéaste détient les clefs. Ainsi, lorsqu'une adolescente se laisse massacrer par un client psychologiquement instable sous les yeux de son amie, impassible, ce serait parce que c'était son rôle, de reconstruire le client par ce procédé, Sono Sion dénonçant par là le caractère très obéissant des Japonais. « Suicide club 0 » semble donc insister sur le suicide psychologique, là où « Suicide club » s'axe sur la symbolique du suicide physique. Dommage, dans les deux cas, ce n'est pas convaincant. Et ne parlons pas des questions posées qui se surajoutent à celles déjà très nombreuses du premier volet. Après le girlsband, le chanteur j-pop trash, voilà maintenant que Sono Sion explique la mode du suicide par l'existence d'une société secrète et organisée. Confus à n'en plus finir, « Suicide club 0 » n'est en cela pas mieux que le premier film.
Mais alors, question : si « Noriko's dinner table » ne vaut pas grand chose en lui-même, peut-être est-il sauvé par le lien qui l'unit avec « Suicide club » ? Mis à part la scène du suicide du train, qui revient sans logique apparente, le seul lien entre les deux films s'avère être le site internet qu’utilise Noriko, le même site qui faisait apparaître sous forme de sphères blanches et rouges les suicides dans le premier film. Pas grand chose à se mettre sous la dent donc. Et les quelques références littéraires sympathiques ne rattrapent pas le tout (la chef du réseau de prostitution se surnomme « Ueno54 », référence au roman de Murakami « Les bébés de la consigne automatique »).
(« Suicide club 0 – Noriko's dinner table » : 08/20)
S'agissant des bonus, tous sont présents sur le DVD de « Suicide club », « Noriko's dinner table » étant déjà présenté comme un bonus, et ne comprenant donc que quelques bandes-annonces de l’éditeur Kubik. Celui-ci a réalisé une curieuse interview du réalisateur dans un restaurant, prise sur le fil dirait-on. Très courte, mauvais son, mauvaise image, un amateur aurait fait mieux. Mais cela nous donne quand même l'occasion d'entendre les propos ambigus, nihilistes voire à certains moments très prétentieux de Sion Sono sur son son travail et sur ses idées. Une autre interview est disponible, là encore franchement étonnante (filmée dans un hangar avec des palettes vides de fruits et légumes...) : Julien Sévéon, ancien de chez Mad Asia, parle pendant de longues minutes du suicide au Japon. Pas d'images du Japon, simplement un face-à-face caméra, avec heureusement des propos très justes et bien documentés, mais qui n'apprendront rien aux spectateurs déjà informés sur le phénomène. Un petit reportage aurait été plus opportun.
On vous déconseille donc ce coffret, témoin des lacunes d'un Sion Sono en début de carrière, incapable de se montrer juste et fin dans ses ambitions critiques et satiriques et manquant de maîtrise formelle à travers une mise en scène pas folichonne, malgré quelques séquences fortes faisant leur effet. Préférez largement le manga de Usamaru Furuya sorti chez Sakka, beaucoup plus clair, et les deux derniers films de Sono, les très beaux « Himizu » et « Land of Hope ».
La genèse de « Suicide club » est complexe. Au départ, « Le Cercle du suicide » est une nouvelle du célèbre romancier écossais Robert Louis Stevenson, histoire qui a elle-même inspiré de nombreux films. Expatrié à San Francisco, le réalisateur Sion Sono écrit un roman sur le suicide, « Jisatsu Sakuru » (« Le Cercle du suicide », le même nom que la nouvelle de Stevenson donc), à forte connotation ésotérique, assez peu accessible et compréhensible. Il retourne au Japon et demande au mangaka Usamaru Furuya d'adapter son roman en manga. Usamaru refusera dans un premier temps, avant d'accepter lorsque Sono Sion lui promet plus de liberté. Parallèlement, le romancier Sadamu Yamashita écrit une autre version du roman de Sion Sono, dont la fin est plus explicite. Quelques temps plus tard, Sono Sion se charge lui-même d'adapter son roman sur grand écran. C'est ainsi que sort au Japon en 2002 « Suicide club ». Le film a été projeté lors du festival du film asiatique de Deauville de 2003. Notons également que le manga "le cercle du suicide" de Usamaru Furuya est paru en France chez Sakka en 2005. Quelques années plus tard, Sion Sono signe une préquelle, « Suicide club 0 – Noriko's dinner table ». Vous suivez ? Tant mieux, parce que les deux films présents dans ce coffret ne vous donneront pas forcément cette chance.
