A Silent Voice - Actualité manga
A Silent Voice - Manga

A Silent Voice : Critiques

Koe no Katachi

Critique de la série manga

Publiée le Mercredi, 18 Mai 2016

En 2015, Ki-oon a accueilli des titres forts émotionnellement dans son catalogue. Peu avant Your Lie in April de Noashi Arakawa, le premier volume d’une série particulièrement attendue paraît : A Silent Voice. Œuvre de Yoshitoki Oima qui signe ici son premier manga, le titre a reçu un accueil étonnant au Japon où il a devancé le succès de L’Attaque des Titans dans le Shônen Magazine, et a aussi remporté le Comic Natalie Grand Prix de 2014.
En France, le succès est similaire puisqu’avec 22 000 exemplaires vendus selon GFK, A Silent Voice est bien le meilleur lancement manga de 2015 en France.


Shoya Ishida, élève en primaire, est du genre casse-cou en plus d’être le meneur de sa classe. Lorsque sa classe accueille Shoko Nishimiya, sourde de naissance dont le handicap est un frein à son intégration sociale, la jeune fille ne s’attendait pas à vivre un cauchemar. Alors qu’elle tente tant bien que mal de s’intégrer, Shoya prend plaisir à la persécuter, accompagné des autres élèves de la classe, au point que le drame prenne une forte ampleur. Dès lors, les élèves retournent leur veste et font de Shoya l’unique fautif, commençant aussi à le brimer et à l’abandonner… Le jeune garçon aura payé le prix fort de son erreur et alors que les années passent, les épreuves du passé ont fait de lui quelqu’un d’isolé, sans véritable ami ni but dans la vie, restant ancré dans la culpabilité de ses méfaits. Son existence prend un tournant décisif lorsqu’il recroise Shoko qui a, elle aussi, bien grandi. Là est la chance de sa vie puisque désormais, Shoya va tout faire pour se racheter auprès d’elle…


A Silent Voice traite de prime abord de handicap, sous bien des angles, et ne se cantonne pas au sujet récurrent de la persécution scolaire, celui qu’on appelle l’ijime. Globalement, on pourrait dire que la série de Yoshitoki Oima parle de différences, de la manière dont une poignée d’individus, en particulier deux, vont apprendre à s’accepter, mais aussi accepter les erreurs de leur passé, s’orienter vers une rédemption qui rendra leurs lendemains et ce de leurs prochains meilleurs. Bien entendu, c’est avant tout l’histoire de Shoko et de Shoya qui est racontée ici et à ce titre, le récit développe tout le long les rapports entre les deux individus, partant de la persécution de la jeune fille à l’époque de l’école primaire jusqu’à aboutir à une finalité des relations entre les deux acolytes qui, à force de dialogues, auront appris ou non à se connaître et s’accepter. On ne peut pas clairement dire que c’est une relation amoureuse que la mangaka développe dans son titre, car même si l’intrigue s’oriente grandement dans ce sens, c’est un développement plus moral et sincère qui est raconté et loin du récit d’un couple, l’histoire présentée ici est celle de deux adolescents qui apprennent à mieux se connaître et rejettent leurs différences pour voir ce qu’il y a de bon en eux, et ce qui leur permettra de vivre leur quotidien en toute harmonie.


Et derrière cette tirade un peu mièvre, c’est surtout la sincérité du traitement de Yoshitoki Oima que nous cherchons à démontrer. Le ressenti est effectif dès le premier tome : l’auteure développe son récit et ses sujets avec une très grande justesse, n’hésitant pas à orienter son œuvre vers des propos très graves sans pour autant partir dans l’excès et la surenchère. Le discours est globalement très pertinent et quand le scénario se veut sombre, ce n’est jamais gratuitement et le tout est amené avec brio par les différents traitements de personnages.

Ces derniers ne sont finalement pas si nombreux que ça et si on peut réduire le casting principal à Shoko et Shoya, ils sont accompagnés tout le long par des personnages, amis ou familles, qui auront une influence permanente sur eux. Toutefois, ils ne sont pas laissés dans l’intrigue en tant que simple faire-valoir et ont tous leur carte à jouer, ce qui se ressent notamment dans les derniers opus où leurs développements paraissent évidents et appuyés, les menant à un aboutissement convaincant afin de leur donner de la couleur.

A ce récit qui chamboule par sa sincérité et ses sujets brillamment traités, nous pouvons aussi soulever les différents choix de mise en scène de la mangaka, très variés, qui ne résultent jamais du hasard et démontrent tout son talent pour présenter son intrigue sur planches. Le plus évident est la présentation de l’entourage de Shoya post premier tome, les visages barrés étant sujets à de multiples interprétations, mais relevant aussi bien du manque d’acceptation pour le protagoniste de son entourage et réciproquement. Mais ce n’est qu’un exemple, car au cours de certains chapitres, Yoshitoki Oima nous transporte de la plus belle des manières en ajustant sa mise en scène selon la psychologie des personnages, nous permettant de nous immiscer en eux et mieux ressentir leurs chamboulements. Sans dire que chaque case est pensée au millimètre, la démarche de l’auteure est véritablement ingénieuse pour un magazine shônen qui accueille une œuvre éloignée des standards habituels.


Œuvre parfaite, donc ? Pas totalement, car à quelques reprises, la série propose de grandes facilités narratives qui sont surtout évincées par la grande maîtrise que la mangaka a pour manier son scénario qui propose une montée en puissance jusqu’au sixième opus, voire jusqu’au dernier dans certaines de ses idées qui proposent un bel aboutissement à la série. Cet ultime volet représente aussi bien les freins de l’œuvre tant quelques-unes de ses directions sont étonnantes, abordent des sujets inédits tout en les précipitant, et proposant une planche finale riche de sens et de symboles, mais qui ne répondre pas à la question majeure que se posent bien des lecteurs…

Le dessin peut aussi dérouter à la première approche tant Yoshitoki Oima a un style bien à elle. Son trait est parfois hésitant, donnant parfois un aspect brouillon à la série, mais on reste marqué par son travail expressif sur les moult personnages dans cette série où les troubles intérieurs sont l’une des idées phares. On n’oublie pas non plus les choix de mise en scène qui, associés au dessin, donnent un tout teinté de fraîcheur, attestant le parti-pris artistique de l’auteure.

Du côté de l’édition, Ki-oon a fait un travail tout à fait remarquable. Outre la bonne qualité de fabrication des tomes, au format shônen incluant le papier qualitatif et épais de l’éditeur qu’on lui reconnaît, on retient la traduction bien pensée et en phase avec le ton du récit signé Géraldine Oudin.

Alors, Yoshitoki Oima signe une réussite avec son premier manga tant A Silent Voice est une lecture particulière, aussi apaisante que forte émotionnellement à de nombreux moments, sachant tirer le mieux de sa multitude d’approches du sujet des différents tout en gardant un ton juste et convaincant, sans oublier la galerie de personnages variés tous correctement développés. Malgré ses petits défauts et une fin qui en laissera plus d’un circonspect, l’œuvre mérite une lecture et des relectures, en attendant le très attendu film d’animation qui retranscrira le titre.

Chroniqueur: Takato

Note de la rédaction
Note des lecteurs
17/20

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

17.50,16.50,14.50,16.50,18.00,17.00,14.00

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