Comme son compatriote Takashi Miike, le réalisateur Sono Sion jouit d'une réputation assez particulière. Se réclamant plus jeune des milieux anarchistes, activiste et engagé, ayant œuvré notamment dans le porno gay et le documentaire, il se distingue par un cinéma sans concessions, mêlant critique de la société nippone, violence et provocation. Oui mais voilà, « Suicide club » et sa préquelle « Suicide club 0 » sont loin d'être aussi maîtrisés que ses films les plus récents, dont les très bons « Himizu » et « Land of Hope ».
Intéressons-nous d'abord à « Suicide club ».
A Tokyo, en 2001, 54 lycéennes se tenant par la main se jettent sous un train. Ce suicide collectif émeut tout le pays, de nombreuses questions se posent. Mais, très vite, une fascination, et pire, une véritable mode du suicide finit par s'installer. Les forces de l'ordre tentent de mettre à jour un réseau ou des personnes responsables de cette situation, mais les pistes se multipliant, les suicides continuant, elles sont dépassées et directement touchées.
Sur le même modèle que le « Battle Royale » de Kinji Fukasaku, « Suicide club » aborde un sujet de société en y allant pas avec le dos de la cuillère. Oui, sauf que les deux films ont en commun de ne pas faire l'unanimité, à raison. Sous l'apparence d'une dénonciation des dérives de la société japonaise, se cachent une mise en scène indigente, une violence extrême et souvent gratuite, un mélange de thèmes prêtant le plus souvent à confusion. Le début du film, pourtant, est réussi. La séquence où 54 adolescentes sautent du pont fait forte impression, malgré une esthétique de série B assumée, avec des litres d'hémoglobine se déversant sur les rails et sur les passants attendant leur train. Mais qui dit série B ne veut pas systématiquement dire ridicule. Car même si cette scène reste assez surréaliste, le cinéaste a su susciter un certain dégoût. Cette séquence vous restera donc dans la tête un certain moment... avant la suivante, prenant place sur le toit d'un établissement scolaire. « Suicide club » comprend des scènes fortes, c'est certain. Celle des rouleaux de peau, celle proche du snuff movie, celle où une mère de famille se coupe les doigts volontairement en faisant la cuisine... tout ceci est impressionnant. Mais cela ne fait pas un film.
Ainsi, si le début mêlant film d'horreur (la séquence à l'hôpital, terrifiante) et problèmes sociétaux est prometteur, la suite bascule de plus en plus vers l'irrationnel, la confusion, la violence gratuite... et beaucoup d'ennui passée la première demi-heure. Même si l'enquête avance, la sauce ne prend pas, la faute à des pistes multiples et à une mise en scène qui laisse à désirer. Le scénario puzzle aurait pu être intéressant, empruntant les chemins que l'on n'attend pas, et donc imprévisible, mais la dernière piste, la bonne, est tellement ridicule qu'il aurait été plus judicieux, finalement, de céder à la facilité. Aussi, on a du mal à cerner le rôle de beaucoup de personnages (la chauve-souris) et on est dégoûtés face à des séquences ultra-violentes totalement inutiles (désolante séquence d'un entrepôt dirigé par une j-pop star où des animaux et des femmes enveloppés dans des draps sont écrasés et violés). Mais le pire, c'est certainement cette fin détestable, avec des raisonnements pseudo-philosophiques émis par une bande de bambins, censés résoudre l'essentiel des dizaines de questions posées pendant tout le film. N'importe quoi.
Plus les minutes passent, plus « Suicide club » abandonne une vraie critique de la société pour tomber dans les clichés de la plus mauvaise série B nippone : les enfants ont si bien manipulé les adultes qu'ils pourraient presque diriger la société, les adolescents fashion victim sont écervelés, les adultes sont absents donc coupables... En soi, la critique est bien là, mais l'ironie est telle qu'elle en devient caricaturale et a un air de déjà-vu. Le consumérisme outrancier, le manque de discernement des Japonais, la conciliation entre les notions de groupe et d'individu sont traités de telle manière que caricature et dilettantisme ne sont jamais très éloignés. Tout ce qui tourne autour du Japon interconnecté, par exemple, est mille fois mieux traité chez Kiyoshi Kurosawa. Et ne parlons pas des nombreuses séquences ratées, ridicules, superficielles, notamment les dernières répliques de l'inspecteur principal (« je suis mon pire ennemi »...), ou l'absence totale de puissance émotionnelle lors de la séquence du téléphone, qui a dû faire pleurer de rire Hideo Nakata. Notons que le casting ne fera forte impression qu'auprès des fans les plus zélés du cinéma nippon.
Cumulant les mêmes défauts que « Battle royale », « Suicide club » passe presque totalement à côté de son sujet et n'a donc rien du thriller baroque avec critique sociale acerbe en toile de fond. Ce n'est rien d'autre qu'un film prétentieux, long et ennuyeux de surcroît, qui imagine que ses séquences violentes vont faire passer l'indigence de sa mise en scène et ses questionnements pseudo-philosophiques débouchant sur une fin idiote.
(« Suicide club » : 10/20)
Place maintenant à une critique de « Suicide club 0 – Noriko's dinner table »
Noriko a 17 ans. Elle habite une petite ville. Elle s'ennuie dans sa famille et profite de ses discussions sur Internet pour briser cette solitude. Cette amitié virtuelle va la conduire à fuguer pour rejoindre Tokyo. Noriko sera suivie par sa jeune soeur, Yuka. Toutes deux intégreront un cercle mystérieux censé répondre à leur mal-être. Pendant ce temps, leur famille a éclaté : leur mère s'est suicidée et leur père tente désespérément de les retrouver.
Préquelle à « Suicide club », ce film permet-il de répondre à toutes les questions posées dans le premier film ? Malheureusement non... mais étonnamment, on s'en fiche un peu. Car si toute l'intrigue de « Noriko's dinner table » a pour objectif d'expliquer la fameuse scène d'introduction de « Suicide club » (les 54 lycéennes se suicidant en se jetant sous un train), Sion Sono a eu la mauvaise idée de proposer une mise en scène différente et franchement redondante, si bien que le film finit par être ni appréciable pour lui-même, ni appréciable pour son statut de préquelle.
Il y a donc d'abord, en premier lieu, cette mise en scène, terrifiante (c'est bien le même cinéaste qui a réalisé « Himizu » et « Land of Hope » ?!). « Suicide club 0 » est long à en mourir (pas de jeu de mots s'il vous plaît) : quasiment 3 heures passées avec des séquences caméra à l’épaule et une narration passant essentiellement, non par l'image, mais par les pensées des personnages en voix off. Tellement formel, tellement ennuyeux, en plus d'être relativement classique, finalement. La lenteur chez Kitano est un délice, celle chez Sono un supplice. Et rarement une musique mélancolique, omniprésente, aura été aussi ratée.
Il y a ensuite les personnages, qui apparaissent relativement peu intéressants, notamment les deux ados qui se renferment sur elles-mêmes, alors que ce seraient à elles de s'ouvrir et pas d'être en attente vis-à-vis de leur propre famille ou de la société. On atteint des sommets dans le manque de puissance émotionnelle suscitée par le père, ou le suicide de la mère, qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Et, comme dans « Suicide club », le cinéaste manque sa cible. Il tente encore une fois une critique de la société nippone, mais verse dans le cliché, le déjà-vu. Pour dénoncer la prostitution des jeunes filles au Japon, Sion Sono n'a rien trouvé de mieux qu'inventer un réseau de prostitution tout à fait particulier, où leur rôle est de réconforter des salarymen bon pères de famille contre rémunération. Sono Sion semble nous expliquer Noriko et Yuka trouvent dans cette fiction de nouvelle famille un espace, qui, enfin, répond à leurs questions existentielles, là où la cellule familiale traditionnelle était défaillante... Évidemment, l'idée fait pschiiiittt, la narration, pauvre, lui amenant peu de crédibilité. Les séquences absurdes sont toujours au rendez-vous, la critique sociale ne passant que par une ironie dont seul le cinéaste détient les clefs. Ainsi, lorsqu'une adolescente se laisse massacrer par un client psychologiquement instable sous les yeux de son amie, impassible, ce serait parce que c'était son rôle, de reconstruire le client par ce procédé, Sono Sion dénonçant par là le caractère très obéissant des Japonais. « Suicide club 0 » semble donc insister sur le suicide psychologique, là où « Suicide club » s'axe sur la symbolique du suicide physique. Dommage, dans les deux cas, ce n'est pas convaincant. Et ne parlons pas des questions posées qui se surajoutent à celles déjà très nombreuses du premier volet. Après le girlsband, le chanteur j-pop trash, voilà maintenant que Sono Sion explique la mode du suicide par l'existence d'une société secrète et organisée. Confus à n'en plus finir, « Suicide club 0 » n'est en cela pas mieux que le premier film.
Mais alors, question : si « Noriko's dinner table » ne vaut pas grand chose en lui-même, peut-être est-il sauvé par le lien qui l'unit avec « Suicide club » ? Mis à part la scène du suicide du train, qui revient sans logique apparente, le seul lien entre les deux films s'avère être le site internet qu’utilise Noriko, le même site qui faisait apparaître sous forme de sphères blanches et rouges les suicides dans le premier film. Pas grand chose à se mettre sous la dent donc. Et les quelques références littéraires sympathiques ne rattrapent pas le tout (la chef du réseau de prostitution se surnomme « Ueno54 », référence au roman de Murakami « Les bébés de la consigne automatique »).
(« Suicide club 0 – Noriko's dinner table » : 08/20)
S'agissant des bonus, tous sont présents sur le DVD de « Suicide club », « Noriko's dinner table » étant déjà présenté comme un bonus, et ne comprenant donc que quelques bandes-annonces de l’éditeur Kubik. Celui-ci a réalisé une curieuse interview du réalisateur dans un restaurant, prise sur le fil dirait-on. Très courte, mauvais son, mauvaise image, un amateur aurait fait mieux. Mais cela nous donne quand même l'occasion d'entendre les propos ambigus, nihilistes voire à certains moments très prétentieux de Sion Sono sur son son travail et sur ses idées. Une autre interview est disponible, là encore franchement étonnante (filmée dans un hangar avec des palettes vides de fruits et légumes...) : Julien Sévéon, ancien de chez Mad Asia, parle pendant de longues minutes du suicide au Japon. Pas d'images du Japon, simplement un face-à-face caméra, avec heureusement des propos très justes et bien documentés, mais qui n'apprendront rien aux spectateurs déjà informés sur le phénomène. Un petit reportage aurait été plus opportun.
On vous déconseille donc ce coffret, témoin des lacunes d'un Sion Sono en début de carrière, incapable de se montrer juste et fin dans ses ambitions critiques et satiriques et manquant de maîtrise formelle à travers une mise en scène pas folichonne, malgré quelques séquences fortes faisant leur effet. Préférez largement le manga de Usamaru Furuya sorti chez Sakka, beaucoup plus clair, et les deux derniers films de Sono, les très beaux « Himizu » et « Land of Hope ».
De Gag, le 24 Novembre 2022 à 00h53
Ce film est génial mais pas accessible à tous
De Sunshishi [2411 Pts], le 19 Septembre 2013 à 17h51
Personnellement j'ai beaucoup aimé suicide Club, très original comme films..